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Isolement ou non-alignement : quelle boussole pour la diplomatie algérienne?

Ahmed Attaf

Depuis l’avènement de l’« Algérie nouvelle », une question cruciale se pose : la diplomatie algérienne reste-t-elle fidèle à son ambition historique ou s’enferme-t-elle dans un isolement qui freine son influence ?

Dans un monde de rivalités géopolitiques croissantes et de recompositions stratégiques rapides, l’équilibre entre souveraineté et pertinence est devenu vital. Pourtant, l’Algérie semble osciller entre la défense de principes intransigeants et des choix qui peinent à répondre aux exigences contemporaines.

L’héritage révolutionnaire demeure le socle de la politique étrangère algérienne. Fidèle à ses principes de non-alignement, l’Algérie a longtemps incarné la voix des opprimés, se positionnant comme un acteur clé des luttes de libération et un défenseur acharné de la souveraineté des États.

Ce positionnement, symbolisé par la Conférence d’Alger de 1973, reste central. Cependant, dans un monde multipolaire où les alliances se redéfinissent constamment, cette posture apparaît figée.

Le soutien indéfectible à la Palestine, l’appui à l’autodétermination du Sahara occidental et le refus de rejoindre des blocs dominants illustrent cette continuité, mais révèlent aussi la nécessité de repenser la manière de traduire ces principes dans une stratégie diplomatique plus efficace face aux réalités du XXIe siècle.

L’insistance d’Alger à investir dans des organisations comme la Ligue arabe reflète cette tension entre héritage et adaptation.

Cette institution, affaiblie par son inefficacité chronique et ses divisions internes, limite la capacité de l’Algérie à exercer une influence décisive. Bien qu’elle conserve une présence significative au sein de la Ligue, l’Algérie semble davantage marginalisée que véritablement influente.

Les tensions au sein de l’organisation, notamment avec l’Arabie saoudite, les Émirats et l’Égypte, rendent difficile la formation de consensus, reléguant souvent la position algérienne à un rôle symbolique. En persistant dans cette voie, Alger pourrait détourner ses ressources d’autres priorités stratégiques, notamment en Afrique, où son influence historique pourrait encore être un atout.

Les rivalités régionales, notamment avec le Maroc, exacerbent ces défis. Tandis que Rabat élargit ses alliances avec des puissances comme les États-Unis, Israël, la France et des partenaires africains influents, l’Algérie privilégie des relations plus proches de Moscou et Pékin. Si ces partenariats servent des objectifs économiques et sécuritaires précis, ils restreignent la diversification des alliances et contribuent à l’image d’un pays en retrait.

De plus, la crise diplomatique avec l’Espagne, exacerbée par le soutien de Madrid au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental, a fragilisé une coopération énergétique essentielle, soulignant les tensions entre principes affichés et pragmatisme diplomatique face aux réalignements géopolitiques européens.

L’Europe, quant à elle, reste un partenaire clé mais ambivalent pour l’Algérie. La relation avec l’Union européenne, marquée par des enjeux énergétiques et des questions migratoires, peine à évoluer vers une véritable coopération stratégique.

Alors que l’Algérie reste un fournisseur énergétique incontournable, son rapprochement avec certaines puissances mondiales semble nuire à une relation plus équilibrée avec l’Europe. L’influence de l’UE en Afrique du Nord et sa pression en matière de droits de l’homme, notamment en ce qui concerne la situation interne en Algérie, compliquent la dynamique diplomatique.

L’Algérie pourrait tirer davantage parti de ses atouts économiques pour renforcer ses relations avec l’Europe.

Cependant, la région sahélienne représente une opportunité stratégique majeure. Face aux crises sécuritaires croissantes et aux ingérences étrangères, l’Algérie pourrait s’imposer comme un acteur central, en capitalisant sur son expérience dans la lutte contre le terrorisme et ses compétences diplomatiques.

Mais cette ambition nécessite une approche proactive et des alliances renforcées, un aspect encore insuffisamment exploité.

Un autre écueil majeur réside dans le décalage apparent entre la politique étrangère de l’Algérie et ses priorités internes. Les défis socio-économiques, la frustration croissante de la jeunesse, le drame des harragas, ainsi que la répression des voix dissidentes et l’incarcération de détenus politiques et d’opinion ternissent l’image du pays et nuisent à sa crédibilité internationale.

Une diplomatie ambitieuse ne peut ignorer ces réalités internes ; elle doit s’appuyer sur des réformes structurelles et un respect renforcé des droits fondamentaux pour offrir une image cohérente, juste et moderne sur la scène mondiale.

Pour retrouver un véritable élan international, l’Algérie doit transcender les postures figées de son passé révolutionnaire. Elle gagnerait à se concentrer sur le terrain africain, où son rôle historique de leader est encore respecté, tout en adoptant une diplomatie plus agile et diversifiée.

Plutôt que de se limiter à des arènes symboliques, elle pourrait renforcer son influence à travers des partenariats pragmatiques au sein de forums multilatéraux, tels que l’Union africaine, et en intensifiant sa diplomatie énergétique.

Loin de renoncer à ses principes, l’Algérie doit les réinterpréter à la lumière des défis contemporains. En conciliant souveraineté et pragmatisme, mémoire historique et adaptation stratégique, elle pourra se positionner comme un acteur incontournable, capable non seulement de défendre ses intérêts mais aussi de répondre aux attentes de ses citoyens, tout en consolidant sa place sur l’échiquier mondial. Une action diplomatique audacieuse, enracinée dans une vision rénovée, permettra à l’Algérie de dépasser son héritage et d’écrire une nouvelle page de son histoire internationale.

Mohcine Belabbas, ancien président du RCD

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