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Algérie : le poids d’une gouvernance sans cap ni ancrage démocratique

Mohcine Belabbas

L’exécutif algérien est de plus en plus critiqué pour son incapacité à répondre aux attentes d’une population confrontée à des défis d’une ampleur historique. Entre carences techniques, fragilité politique et manque de légitimité démocratique, cette situation illustre les failles d’un système de gouvernance figé, où l’absence de résultats tangibles alimente la colère et la désillusion des citoyens.

Censés incarner à la fois compétence et autorité, les ministres peinent à relever les défis qui leur sont imposés. Nombre d’entre eux, désignés selon des logiques de fidélité ou d’allégeance, manquent de l’expertise nécessaire pour gérer des dossiers aussi complexes qu’urgents. Mais au-delà de leur inaptitude technique, c’est leur incapacité à rassembler, à dialoguer et à insuffler une vision mobilisatrice qui reflète un vide politique inquiétant.

Si l’incompétence technique peut parfois être compensée par un instinct politique aiguisé, ce dernier fait cruellement défaut. Les décisions prises semblent souvent improvisées, déconnectées des réalités du terrain et dépourvues d’une stratégie globale. La gouvernance actuelle repose davantage sur la conformité et la soumission que sur la compétence et la méritocratie. Ce sont les logiques de réseaux claniques et de calculs d’intérêts qui président à la désignation des responsables, au détriment d’une gestion efficace et transparente.

Mais les carences individuelles ne sauraient occulter les failles structurelles d’un appareil étatique profondément dysfonctionnel. L’administration, lourde et dépassée, freine toute tentative de réforme. Quant aux mécanismes de reddition de comptes, ils restent inexistants, renforçant un sentiment d’impunité à tous les niveaux de l’État. Ce système engendre une inertie institutionnelle qui prive le pays de toute vision à long terme, aggravant un statu quo devenu insoutenable.

Cependant, le problème ne se limite pas à l’incompétence technique ou organisationnelle. Le véritable nœud du malaise réside dans l’absence de légitimité démocratique. Les dirigeants, souvent perçus comme issus d’un processus opaque et fermé, peinent à incarner les aspirations d’un peuple qui réclame une gouvernance représentative et accountable. Cette fracture entre les institutions et les citoyens érode encore davantage leur crédibilité, limitant leur capacité à mobiliser la société ou à engager les réformes indispensables.

La responsabilité de cette situation est largement partagée. Elle repose d’abord sur le sommet de l’État, qui continue de privilégier des critères de loyauté politique aux dépens de la compétence et de la vision. Le manque d’évaluation des performances des responsables, associé à une absence de volonté de sanctionner les carences, alimente une gouvernance perçue comme laxiste et désorganisée. Mais cette responsabilité incombe aussi à la société civile et aux élites intellectuelles, souvent accusées de passivité et d’incapacité à jouer pleinement leur rôle de contre-pouvoir.

Les répercussions de cette gouvernance déficiente sont lourdes. Elles se traduisent par une paralysie des réformes, une stagnation économique, une fuite des capitaux et un recul des investissements étrangers. Pire encore, elles nourrissent une frustration populaire croissante, menaçant à terme la stabilité sociale du pays.

Face à cette situation, un changement de paradigme est indispensable. Il ne suffit plus d’apporter des ajustements mineurs ou de remplacer quelques figures du pouvoir. Ce qui s’impose, c’est une refonte complète des mécanismes de gouvernance : des nominations fondées sur la compétence et la transparence, une reddition systématique des comptes, et surtout, un ancrage démocratique réel qui réconcilie les institutions avec la volonté populaire.

Sans un tel sursaut, l’Algérie continuera de s’enliser dans une crise de gouvernance aux conséquences incalculables, à la merci d’un système qui, faute de vision, sacrifie l’avenir au profit de ses propres travers.

Mohcine Belabbas, ancien président du RCD

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