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« La coureuse des vents » de Louenas Hassani : une œuvre au souffle doux et rafraîchissant

"𝗟a coureuse des vents" de Louenas Hassani 

La lecture de « La coureuse des vents » de Hassani Louenas suscite ce sentiment noble et généreux d’enjamber des oasis, des dunes et des immensités pour rejoindre, au-delà de l’imaginaire, les ancêtres qui vivaient dans des pays sans frontières où l’autre n’est autre que soi-même. 

Ici, dans le désert, l’identité et l’altérité cohabitent pour permettre la projection intéressée de son moi en l’autre. On se laisse peu à peu envahir par ce roman foisonnant, émouvant et profondément humaniste.

Une œuvre à parcourir pour voyager dans la réflexion et la méditation. Oui, lire « la coureuse des vents », c’est transcender la réalité pour plonger dans la fiction avant de s’apercevoir qu’en fait la réalité dépasse la fiction.

Le texte aurait pu s’intituler : « Nous », car l’humain ne peut rien faire d’humain sans l’humain. Autrement dit, chacun a besoin de chacun pour que chacun n’ait aucunement le sentiment d’être seulement un chacun, mais un tout. 

Or, L’être humain mérite-t-il ce titre alors qu’il se conduit en sauvage vis-à-vis de ses semblables ? Comment est-il possible que l’opprimé d’hier devenu aujourd’hui puissant devienne à son tour oppresseur ? Être ou ne pas être…

Dès les premiers passages, le lecteur entre dans la peau d’Addis, cette coureuse des vents dont les neurones fonctionnent à une vitesse époustouflante. Héroïne rebelle du roman, Addis s’adonne à la musique, à la poésie, à la philosophie, à la littérature. 

Ses poèmes sont un voyage intérieur dont l’interlocuteur est le vent qui permet à l’écho de résonner en semant les multiples questions qui incitent à raisonner, à méditer.

Aujourd’hui, je suis « je »

Je moissonne la route

Aujourd’hui, je suis « je »

Je suis sûre et je doute

Les poètes s’intéressent toujours aux autres. Comme sa poésie, Addis est belle comme la liberté, elle est gaie comme les fleurs, elle est humaine comme la vie. « Un poète est un monde enfermé dans un homme », affirmait Victor Hugo. Cette citation sied à merveille à Addis dont la culture éclate comme un feu d’artifice dans cet immense désert où chaque grain de sable est un vers ciselé et immortel.

Touarègue par sa naissance, Addis est aussi une citoyenne du monde. Elle est « un grain de sable dans l’œil du temps », dit-elle. 

Elle rêve d’un monde où chacun peut choisir sa destinée sans contrainte et courir dans les vents cléments et vivifiants. Le pire est la prison intérieure, ajoute-t-elle. 

L’enjeu du roman de Hassani Louenas est cette savoureuse réplique de Addis : « Soyons nous en je. L’autre, c’est moi, l’émoi, c’est l’autre ».

Par ailleurs, la lecture de ce roman ambitieux nous plonge dans l’environnement culturel des Touaregs où les us et coutumes et une foi profonde côtoient de vieilles légendes. 

En outre, cette œuvre métaphorique est réellement un fabuleux cadeau pour les amateurs d’allégories, de paraboles ou de symboles. Un délice !

Les personnages du roman sont tous poètes. Cette propension à la poésie s’explique par le fait que la commune natale de l’auteur – Aokas (Béjaia) – est une terre où les arts foisonnent: 

ici, la musique, la sculpture, le dessin, l’écriture, la peinture, la poterie font partie des activités quotidiennes. Cependant, la poésie se taille la part du lion : à Aokas, on n’est pas poète, on naît poète.

L’auteur surfe entre légendes et réalités pour nous offrir une belle œuvre qui est en fait une passerelle entre la vie moderne et l’éden du monde féerique des Touregs.

« Un monde idéal dans cette Oasis où les trois religions cohabitent et où les hommes et les femmes sont égaux », cette appréciation sort de la bouche du sage beau-père d’Addis, Ba Salem.

En somme, le texte de Louenas Hassani est une sorte de câlinothérapie où chaque être tombe dans les bras de l’autre sans calcul ni ambages, avec seulement cet amour qui unit les hommes parce que leurs cœurs occupent la même place et bat au même rythme.

L’auteur, professeur des universités au Canada, rêve d’un monde sans frontières où chacun est l’autre et l’autre encore un autre pour constituer une chaîne humaine où chacun, finalement, n’est plus l’autre.

Assurément, un roman à lire et à relire. En effet, sitôt le livre refermé, on s’empresse de le relire pour bien s’imprégner de ces valeurs humanistes…

Khaled Lemnouer

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