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107e vendredi : « Vous ne nous effrayez pas, nous sommes baignés de nationalisme »

DISSIDENCE CITOYENNE

107e vendredi : « Vous ne nous effrayez pas, nous sommes baignés de nationalisme »

Le ciel est d’un bleu azur, limpide et pur. Le soleil projette ses lumières scintillantes sur Alger, enivrante. C’est le bel après-midi d’un printemps précoce, qu’offre dame nature aux marcheurs pour les récompenser de leur persévérance.

Ils sont venus du centre-ville, des quartiers avoisinants mais aussi de plus loin : la périphérie, les wilayas avoisinantes. La circulation aux entrées de la capitale est plus fluide et les blocages semblent être levés.

Aussi, les forces de l’ordre sont moins nombreuses et se tiennent en retrait : on observe, on scrute et on confisque les portables « pointés » sur les tuniques bleues. Après la campagne « dénonciation de visages de policiers » menée sur les réseaux sociaux par les marcheurs, personne ne désire voir le sien partagé sur le web.

Dès la fin de la prière, les manifestants entament leur périple. Les agents de l’ordre restent à l’écart sur les rues perpendiculaires à la rue Victor Hugo. Ils évitent tout type de confrontation, comme cela s’est produit la semaine passé : un cortège composé en majorité de jeunes mâles et boudée par la gente féminine qui y est peu nombreuse.

Les slogans sont connus de tous, ne changent pratiquement pas et sont déclinés presque dans le même ordre, depuis la reprise des marches, comme suit :

  • Dawla madania machi 3askaria : Etat civil et pas militaire
  • Tebboune lemzouar : Tebboune le mal élu
  • Les généraux à la poubelle oul djazair tadi elistiqlal : les généraux à la poubelle et l’Algérie aura son indépendance
  • Djibou Toufik djibou Nezzar maran 3abssine ya ouled Bigeard : ramenez Toufik, ramenez Nezzar, nous ne cesserons pas fils de Bigeard
  • Nkemlou biha ghir bissilmia na7ou el3askar mel Mouradia : nous terminerons pacifiquement et chasserons les militaires d’El Mouradia (présidence)
  • Klitou lebled yasarakine : vous abez pillé le pays, voleurs
  • Mokhabarate 3abla ya7agrou ghir ezzouaoula : services secrets Abla (caserne Antar des services) ne s’attaquent qu’aux démunis
  • 7na ouled Amirouche : Nous sommes les enfants d’Amirouche
  • Echhab yourid isqat enidam : le peuple veut la chute du régime
  • Echaab yourid elistiqlal : le peuple veut l’indépendance
  • istiqlal istiqlal : indépendance ! indépendance !

On communie en chantant en cœur la casa d’El Mouradia. Un groupe de jeunes brule à la sauvette un drapeau français, de peur d’être interpelés.

Bien que les revendications et slogans restent figés, une annonce faite cette semaine par le ministre de la Justice Belkacem Zeghmati relative à la déchéance de nationalité soulève l’indignation générale. On crie : « Zeghmati fi el Harrach djibouh djibouh » i.e Allah Akbar incarcérons Zeghmati à la prison d’El Harrach. On répète sans cesse tout le long durant toute la manifestation : « Mtkhaoufounech bil jinssia oua7na rabatna elouatania » i.e. Vous ne nous effrayez pas avec la nationalité, nous sommes baignés de nationalisme.

Benyoucef Mellouk alias aami Mellouk (oncle Mellouk) coqueluche des marcheurs, ne pouvait pas rater telle occasion. Courageux, il a fait éclater depuis plus de 25 ans déjà ce que l’on appelle désormais « l’affaire des faux moudjahidine ».

Porté sur les épaules par des jeunes , banderoles à la main, sur lesquels sont collés de vieux titres de journaux, harangue de sa hauteur la foule : «Commencez par enlever la nationalité à tous ces fils de goumiers, de harkis…. Commencez par eux, ils ont tout infiltré et sont connus. »

L’affaire de la déchéance de nationalité est la réaction déplorable qu’ont choisi d’avoir les décideurs face aux attaques de quelques Youtubers, armés de leur téléphone portable ou de leur ordinateur, qui sont parvenus à mettre l’Etat dans tous ses états.

Après avoir réussi à sortir de sa réserve le premier magistrat du pays qui les a désignés, sans les citer, poussé l’éditorialiste de la revue El Djeich à les évoquer sans les citer aussi, forcé le ministre de la Communication à les fustiger, sans les citer, voilà que le Garde des sceaux les vise directement, sans les citer toujours bien sûr, par la promulgation de cette loi.

Tenus pour responsables de tous les maux que traverse la société algérienne, ils ne cessent d’être au centre de toutes les attaques et occupent le haut du podium. Ce qui fera dire à l’un d’eux lors de l’un de ses derniers live : même en dépensant de millions de dollars nous ne serions parvenus à un tel résultat !

Entretemps, la diaspora algérienne, se sentant agressée par une telle mesure a vite fait de choisir son camp. Qui a bien pu avoir la lumineuse idée de mener un tel projet ?

Interrogé sur le bien-fondé des décisions qu’il a eu à prendre durant son mandat, François Hollande répond qu’il n’a rien eu à regretter mise à part sa proposition d’étendre la déchéance de la nationalité française aux binationaux nés français. Mais lisent-ils seulement ces gens-là ?

Auteur
Djalal Larabi

 




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