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109e marche : la protesta et/ou la victoire

DISSIDENCE CITOYENNE

109e marche : la protesta et/ou la victoire

Tranquilles et sereins, les marcheurs célèbrent à leur manière la fête nationale de la victoire, le 19 Mars 1962, jour de l’annonce officielle du cessez le-feu conclu au terme des accords d’Evian signés le 18 Mars 1962 entre la délégation officielle du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) et les représentants du gouvernement français.  

Les manifestants sont comme toujours là par milliers. Déterminés. Ils entonnent leur partition habituelle en respectant l’ordre établi les semaines passées. Ils répètent qu’ils ne veulent pas d’Etat militaire mais un Etat civil. Ils jurent qu’ils s’arrêteront une fois les militaires chassés de la présidence. Ils s’en prennent encore aux services et tonnent « pouvoir  assassin ! ». 

Le slogan « Les enfants d’Amirouche », est repris tout le long de la manifestation. « On refuse de se rendre aux urnes avec le gang ». On demande que le pouvoir soit remis au peuple, proteste le peuple en marche.

« Lutte lutte jusqu’à la chute du régime, liberté liberté, libérez les prisonniers ils n’ont pas vendu de cocaïne, liberté liberté, vous vous en irez vous vous en irez, état de droit, justice indépendante, presse libre, vous vous en irez vous vous en irez, état civil et pas militaire, vous vous en irez, vous vous en irez », scandent les milliers des voix algériennes en arabe et en tamazight. On appelle à la marche le samedi matin.  On chante en cœur l’hymne national en réclamant indépendance et liberté.

Brandissant une banderole rappelant les prisonniers des années 1990, on scande : « mansinach massajin ettas3inat i.e nous n’avons pas oublié les prisonniers des années 90 ou Ntouma elayadi kharidjia 7na 3labalna chkoun egya i.e vous êtes les mains de l’étranger, nous nous savons qui est le GIA (Groupe islamique Armé) ».

Les femmes, les enfants, les jeunes femmes et familles réinvestissent la protesta : ils la parfument, la colorent et lui redonnent son éclat. Affiches, banderoles et placards se multiplient. Alger dans sa splendeur se veut rebelle et pacifique.

Un père de famille originaire d’Ain M’lila, Saib Nouredine ancien sergent de l’armée, accompagné de toute sa famille, portant deux banderoles sur lesquelles un texte et les photos  représentant un enfant sont imprimés, profite de la manifestation pour réclamer justice.

Il explique que son fils a été assassiné, victime d’une bande organisée spécialisée dans le trafic d’organe. Il interpelle le garde des sceaux et réclame l’ouverture d’une enquête. Il précise qu’un médecin tunisien exerçant dans une clinique d’Alger est à l’origine de ce méfait. Il assure être en procession de toutes les preuves et remercie le Hirak qui lui aura permis de dénoncer ce crime.

Bouchachi, Fodil Boumala et Mohsen Bellabas sollicités de toute part font également partie de  la foule. 

Le 19 Mars 1962 est l’aboutissement d’une révolution dirigée par une poignée d’hommes exceptionnels que l’on désigne souvent par la génération de Novembre. Ils sont passés par le PPA (Parti du peuple algérien), milité à l’OS (Organisation spéciale) puis formèrent le CRUA (Comité Révolutionnaire d’Unité et d’Action) pour enfin créer le FLN (Front de Libération nationale) et déclencher la révolution le 1er Novembre 1954. Ils planifièrent la lutte militaire, politique et diplomatique, rallièrent à leur cause les autres partis et tendances, organisèrent l’armée, gagnèrent le peuple pour enfin négocier la paix après plus de sept années de guerre. Ils prirent leurs responsabilités et s’engagèrent corps et âme pour libérer l’Algérie.

Ce que nous appelons aujourd’hui les têtes du Hirak, les différents activistes en Algérie comme ailleurs,  peinent à agir, organiser ou réagir. Le poids de la lourde responsabilité dont les événements les ont affublés semble dépasser la limite supportable par leurs frêles épaules. Mis à part l’appel à la marche, la critique continue et répétitive du système et de ses hommes point d’idées nouvelles ou de  pro-activité dans l’organisation et la canalisation de la contestation populaire.

Les marcheurs, égaux à eux-mêmes et toujours fidèles au rendez vous, labourent l’asphalte à travers tout le pays depuis deux années. Ils réclament le changement. Profond et pacifique. Ils veulent le meilleur pour le pays. Ils y croient. 

Mais une question taraude : vont-ils poursuivre leur quête vers une vie meilleure de cette façon ? N’a-t-on rien d’autre à leur proposer ? Qui peut prendre ses responsabilités pour redonner une nouvelle perspective ?

Le chef de l’Etat Abdelmadjid Tebboune et ses alliés foncent droit vers des élections législatives que les marcheurs boycotteront sûrement ?

Que se passera-t-il ensuite ? Continueront-ils à marcher ? Que ceux qui acceptent le rôle de tête prennent leurs responsabilités et accompagnent ce peuple vers la victoire, sinon qu’ils éteignent leur portables, leurs ordinateurs et marchent chez eux ! 

 

Auteur
Djalal Larabi

 




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