Des partis et organisations satellites du pouvoir lancent une initiative pour «l’unification ». Comme sous Bouteflika, cet attelage fait de bric et de broc se met au service de Tebboune en vue d’un deuxième mandat.
Comme au temps du tristement célèbre président moribond Bouteflika, Tebboune n’aura même pas besoin de faire une campagne électorale. D’autres se proposent déjà de le faire. Le mouvement El-Bina, le Front de libération nationale (FLN), le Rassemblement national démocratique (RND), le front El Moustakbal, la Voix du peuple, le parti ElKarama, le Rassemblement de l’espoir algérien (TAJ), l’Union des forces démocratiques et sociales (UFDS). Le Mouvement Ennahda, ont signé dimanche dernier une initiative politique conjointe intitulée « L’Initiative nationale pour promouvoir la cohésion et assurer l’avenir », visant à mobiliser les énergies nationales afin de renforcer le front intérieur. En toile de fond ? Créer une coalition présidentielle pour soutenir Tebboune.
La démarche a également reçu l’adhésion des syndicats, tels que l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), l’Union nationale des paysans algériens (UNPA), l’organisation nationale des enfants de chouhada (ONEC), l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM), les scouts musulmans algériens(SMA), l’organisation nationale de la protection des consommateurs (APOCE), la Confédération générale des entrepreneurs algériens (CGEA), la confédération algérienne du patronat et de la citoyenneté (CAPC) et le club économique.
Quant aux syndicats on retrouve, le syndicat national indépendant des personnels de l’administration publique (SNAPAP), l’Union générale des commerçants et artisans (UGCAA), le syndicat des pharmaciens et l’association des vétérinaires algériens. l y a aussi la coordination générale des zaouïas et l’ordre Qadiriyya kantiya en Algérie, et le califat général des zawiyas Tidjania. Pas seulement ce beau linge.
On retrouve aussi dans la liste des soutiens à la proposition de l’ex-candidat islamiste à la présidentielle de 2019, l’Union des étudiants algériens libres, le forum national de la jeunesse algérienne, l’Organisation algéro-française des droits et libertés, l’observatoire pour la vigilance des droits de l’homme et l’Union des écrivains algériens (tiens tiens, elle existe toujours ?). Autant de connues et d’obscures organisations que le pouvoir réactivent à chaque échéance électorale.
Le nombre des signataires a atteint 29 en attendant l’arrivée d’autres organisations et associations pour se joindre au groupe lors de la conférence nationale inclusive, laquelle devrait se tenir avant le mois d’août prochain.
La méthode Bouteflika
La presse n’a pas été autorisée à assister à la cérémonie de signature de la plateforme politique propose par ces partis et organisations qui s’est déroulée à huis clos.
Sans fournir d’explications claires sur ce black-out, les organisateurs veulent, visiblement, expliquent des observateurs, maintenir un certain suspense en décidant de rendre public le texte qu’ils ont paraphé une fois remis à Abdelmadjid Tebboune qu’ils comptent rencontrer incessamment.
Dans une déclaration rendue publique, ils ont notamment souligné que « le monde connaît une transformation radicale accélérée, qui a conduit à des situations de crise, à de multiples tensions et à des contradictions d’intérêts, avec des conséquences négatives sur la situation sécuritaire, économique et sociale des pays, et dont l’Algérie n’est pas à l’abri».
Et de souligner la nécessité de « renforcer la cohésion nationale et de renforcer le front intérieur, et de faire face aux menaces et aux risques qui pèsent sur la sécurité, les institutions et l’unité de l’Algérie ».
Ils ont aussi appelé à une « mobilisation générale afin de faire avancer notre pays politiquement, économiquement et socialement, assurer l’avenir de nos générations et réaliser les aspirations de notre peuple dans l’unité, l’harmonie, la stabilité et le développement». En clair, on est là face à la même imbuvable littérature politique qui a servi à l’usurpation du pouvoir depuis l’aube de l’indépendance.
Doute et méfiance des partis politiques
Des doutes planent quant aux objectifs et réelles motivations des auteurs de cette démarche boudée par le mouvement islamiste de la Société pour la paix (MSP), qui a fait volte-face après sa participation à la réunion préliminaire.
Des forces et des acteurs de l’opposition démocratique voient avec un œil suspicieux l’offre politique des Bengrina, et consorts qui, à leur sens, ne vise ni plus ni moins que la constitution d’un bloc politique qui soutiendrait le président Abdelmadjid Tebboune dans son projet d’un second mandat présidentiel.
Un parti politique comme le Front des forces socialistes qui refuse que soit réédité le statu quo antérieur au mouvement populaire de 2019 a annoncé, samedi, qu’il s’apprêtait, lui aussi, à présenter une offre politique appelant à un « contrat national »
De l’art de ressasser les vieilles lunes !
Incapable de donner le cap, de clarifier sa vision pour l’avenir de l’Algérie, Tebboune qui se prépare à succéder à lui-même, tient depuis son arrivée, il y a trois ans, au pouvoir un discours sur la « nouvelle Algérie » mais peine à donner un visage à son projet qui est la copie conforme de celui de Bouteflika dont il reproduit le même schéma de pensée et d’action. Pire encore, il a criminalisé l’action politique, réduit la presse au statut de vassal et fait de l’Algérie une cellule de prison.
L’homme est sans état d’âme. Tebboune ne s’embarrasse pas de procédés pour susciter des convergences et des adhésions à sa candidature.
Les soutiens politiques que l’actuel chef de l’Etat s’attelle à mobiliser pour sa réélection ne diffèrent en rien des attelages électoraux construits par Bouteflika et son frère pour les besoins de ses quatre mandats successifs, réunissant un ensemble hétéroclite de partis et d’organisation à l’ancrage politico-idéologique disparate et nébuleux et qui n’ont d’autre ambition que d’être le giron du pouvoir et de profiter de la rente.
On ne saurait dire autrement de l’initiative politique proposée par Bengrina et consorts qui est l’exacte répétition des scénarios éculés joués par le passé et qui n’ont pas laissé de bons souvenirs aux algériens.
Fait de bric et de broc idéologique, le bloc qui patiemment, se met en place pour servir de béquille à la réélection de l’actuel locataire du palais El Mouradia, n’est qu’un club de vieilles lunes unies pour le maintien du système et bien décidées à faire corps contre quiconque voudrait venir troubler leur noces éternelles avec le pouvoir. Et tant pis pour l’Algérie. Après eux, le déluge.
Samia Naït Iqbal