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36e marche : la force tranquille du 1er Novembre

DISSIDENCE CITOYENNE

36e marche : la force tranquille du 1er Novembre

C’est après les averses de la matinée et par l’apparition d’un soleil radieux, d’automne, que les Algérois entament leur contestation hebdomadaire. 

Le film de cette journée reste mémorable. Tandis que les uns arrivent de Bab El Oued et les autres de la place du 1er Mai, ceux de la rue Didouche-Mourad stationnés rue Victor-Hugo, attendent la sortie des mosquées.

Les policiers, se tenant debout devant leur 4×4 côté rue, sont plus matures que ceux des vendredis précédents. Ils ont l’air plus expérimentés et plus professionnels. Un mur de camions est dressé le long du parcours séparant la rue des trottoirs.

Les manifestants débutent leur marche en criant Ya Ali Ya Ali créant ainsi une atmosphère de bataille d’Alger. Ils enchaînent avec l’hymne à Ali Amar (Ali la Pointe). Ils entonnent « Allah ou Akbar haou dja November i.e. Dieu est grand le 1er Novembre arrive. 

Cette date gravée en lettres rouges, teintées du sang des martyrs, dans l’imaginaire collectif des jeunes marcheurs décuple leur volonté de se battre pour leur idéaux, en somme identiques, à ceux des jeunes de novembre 54.

S’en prenant aux généraux, ils répètent qu’ils ne veulent pas d’un pouvoir militaire qu’il les opprime depuis 57 ans, et réclament un Etat civil. 

Ils ressassent qu’ils n’iront pas voter avec les gangs. Qu’ils ne le feront pas, tant que Bedoui et Bensalah seront en poste, que Gaïd Salah peut s’en aller, car cette année il n’y aura pas d’élections. Ils hurlent : « Ba3ouha elkhawana ba3ouha » i.e. Ils l’ont vendu les traîtres, ils l’ont vendu en parlant de l’Algérie. Ils scandent sans interruption : »Al Magharibia kanat echa3b » Al Magharibia chaine du peuple. La chaîne de télévision, qui a arrêté d’émettre il y a  quelques jours, a repris sous le nom de Hirak Tv puis à partir d’Esharq El Awsat pour être finalement interrompue, devient un phénomène de société grâce au génie de nos dirigeants : c’est la voix d’un peuple que l’on tente désespérément d’étouffer.

En cœur, ils avertissent la Moscou là pariz Ya El khain echa3b houa errais Ya elkhain i.e ni Moscou ni Paris traître, le peuple est le président ou encore « la Benflis La Tebboune had El vot wallah maikoun Ya El khain » i.e ni Benflis ni Tebboune traître, nous jurons devant Dieu que ce vote n’aura pas lieu, traître.

Le chef de l’Etat Abdelkader Bensalah a subi les foudres des marcheurs après que la vidéo de sa rencontre avec Vladimir Poutine à Sotchi ait été relayée sur les réseaux sociaux  et fait le buzz avec plus de 500.000 vues. Sa piètre prestation a soulevé l’indignation des Algériens et provoqué leur courroux. Pour la énième fois ils se sont sentent humiliés par ceux qui les gouvernent. Et « Had eca3b la Yohan Ya Bensalah Ya djaban » i.e ce peuple ne s’avilit pas Bensalah le traître, rouhtou djebtou Poutine Ya El medloulin vous êtes allé ramener Poutine , larbins ;  Bensalah Ya el3atrous ole ola ou chka bina leruss i.e. Bensalah le bouc, tu es allé te plaindre de nous aux russes olé ola (traiter quelqu’un de bouc est assez péjoratif dans le langage populaire).

Les marcheurs enhardis par  leur inoubliable soirée mahrez (pilon et mortier) et klaxons, l’appel à une période de transition par le doyen des oulémas Cheikh Tahar Ali Aldjet, la réponse historique et cinglante de Bouragâa au juge durant son audition, la guerre des clans au sommet perceptible par l’incarcération du général Djebbar Mhenna et le remplacement du chef de la troisième région militaire, la réussite de la marche des avocats, l’allure désespéré du chef de l’Etat à Sotchi, le vent du 1er novembre, sont sereins. 

Ils savent le dénouement proche, qu’ils sont en phase d’atteindre leur objectif : c’est la force tranquille.

Auteur
Djalal Larabi

 




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