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48e vendredi : la lutte pour un « véritable Etat de droit continue »

DISSIDENCE CITOYENNE

48e vendredi : la lutte pour un « véritable Etat de droit continue »

Pour la 48e semaine d’affilée, des centaines de milliers de personnes sont descendues vendredi dans les rues d’Alger et de dizaines d’autres villes du pays pour réclamer un « changement de régime », au moment où le mouvement de contestation populaire, le « Hirak », se cherche un nouveau souffle.

« Algérie libre et démocratique! », a repris en chœur la foule, encadrée par un important dispositif policier, a constaté une journaliste de l’AFP.

Les mots d’ordre des manifestants n’ont pas changé. Ils ont aussi scandé « Etat civil et pas militaire » ou « Les généraux à la poubelle, le peuple aura son indépendance », autres slogans phares du « Hirak », certains contestataires arborant des photos de détenus et les couleurs nationales –rouge, blanc, vert–, omniprésentes dans le défilé. 

A Alger, les forces de sécurité ont instauré des goulots d’étranglement des manifestants. Le dispositif toujours impressionnant a terriblement gêné le déroulement de la marche. Comme du temps de Gaïd Salah, les entrées d’Alger ont été sévèrement contrôlées et verrouillées par les services de sécurité pour empêcher les manifestants de Kabylie de venir dans la capitale manifester. 

Si la mobilisation reste solide, elle semble marquer le pas par rapport aux manifestations monstres de l’hiver et du printemps 2019, qui avaient contraint en avril l’ex-président Abdelaziz Bouteflika à démissionner, ou encore comparée aux cortèges durant la campagne de l’élection présidentielle du 12 décembre, boycottée par le mouvement. Il est cependant impossible d’évaluer précisément le nombre de manifestants en l’absence de tout comptage officiel. La foule, qui a défilé sans incident, s’est dispersée un peu avant 17H00. Le matin, la police a procédé à de nombreuses interpellations parmi les premiers manifestants.

Des défilés imposants se sont également déroulés à Tizi Ouzou et Béjaïa, en Kabylie, ainsi qu’à Constantine (nord-est) et Oran (nord-ouest), Bordj Bou Arréridj, Sétif, et de nombreuses autres villes du pays. .

Près d’un an après la naissance du « Hirak », beaucoup s’interrogent sur la direction que doit prendre aujourd’hui ce mouvement de contestation inédit, pluriel et pacifique.

« Le Hirak doit continuer pour maintenir la pression afin d’obtenir un maximum de choses », selon Ahmed Benabid, un retraité. « Le pouvoir n’est pas parvenu à réduire le Hirak et le Hirak n’a pas réussi à faire aboutir son projet de changement de régime », constate-t-il.

Le scrutin du 12 décembre, marqué par une abstention record, a abouti à l’élection d’un nouveau président, Abdemadjid Tebboune, et l’entrée en fonction d’un gouvernement constitué pour plus d’un tiers de ministres issus du cabinet sortant ou d’équipes gouvernementales au pouvoir durant les 20 ans de règne du président déchu Abdelaziz Bouteflika.

Ancien fidèle de M. Bouteflika, M. Tebboune, 74 ans, a promis une révision de la Constitution, soumise à référendum, et un comité d’expert a été mis en place à cet effet.

« Je marche« 

Le peuple est vent debout contre les élites incapables de réinventer une autre trajectoire. Contre le pouvoir qui louvoie et joue sur les bons mots pour tromper l’opinion. Les manifestants continuent d’exiger le démantèlement du « système » et le départ de ses représentants au pouvoir depuis l’indépendance du pays en 1962.

Pour les « hirakistes » d’Alger, la mobilisation ne faiblit pas. « C’est de l’intox de journalistes payés par le régime. Nous sommes toujours très nombreux », lance Salima, une enseignante de 57 ans. Pour elle, il n’est « pas question de dialoguer avec ce pouvoir. Il faut marcher jusqu’au départ de ce régime ». « Je ne sais pas si cela vaut toujours la peine mais je marche », confesse Karima, une fonctionnaire de 45 ans. « Je marche en me disant que de toute façon, au minimum, cela embête le pouvoir ».

Entouré de deux amis, Ramzi, un ingénieur quadragénaire, se dit « désemparé »: « franchement, je marche mais sans la ferveur des premiers temps. Quelque chose s’est brisé en moi avec la tenue des élections », avoue-t-il en se disant « incapable d’imaginer ce que sera le +Hirak+ dans les mois qui viennent ».

Une chronique de l’écrivain algérien Kamel Daoud cette semaine dans l’hebdomadaire français Le Point, dans laquelle il conclut à « l’échec » de la contestation et à une « révolution perdue », a d’ailleurs enflammé les réseaux sociaux.

Une majorité de commentaires critiquent férocement une analyse prématurée, partiale et partielle. « C’est vous qui avez perdu, tous les combats, y compris celui de la dignité. La révolution continue », lui a répondu une étudiante en histoire, Zoulika Tahar, sur Twitter.

D’aucuns, les plus virulents, taxent le prix Goncourt du premier roman de « traître », ou l’accusent de faire le jeu du régime. D’autres –plus rares– tempèrent en applaudissant son franc-parler et son « courage »: lui dit tout haut tout ce que tout le monde pense tout bas, estiment-ils.

Auteur
La rédaction/AFP

 




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