Vendredi 28 décembre 2018
5 ans après une première expertise et des recommandations de l’ONU…
Le gouvernement vient d’annoncer quelques modifications de la loi du 20 février 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, écrit dans un communiqué l’association algérienne de lutte contre la corruption (AACC) que préside Djilali Hadjadj.
« 1. L’Algérie fera l’objet en 2019 d’une deuxième expertise de son dispositif législatif et réglementaire en matière de prévention et de lutte contre la corruption, expertise à l’actif d’experts envoyés par l’agence des Nations-Unies contre le crime et la drogue (UNODC) dont le siège est à Vienne. L’UNODC est chargée de l’organisation du processus d’évaluation de l’application de la Convention des Nations-Unies de 2003 contre la corruption par les pays qui l’ont ratifiée, ce qui est le cas de l’Algérie dès 2004.
2. L’Algérie avait déjà fait l’objet en 2013 d’une première expertise qui avait été précédée d’une auto-évaluation sur les mesures prises en matière de prévention et d’infractions liées à la corruption. Dans le rapport des experts de l’UNODC, des insuffisances avaient été signalées et l’Algérie s’était engagée dès 2013 – officiellement et par écrit-, à apporter les « correctifs » nécessaires, c’est-à-dire en améliorant et en renforçant la loi du 20 février 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, surtout en la rendant plus conforme avec le contenu de la Convention des Nations Unies.
3. Cinq années plus tard ( !), l’Algérie n’a toujours pas respecté ses engagements : aucune modification de la loi du 20 février 2006, telle que souhaitée par les experts des Nations-Unies, n’a encore été introduite ! Et comme l’Algérie sera « évaluée » en 2019, le gouvernement vient de réagir en catastrophe – Conseil des ministres du 27 décembre 2018-, en annonçant quelques décisions mais sans donner de détails, visant à modifier la loi du 20 février 2006.
4. L’Algérie avait été « épinglée » en 2013 sur les insuffisances suivantes :
4.1. L’indépendance réelle et effective de l’Organe national de prévention et de lutte contre la corruption (ONPLC) / Réputé « Indépendant » mais rattaché au président de la République.
4.2. Protection des dénonciateurs de la corruption et des lanceurs d’alerte
Voici ce qu’écrivaient en 2013 les experts des Nations-Unies : « Durant la visite du pays, il a été remarqué que l’Algérie envisageait des mesures pour renforcer la protection des personnes dénonçant des faits de corruption, contre les représailles éventuelles. L’Algérie a mentionné qu’un projet de loi sur le sujet est en préparation et qu’il sera présenté au Parlement dans un futur proche. » Fin de citation.
4.3. Déclaration de patrimoine des agents publics. Le Conseil des ministres d’hier n’y fait pas du tout allusion. Visiblement, le gouvernement veut laisser les choses en l’état, ce que regrette l’AACC.
L’AACC ne cesse depuis 2006, année de l’adoption de la loi du 20 février, de clamer haut et fort que le processus tel que défini par la loi est non seulement insuffisant mais il n’est pas appliqué !!!
Voici ce que proposaient les experts des Nations-Unies en 2013 : « Les mesures suivantes pourraient renforcer davantage le dispositif anticorruption en vigueur :• Continuer à mettre en œuvre des mesures pour rassembler et examiner les déclarations de patrimoine des agents publics afin de contrecarrer l’enrichissement illicite…. » Fin de citation.
4.4. A propos de la création d’une Agence nationale de gestion des avoirs issus des infractions de corruption. Là aussi, c’est une recommandation des experts des Nations-Unies, alors que l’Algérie n’y était pas favorable.
Voici la réponse officielle de l’Algérie en 2013 : « Bien qu’il n’y ait aucun organisme spécialisé qui réglemente l’administration des biens gelés, saisis ou confisqués, il existe des procédures réglementant la façon dont on peut disposer de certains objets ou la manière de les conserver, y compris au moyen d’un dépôt sur un compte sécurisé, de leur mise sous séquestre, leur mise aux enchères, leur vente ou leur destruction. Les biens en question relèvent du pouvoir judiciaire, qui désigne un administrateur pour surveiller et conserver le bien. » Fin de citation.
Commentaire de l’AACC à ce sujet : « Si la justice algérienne avait été indépendante et s’il y avait une réelle volonté politique à lutter contre la corruption, cette « Agence » ne chômerait pas tant il y aurait eu énormément d’avoirs à récupérer tant en Algérie qu’à l’étranger ». Fin de citation.
5. A propos de l’annonce par le Conseil des ministres de la création d’un pôle pénal financier à compétence nationale, chargé des affaires financières complexes dont celle relative à la corruption, l’AACC s’interroge sur l’opportunité et l’utilité d’un pareil dispositif, venant s’ajouter à d’autres organes judiciaires déjà existants et très peu efficaces, tels les 4 pôles judiciaires régionaux créés en 2010.
Pour l’AACC, une agence telle que celle-ci doit forcément être indépendante de l’Exécutif, regrouper des magistrats compétents, doit s’ouvrir sur l’entraide judiciaire internationale : des conditions qui ne sont pas réunies actuellement en Algérie.
Voici d’ailleurs ce que les experts des Nations-Unies avaient recommandé en 2013 au gouvernement Algérien : Envisager de transposer dans le droit interne certaines dispositions de la Convention des Nations-Unies contre la corruption en matière d’entraide judiciaire et d’extradition par l’adoption des mesures législatives déjà initiées ; Assistance technique nécessaire pour améliorer l’application de la Convention notamment à travers le renforcement des capacités dans le domaine de l’entraide judiciaire et des enquêtes financières internationales. »Fin de citation.
6. Autre info communiquée par l’Algérie en 2013 en réponse aux recommandations des experts des Nations-Unies : « L’Algérie a aussi indiqué que la création d’une Académie de formation en matière de lutte contre la corruption était en cours. » Fin de citation.
L’AACC se demande pourquoi cette « Académie » n’a toujours pas été mise en place 5 ans après !