Dimanche 2 février 2020
A ceux qui nous dirigent
Tous les citoyens de ce pays attendent des résultats, des effets, des annonces, des révélations, des actions qui puissent réduire d’abord leurs frustrations puis des engagements et une vision qui puissent nourrir leurs espoirs, comme un patient, qui aspire d’abord à la réduction de ses souffrances puis à un remède aux maux qui le rongent.
2/Comment sortir du système ?
Il n’est pas inutile de rappeler que durant les deux dernières décennies, il y a eu une accélération effrénée d’une saisie de l’économie nationale par un réseaux mafieux dans tous les secteurs et tous les rouages administratifs du pays. Rien n’y échappa. Le pouvoir, le gouvernement, les élus, les hauts fonctionnaires, les présidents de grandes entreprises, les administrations, l’économie, le commerce, la culture, la santé, l’éducation, les sports : la contamination fut totale, du simple citoyen au sommet de l’Etat.
La corruption, la fraude, les passe-droits, la rapine à grande échelle ont commué en mode de gouvernance. La constitution triturée maintes fois, des textes de lois, des règlements, des décrets et d’autres dispositions ont permis et accompagné ce hold-up historique. Aujourd’hui, nous constatons tous, avec stupéfaction, l’ampleur et la profondeur du désastre.
Si l’on croit encore qu’il existe des hommes et des femmes parmi nos dirigeants, véritablement engagés à rechercher une voie de sortie de ce système programmé pour nous ruiner, pour paralyser nos actions, pour figer notre dynamisme, pour répandre une sinistrose et enfin pour attiser le désespoir et la détresse provoquant l’exil de notre jeunesse, alors il faut se tourner vers eux.
Aujourd’hui, c’est à eux que je m’adresse, à ceux et celles qui ne prétendent pas tout savoir et encore capables de prêter écoute.
3/Comment et par où commencer ?
J’imagine que l’ampleur du désastre est telle qu’elle peut soit paralyser soit conduire à l’errance, tout dirigeant de bonne foi, désirant contribuer au redressement et éviter le naufrage.
Quand on se voit confier une mission de changer un système de l’intérieur, avec les personnes forgés qui y siègent, ii faut savoir que la difficulté majeure consiste à effectuer une double opération intimement liée : changer le système avec ses hommes.
Il n’est pas possible de changer tous les hommes et les femmes voire la société. S’il existe une thérapie globale pour soigner les maux sociétaux, elle reste un processus long et complexe. Mais dans ce contexte de gouvernement de transition qui se dit vouloir entreprendre un processus de changement radical, je voudrais ici, en exprimer ma vision.
C’est avant tout un mode opératoire spécifique qui doit être mis en œuvre. Un management du changement à l’instar de ce qui se pratique dans des entreprises menacées de disparaître. Il s’agit d’appliquer des mesures souvent énergiques, impopulaires et difficiles mais qui puissent offrir à l’issue un renouveau, un redressement, une perspective de sortie heureuse.
Dans les années 1990, les grands cabinets conseils internationaux en entreprise ont tracé des schémas qui indiquent comment mener une telle opération. Ces schémas et mécanismes ont été étendus en partie aux états en quasi-faillite ou en restructuration après déliquescence (blocs des pays de l’Est par exemple, pays européens lors des privatisations des années 1980).
Nous allons ci-après indiquer succinctement la démarche.
Il s’agit d’abord de concevoir un plan de réforme qui part d’un diagnostic puis d’appliquer immédiatement les mesures d’urgence ou de sauvegarde : 30 + 100 jours.
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30 jours pour établir un diagnostic
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100 jours pour le mettre en application
3/1 Comment ?
Un cabinet de plusieurs (10-20 personnes) experts 50% de la structure (Ministère) et 50% d’experts consultants extérieurs seront chargés d’établir un diagnostic de la situation. Des dossiers spécifiques pourraient faire l’objet d’un examen particulier.
Un travail intensif, soutenu, documenté et condensé exposera 10-20 points (mesures d’urgence) issus du diagnostic. Une présentation avec examen critique permettra son parachèvement et devra emporter l’adhésion de toute la structure.
A partir de là, on passe, sans attente, à la phase d’application. Il faut y accorder 100 jours et pas plus sachant de toute façon que c’est presque une mission impossible. L’important est d’enclencher un processus qui empêche irrémédiablement le retour en arrière, à la case départ ou qui se grippe face aux réticences.
En fait la mise œuvre prendra bien plus de temps mais la dynamique est enclenchée et toute la structure se met en mouvement : Voilà en résumé le secret d’un programme de changement radical.
Si l’on n’agit pas ainsi, il y aura alors, beaucoup d’agitation mais sans résultats.
L’exécutif a le choix de mettre en place un tel système dynamique difficile à conduire je l’avoue, mais salutaire sinon piétiner durant des mois voire des années et sans aucuns résultats mais en prime, davantage de problèmes bien plus graves encore.
3/2 Par où commencer ?
Dans de pareilles situations, dans l’urgence, tout va apparaître prioritaire. Beaucoup de managers , ministres ou autres responsables ne savent pas (par manque de pratique ou formation) différencier Urgence et Précipitation, ni utiliser la règle des 80% et 20%.
Par ailleurs, on ne sait pas toujours comment aborder les problèmes ni appréhender les vraie solutions en suivant des fausses pistes souvent répressives. A l’instar d’un ministre qui veut régler les problèmes de l’utilisation des sachets de lait subventionné par la répression des fraudes. « Monsieur le Ministre toute l’Algérie pratique d’une manière ou d’une autre la fraude ! » Courir après les fraudeurs serait un sport d’endurance qui exige une longue préparation.
A mon avis, il fait fausse route ou use sciemment de la démagogie active. Un tel problème pris sérieusement devrait revoir toute la chaîne de production : l’élevage de bovins, la production laitière, l’aliment de bétail, la collecte du lait, le conditionnement, l’importation de la poudre de lait, la commercialisation, notre modèle de consommation de ce produit. Donc arrêtons de courir, à la Don Quichotte après des moulins à vent !
Je pourrais parler du montage (SKD CKD)des véhicules automobiles en Algérie et tant d’autres sujets à l’identique où la fraude est à la base du processus et qui va à l’opposé du développement durable.
4/ Des mesures fortes et immédiate à notre portée
Il existe des mesures qui permettent d’introduire avec force et détermination une rupture avec l’ancien système et qui ne dépendent que du pouvoir en place.
4.1/ des mesures fortes et immédiates
Pour une bonne partie le ministère des finances, de l’intérieur et du commerce détiennent les commandes. L’évasion fiscale, le secteur informel, les malversations des organes de régulation et de contrôle (douanes et administration fiscale), la faiblesse de la numérisation de l’administration et des circuits commerciaux occupent une place prépondérante.
Parallèlement à cette moralisation des corps de l’administration, sensés protéger notre économie, il est indispensable de porter un regard sur notre monnaie et étaler au grand jour la situation du dinar algérien : le dinar productif et le dinar spéculatif (papier sans contre valeur). Il s’agit de trouver un traitement capable d’absorber ce choc du financement non conventionnel, en allant d’abord vers une réduction du train de vie de l’Etat et en recherchant des niches d’économies sensibles !
Ajouté à cela, je pose le problème d’une décentralisation réelle de la gouvernance en donnant aux wilayas une autonomie croissante de gestion. C’est aux habitants de la wilaya de trouver avec les autorités locales la meilleure façon d’exploiter toutes les richesses locales disponibles, d’accroître les ressources et d’offrir plus d’emplois aux jeunes.
C’est l’économie participative qui n’a jamais été exercée pour permettre aux oligarques de garder seuls, une main mise sur tous les gisements de richesse. C’est donc du ressort du Ministère de l’intérieur et des finances de déverrouiller l’économie locale et de réduire l’influence des Walis, véritables seigneurs féodaux.
4.2/ des mesures visant l’équité régionale
Sans aller bien loin, dans les pays limitrophes on observe comment le déséquilibre régional peut faire imploser un pays. Compte tenu de sa taille l’Algérie présente des différences notoires dans le développement de ses régions. A mon sens trop d’injustices ont été commises et aujourd’hui il est urgent d’y pallier. Tous les voyants sont au rouge et la santé en particulier, est un signe très sensible.
Une question simple qui devrait trouver une vraie réponse : comment transformer ces zones déshéritées en pôles majeurs de développement économique ?
4.3/ des mesures visant l’économie du savoir et de l’innovation
Des petits pays en Afrique se sont projetés comme centre africain de l’intelligence et de l’innovation. Parmi eux, certains, il y a 25 ans étaient menacés tout bonnement de disparition. L’Algérie a été volontairement clouée au sol par une Hissaba, ennemi et mafia interne, qui a provoqué l’exil à la fois des jeunes diplômés mais aussi des cadres confirmés. La décision appartient aujourd’hui à nos dirigeants : veulent-t-ils remplacer l’ancienne Hissaba par une nouvelle relookée ou vont-ils faire sauter tous les verrous de blocage de l’entreprenariat, du partenariat public-privé, de la libre initiative soutenue et encouragée, de l’ouverture aux investissements, des facilitations pour l’exportation, aux retours des non résidents souhaitant s’investir dans leur pays d’origine,
Ces mesures ne demandent pas de lourds investissements mais bien plus une détermination et une volonté de rupture irréversible avec l’ancien système.
5/ Pour une Algérie responsable et engagée
Dans ce papier, je me joins au Hirak qui clame pour seul salut de l’Algérie : la liberté et le droit des algériens à disposer et à s’impliquer dans leur devenir et leur avenir. Nous refusons qu’on nous conduise là où un grand nombre de pays se trouvent plongés et plombés : guerres civiles, dictatures islamiques, occupations étrangères, divisions, banqueroutes, faillites, monarchies tribales, régimes présidentiels à vie, etc.
Pour cela, la façon la plus évidente de consolider notre nation est de permettre à tout un chacun d’apporter sa contribution là où il se trouve :
Offrons donc à nos wilayas la possibilité que ses habitants soient pleinement engagés à reconstruire notre économie par une décentralisation élargie de la gouvernance.
Pour résoudre nos problèmes politiques et économiques, seule une implication et mobilisation totale des algériens de toutes catégories, de toutes les régions, de tous les niveaux, des résidents et non-résidents pourrait le permettre et garantir la construction d’une Algérie nouvelle bâtie sur la création de richesse, le travail, la connaissance et l’innovation et l’ordre du mérite.
Nous sommes tous le Hirak. Ensemble, solidairement, nous allons observer, scruter, analyser, suivre les actions, et à l’issue nous jugerons !