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A Mouloud Sadi et aux oubliés du printemps berbère d’avril 1980

HOMMAGE

A Mouloud Sadi et aux oubliés du printemps berbère d’avril 1980

En ces jours de protestations et de commémorations, je voudrais rendre un hommage à tous ces anonymes et autres précurseurs militants de la démocratie et de la cause amazighe. Et, je pense en particulier à Mouloud Sadi.

Il est quelque peu frustrant, pour moi, et injuste pour ces défricheurs de ne pas voir apparaître leurs noms dans aucune de ces nombreuses publications ou invocations sur ce légendaire groupe initiateur du printemps berbère de 1980.

Pour ne citer que Mouloud, cousin de Saïd pour qui d’ailleurs, du moins à l’époque, il vouait une admiration sans limite.

Militant convaincu, honnête, incorruptible, sans concession et même quelque peu têtu à mon goût, quand il s’agit de défendre ses principes et cet idéal pour lesquels il s’était voué.

Ces héroïques actions, ce renouement avec nos valeurs et racines, cette fierté d’appartenir à ce peuple, qui finalement n’avait jamais été vaincu, du moins moralement, culturellement, avaient suscité l’enthousiasme des jeunes que nous étions, malgré la terreur exercée par cette implacable et épouvantable Sécurité Militaire de l’époque.

Ce peuple qui véhicule des valeurs démocratiques depuis la nuit des temps et dont les us et coutumes sont en conformité avec cette morale humaine, humaniste, universelle faite de justice, de droiture et de tolérance, avait été malgré l’hostilité des autres régions acquises au discours négationniste du pouvoir, ses relais dans la région.

Et malgré les craintes, la terreur et aléas de l’époque instaurés par l’absolutisme régnant, il avait répondu massivement, généreusement à l’appel de ces jeunes.

Mouloud quant à lui, était pour nous une sorte d’agent de liaison, un correspondant en quelque sorte aussi de cette héroïque équipe berbériste, dans ce milieu hostile qu’était à l’époque Hussein Dey où nous vaquions lui et moi à la SNLB.

Quelques jours après le 20 avril 1980, sortant d’une houleuse réunion du conseil de direction, pour me détendre et me calmer, deux jeunes aux crânes rasés étaient patiemment adossés au mur de la salle de réunion ; par conséquent je les avais interpellés pour les prier d’aller patienter dans la salle d’attente conçue pour ça, et ce, afin de préserver le secret des conciliabules de notre aréopage.

Et c’était ainsi qu’ils m’avaient présenté leurs cartes professionnelles. Ils étaient de services d’agents de la sécurité militaire. ils me demandèrent si je pouvais les emmener ou de faire venir en ma qualité de responsable un « certain » Mouloud Sadi.

Instantanément, j’avais deviné leurs intentions et répondu alors afin de gagner un peu de temps:

«Il me semble qu’il y a beaucoup de Sadi, néanmoins, je vais vous envoyer notre chef du personnel, qui est mieux indiqué que moi».

Entretemps j’avais appelé Mouloud pour l’informer de son imminente arrestation par la S.M. Je lui ai dit qu’il pouvait fuir par le chemin Vauban.

Muni de son cabas de futur détenu, Mouloud me regarda dans les yeux et me répondit avec cette assurance qui habite les militants convaincus :

« Je les attendais, tu peux leur dire que je suis là ».

Et je lui avais rétorqué :

‘’Zenz imanik, i y imanik’’ (Tu te vendras tout seul, car moi je n’ai rien à marchander !).

Une réponse devenue par la suite une sorte de citation.

Mouloud Sadi avait, comme toute ce fabuleux groupe de militants, été incarcéré et subit les affres des geôles du pouvoir de Chadli Bendjedid, pour avoir tout simplement et légitimement demandé la reconnaissance de leur origine et culture amazighes. Qui peut l’imaginer aujourd’hui ? Que de chemin fait depuis l’indicible sacrifice de ces éclaireurs désintéressés ! 

Que la gloire soit à jamais leur !

 

Auteur
Mohamed Aouli

 




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