Mardi 12 décembre 2017
A quoi sert la tripartite Gouvernement-UGTA et patronat ?
La tripartite, on est toujours et encore, dans la même bulle monocorde, monotone, atone et non porteuse d’espoir, a rappelé à juste titre quelqu’un parmi ceux, nombreux, qui s’interrogent sur l’utilité de sa tenue. Les organisateurs diront, bien évidemment, vouloir parler de relance économique, de l’émergence d’une base industrielle et de justice sociale. Discours redondant, sinon comment expliquer que depuis des décennies que l’on parle d’économie, d’entreprise et aussi de favoriser la production nationale et de la diversifier, on est, encore, au point de départ, loin des pays voisins ou des pays arabes, dont on n’arrive même pas à exploiter les difficultés conjoncturelles qu’ils rencontrent, par exemple le tourisme, pour ne citer que ce secteur ! L’entreprise, par exemple, est conjuguée à tous les temps, mais on ne relance pas l’activité économique par décret, ou des lois d’investissement ou par volontarisme étatique, a rappelé le professeur Abderrahmane Mebtoul.
En outre, si les investisseurs algériens ne trouvent pas intérêt à aller vers la production nationale, vers la création de l’emploi, faut-il s’étonner, ou encore moins, s’attendre à ce que les investisseurs étrangers, qu’il y ait la règle du 51/49%, ou même l’inverse, fassent preuve de plus d’engagement ? Quant au secteur privé, cet enfant stérile de la rente pétrolière, plus on élargit son rôle, plus on l’encourage, moins on emploie le « potentiel technologique et technique national » et moins on produit « national » (*). Et d’une tripartite à l’autre, les conflits dans le monde du travail s’intensifient et ils sont toujours perçus négativement alors qu’ils portent sur des revendications socioprofessionnelles, avérées.
L’UGTA se contente d’observer les grèves, à partir du banc de touche, à telle enseigne qu’elle est devenue « une institution « bureaucratisée ». Et conséquemment, le salariat est déçu par une centrale si proche du pouvoir politique et si loin des cols bleus ! La belle affaire que cette UGTA revigorée grâce à l’encartage de 300 mille retraités et de 200 mille femmes ! En somme, une performance ayant consisté à faire adhérer des hommes du 3ème âge et des couturières travaillant à domicile. Fini donc la force de frappe des cols bleus des usines ainsi que la mobilisation des paramédicaux et des marchands d’alphabet et bienvenue aux septuagénaires impotents et les femmes au foyer, ironisait un journaliste ! Les syndicats autonomes agissent et gagnent en crédibilité, même si, faut-il l’admettre l’action de certains d’entre eux n’est pas dénuée d’arrière-pensée… politicienne et pour d’autres, il leur est difficile d’afficher une attitude revendicative dès lors qu’ils ne doivent leur existence qu’au pouvoir en place. La prochaine tripartite annoncée pour la fin de l’année à en croire l’information publiée sur la page facebook du FCE, sera-telle exceptionnelle par son contenu ? A savoir le lancement d’un nouveau programme économique pour le pays ? Comment va-t-on aborder cette question de relance de l’investissement, alors que perdurent, encore, le blocage de l’information économique, le recours obligatoire au Credoc et l’absence d’efficacité des chambres de commerce, qui sont autant d’obstacles empêchant la relance de l’investissement ?
Va-t-on continuer, dans notre pays, à se rejeter la balle longtemps avec l’éternelle chicanerie du rôle de l’Etat régulateur, de la responsabilité des producteurs, de la non maîtrise des prix des matières premières qu’on ne produit pas, de l’anarchie de la consommation, de la faiblesse de l’agriculture, de l’industrie ? A moins de décider de débattre de la thématique consistant à plancher sur « le passage d’une économie de rente à une économie de production », seule manière de réhabiliter la notion de productivité et de relier les revenus à la production » ?
Pour l’heure, les experts sont sceptiques concernant l’économie algérienne hors hydrocarbures. C’est un mirage trompeur, un fichier qu’aucune statistique si sophistiquée soit-elle ne peut saisir pour la bonne raison qu’elle n’existe que dans l’esprit de ceux qui l’imaginent en dépit de la réalité économique de notre pays (*).
En effet, le tableau de bord de notre économie nationale est accablant : • 98% de notre substance est tirée des hydrocarbures • on n’exporte que 2 milliards de dollars de produits • notre agriculture n’est pas compétitive • notre territoire maritime est pollué • notre tourisme n’est pas attractif • notre réseau de PME/PMI est insignifiant • notre industrie a été démantelée • nos barrages sont envasés • notre trésor solaire est ignoré • nos déchets ne sont ni recyclés ni valorisés • notre équipe nationale de football tire son essence des centres de formation européens • notre produit national n’est ni valorisé ni concurrentiel. • les Chinois nous construisent nos logements et aussi notre Grande Mosquée. Et pour ajouter au désastre, le fonds des recettes est appelé à s’épuiser à brève échéance tout comme les réserves de change.
La dernière tripartite devait se tenir à Ghardaïa, avant d’être reportée sine die par l’actuel Premier Ministre Ahmed Ouyahia, pour ne laisser aucune trace des actes d’Abdelmadjid Tebboune qui, faute d’avoir été le « Batman » attendu par les Algériens, n’aura été en définitive, qu’un « Don quichotte » dans un combat plus que douteux ! Le président de la République a eu à délivrer un message de vérité qui a l’avantage d’annoncer clairement les difficultés qui attendent les Algériens : «Il est du devoir du gouvernement et de ses partenaires sociaux et économiques de donner l’exemple à notre peuple, par la solidarité, la mobilisation et l’unification des rangs, afin que notre pays puisse mobiliser les énergies et les investir de manière constructive dans les différentes capacités et potentialités de ses enfants » a-t-il déclaré. Le gouvernement d’Ahmed Ouyahia l’a-t-il entendu, lui qui sort péniblement des élections locales, qui parle à lui-même et ne fait pas grand-chose dès lors que les grands choix notamment économiques sont en éternelle gestation. Pour lui, les préoccupations de stabilité sociale immédiate passent avant toute réforme d’un système économique à bout de souffle. Mais pourquoi donc on n’arrive pas à mettre en place des politiques économiques viables ? Faut-il, pour autant, revenir au bon ministère de la planification, pour mettre de l’ordre dans ce « désordre » ? Le Premier Ministre dont les ambitions présidentielles sont un secret de polichinelle, va-t-il s’activer à recoller les morceaux pour s’inscrire pleinement dans le cadre défini par le Chef de l’Etat ?
Avec la salve de mesures d’austérité dont certaines seront insérées dans la loi de finance 2018, il marchera sur une corde raide, car le rabot, va, inéluctablement, toucher aux subventions qui représentent près de 23% du PIB. Il ne pourra pas résoudre les problèmes du pays avec ses partenaires économiques et sociaux dans les conditions actuelles, car ils sont eux-mêmes une partie du problème. Tout au moins, sont-ils des obstacles au changement ou à l’ouverture, estime un éditorialiste d’un quotidien francophone ! Peu importe, il a sa feuille de route et de ce point de vue les citoyens qui sont déjà entrés en résistance depuis de longs mois et qui n’attendent rien des tripartites, résisteront eux qui ont résisté à des décennies de terrorisme islamiste sanglant, souvent en le souffrant plutôt qu’en le combattant ; ils ont résisté à l’autoritarisme, en s’y adaptant, plutôt qu’en s’y opposant. Ils résisteront donc à la récession en y ajustant leur mode de vie. Puisque c’est cela qu’on attend de leur part ; le pouvoir ne demande des comptes aux citoyens, ni eux ne lui en demandent. Tant qu’on ne leur demande pas de se mettre au travail, ils résisteront assurément! N’est-ce pas que le secret de notre stabilité nationale est là, écrivait il y a quelque temps un chroniqueur.
Face à la crise et au marasme économique qui frappent l’Algérie, tous les experts économiques et à leur tête les généreux membres de « Nabni » s’accordent dire qu’il faut réagir :
1. Le gouvernement doit accélérer le programme des réformes car les retarder ne peut que conduire à la désintégration, à l’appauvrissement et à la perte de confiance en l’avenir,
2. Avec la fin de la rente, le pays vivra sous l’emprise de la peur, voyant partout des menaces où les autres voient des chances. Il est temps, de mettre en place une véritable économie de la connaissance, faciliter la concurrence, revoir le code du travail, privilégier l’épanouissement du numérique, de la biotechnologie et du solaire.
3. L’emploi, doit être le crédo du gouvernement. Ailleurs, on n’en est venu à parler d’«emplois d’avenir » et même «d’emplois générationnels» !
4. Le gouvernement doit, enfin, dire toute la vérité au peuple algérien et non pas insulter son intelligence par des discours totalement négatifs, pour des raisons politiques et idéologiques, en prétendant que «l’Algérie n’est pas en faillite» tout en reconnaissant «qu’elle traverse une situation difficile» !
Des 20 tripartites passées, on a, en fin de compte, retenu que les « embrassades » entre organisateurs et invités, tout cela, dans une ambiance bon enfant, où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Mais avec le pavé dans la mare lancé récemment par le patron de la Confédération algérienne du patronat, Boualem Merakchi qui a affirmé en substance que la «tripartite ne sert que les intérêts d’un nombre restreint de patrons et qu’elle a atteint ses limites en tant qu’espace de concertation». Comme on dit « wa chahada chahidoune mine ahliha » !
C. A.
(*) « L’économie algérienne : économie-bébé » Par Mourad Benachenhou in Le Quotidien d’Oran