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Abane Ramdane : 68 ans après, son assassinat toujours absent du récit officiel

Commémoration de la mort d'Abane Ramdane.

Commémoration de la mort d'Abane Ramdane. Crédit photo : page Facebook de la Wilaya de Tizi-Ouzou.

La commémoration du 68ᵉ anniversaire de la disparition d’Abane Ramdane, organisée par la wilaya de Tizi Ouzou, a suscité une vive réaction citoyenne. En cause : un communiqué officiel jugé lacunaire, voire trompeur, pour avoir une nouvelle fois évité de qualifier clairement les circonstances de la mort de l’un des principaux architectes de la Révolution algérienne.

Beaucoup d’hypocrisie, peu de vérité historique encore une fois. La cérémonie officielle organisée à l’occasion du 68ᵉ anniversaire de la mort d’Abane Ramdane s’est déroulée à Larbaâ Nath Irathen en présence du secrétaire général de la wilaya représentant le wali, du directeur des Moudjahidines, des autorités locales, de représentants des institutions élues, de la « famille révolutionnaire » et de cadres de l’État. Comme à l’accoutumée, l’hommage a mis en avant le rôle central du dirigeant révolutionnaire dans la structuration du Front de libération nationale (FLN) et dans l’organisation politique et militaire de la lutte armée, notamment à travers le Congrès de la Soummam de 1956. Les mêmes lanternes et généralités suintant la boursouflure politicienne.

Mais au-delà du protocole et du discours convenu, le communiqué insipide de la wilaya a fait réagir. Un citoyen a publiquement- sur la page Facebook officielle de la wilaya  de Tizi-Ouzou– exprimé sa colère, dénonçant ce qu’il considère comme une falsification persistante de l’histoire. En cause : l’usage de formulations vagues évoquant la « disparition » ou le « martyre » d’Abane Ramdane, sans jamais nommer explicitement la réalité historique de son assassinat.

Abane Ramdane a été assassiné le 27 décembre 1957 à Tétouan (Maroc), dans des circonstances désormais largement documentées par les historiens. Il ne s’agit ni d’une mort au combat comme avait menti El Moudjahid et les pouvoirs successifs, ni d’un assassinat perpétré par l’armée coloniale, mais bien d’une exécution décidée à l’intérieur même du mouvement de libération, par des compagnons de lutte. Ce fait, aussi douloureux soit-il, constitue une page sombre mais essentielle de l’histoire de la Révolution algérienne.

Pour de nombreux observateurs, l’évitement sémantique qui caractérise encore les discours officiels traduit une difficulté persistante à assumer les zones d’ombre du passé révolutionnaire. Or, soixante-huit ans après les faits, la demande n’est plus à la glorification univoque, mais à la reconnaissance lucide de l’histoire dans toute sa complexité.

Abane Ramdane (1920-1957) demeure une figure majeure du nationalisme algérien, un grand dirigeant politique qui a œuvré à la primauté du politique sur le militaire et à l’organisation collective de la Révolution. Il a chèrement payé de personne et de sa vie finalement son engagement sans faille pour le triomphe de la révolution. Son héritage intellectuel et politique est aujourd’hui largement reconnu. Mais cette reconnaissance reste incomplète tant que les circonstances de sa mort continuent d’être contournées par le pouvoir et ses relais. On ne peut reprocher à l’ennemi d’hier de cacher la vérité historique, si nous-mêmes sommes incapables de l’assumer.

Commémorer Abane Ramdane ne devrait pas consister à édulcorer l’histoire, mais à l’assumer pleinement. Car rendre justice à sa mémoire, c’est aussi reconnaître la vérité de son assassinat — condition nécessaire pour une mémoire nationale apaisée et fidèle aux faits.

Samia Naït Iqbal

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