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Abdelkader Bensalah : l’oraison funèbre de l’imam 102

REGARD

Abdelkader Bensalah : l’oraison funèbre de l’imam 102

Le petit discours balbutié par le chef de l’Etat par intérim dimanche dernier, à la veille du mois de ramadhan, n’est qu’un très faible écho de ceux  de la Voix de son Maître, son vice-ministre de la Défense nationale qu’il a, du reste, tenu à saluer vivement, en fin de prêche.

Un prêche de funérailles qui réunit tous les ingrédients identitaires par lesquels les Algériens qualifient les imams officiels, payés par l’Etat, d’«imams CCP» dans lequel la « oumma islamique» «le peuple vaillant» «le Saint Coran», «les paroles d’Allah» sont autant de paradigmes de l’ordre du sacré que l’imam cette fois du 102 aligne à l’emporte-pièce, à «l’occasion» pour appeler ces « infidèles » au dialogue, les trente millions d’Algériens du mouvement de la dissidence citoyenne du 22 février qui depuis cette date n’exige et n’attend qu’une chose : que tout le système prenne sa valise et n’essaie même pas la ruse du grand démissionnaire à vouloir jouer les prolongations jusqu’aux illusoires élections présidentielles auxquelles il s’accroche vainement, misérablement.

Tel, précisément, le chef de l’Etat par intérim, imam du 102 devenu, qui, de la «parole sacrée du Saint Coran» avec laquelle il ouvre son discours à «la réunion des conditions appropriées pour l’organisation, dans les délais convenus, de l’élection présidentielle » pour laquelle, après avoir essuyé un cuisant échec de sa conférence nationale mort-née, il n’hésite pas à instrumentaliser – c’est dans les mœurs du système – la religion à des fins politiques, politiciennes et manœuvrières, ainsi que le lui permet du reste l’Article 2 de la Constitution : «L’Islam est la religion de l’Etat» que l’imam du 102 applique à la lettre de ses corruptions sémantiques et idéologiques, dans cette oraison funèbre sur le dialogue et le scrutin présidentiel.

Mais l’absolution avec laquelle s’adresse le chef de l’Etat par intérim, d’un imam de service, gardien éphémère du bunker constitutionnel, n’est pas, à considérer le prêche dans son contexte, porteuse d’un regain de spiritualité ni même l’expression «saine» d’une démonstration de foi et d’attachement à cette désormais fantomatique et «oumma islamique » (longtemps anti algérienne et anti-berbère ) en guerre en raison de roitelets assoiffés de règnes, déchirée et dont les populations affamées, sont devenues, des poussières d’individus.

C’est une plutôt une harangue qui saisit l’occasion du feuilleton OAS d’Alger, tenter de «bénir» par la «grâce d’Allah» les coups de filets spectaculaires ordonnés et dirigés par le Général de corps d’armée, via une Justice «accélérée» au point que tout ce qui rentre fait ventre : des petits corrompus relevés de leurs postes aux gros requins présentés comme tels par le système qui à une époque faste de ses grandes prières officielles du vendredi, se retrouvaient, aux prêches d’imams officiels, Justiciers et corrupteurs aux premiers rangs des fidèles…caciques du système.

L’imam du 102, Abdelkader Bensalah semble, dans cette palabre, nostalgique de cette époque qui a fait les beaux jours et les longues mandatures présidentielles des alliances scellées entre La Grande Mosquée, la Grande Maffia et la Grande Justice, le même qualificatif  ne se prêtant pas à des substitutions systématiques tant il fait florès dans cet univers de la Grande corruption qui ne laisse pas d’empreinte puisqu’elle a l’article 2 comme alibi solide, indémontable.

C’est précisément par ce faux alibi d’un «Etat de droit » qui, miraculeusement, sort d’un coma artificiel du demi-siècle de toutes ses servitudes  que l’imam Bensalah veut anoblir son prêche au nom de l’Islam et de la Oumma islamiya et l’élever comme révélateur d’un appel au dialogue qualifié donc de «saint», presque « coranique» et que, par cette voix sacro-sainte, sa démission exigée de la rue serait, pour ainsi dire « kofr » puisque sa place, son rôle, en ces circonstances particulières, graves pour le pays, bref sa mission révélée est celle du Messie attendu,  frôlant le mythe d’Abraham qui a in extremis redressé la Pierre Noire de la Mecque (Kaaba) sauvée ainsi de l’écroulement.

Tout d’abord, c’est lui, le grand imam qui parle au nom du peuple, de ses fidèles assujettis comme au mois sacré de Ramadhan » à ses offres de dialogue par le truchement des tapis volants de milles et une nuit… de faussetés et de corruption systémique sans visage, sans nom qui a rendu le pays exsangue, mis à vil prix au nom de Dieu et des dieux de cette même corruption des prêches de minarets des haut-parleurs desquels l’imam du 102 lance à qui veut s’y prosterner, cet énoncé qui sonne faux, d’une naïveté déconcertante voire même débonnaire qui se moque éperdument de celui qu’il se plaît à gratifier outre mesure de «vaillant peuple» :

«La voix du peuple a été entendue. Elle a trouvé en l’État réactivité positive, promptitude et compréhension à l’égard des revendications, aspirations et attentes de notre population. Le processus de changement connaît, au quotidien, des avancées incontestables. Au cœur des revendications populaires, la lutte contre la corruption et la dilapidation des deniers publics, a ainsi connu une accélération qui laisse entrevoir une prise en main déterminée par la Justice des dossiers qui ont défrayé la chronique, mais aussi et surtout une action méthodique, inscrite dans la durée et induisant un impact salutaire sur l’économie nationale, débarrassée de l’impact néfaste des pratiques qui ont profondément gangréné son fonctionnement…».

Voilà la vraie motivation de ce pauvre discours : tenter de récupérer autant que faire se peut – battre le fer tant qu’il est chaud, dit-on – le grand coup de filet du Général tendu au «dangereux trio d’Alger » pour alimenter ce prêche du désespoir, des dernières ablutions avant le «Youm el âiqab» (le jour du châtiment) celui terrien et imminent, des élections présidentielles du 4 Juillet.

Après que la Voix de son Maître n’a cessé de tonner, lors de ses nombreux déplacements à travers le pays, jurant devant Allah et le Peuple, être le garant et le bouclier du scrutin présidentiel en ayant compris le peuple et ses revendications légitimes pour le menacer ensuite d’un prêche incendiaire, l’imam du 102 ouvre toutes les portes des mosquées sauf celle du Grand démissionnaire pour promettre les richesses dilapidées et l’argent volé, aux  fidèles des mosquées pour servir de «fidèles» électeurs ce 4 juillet prochain : «Un dialogue intelligent, constructif, de bonne foi (qui) reste en effet, l’unique moyen pour construire un consensus fécond, le plus large possible, de nature à permettre la réunion des conditions appropriées pour l’organisation, dans les délais convenus, de l’élection présidentielle, seule à même de permettre au pays de sortir définitivement et durablement de l’instabilité politique et institutionnelle…». Mais, les vrais jeunes imams et les citoyens fréquentant les mosquées se refusent à être des moutons de Panurge.

A mesure de la gradation et de l’épuisement de son prêche, l’imam du 102 semble s’appauvrir en mots et révéler des vérités qui montrent l’ineptie même de ce dialogue tel cet énoncé «l’Etat est déterminé à donner la parole au peuple » qui veut tout simplement dire que cet «Etat» n’a pas encore donné cette « parole » au peuple. Et pourquoi ne serait-ce pas au peuple de donner la parole à l’Etat, pas en tout cas celui de cet imam improvisé.

Se sachant dans les revendications du «Dégage» du mouvement de la dissidence citoyenne du 22 février, l’imam du 102 alias Chef de l’Etat par intérim entend que cette «parole de l’Etat» soit donnée au peuple «graduellement» et par «une transmission souple». En termes clairs, Abdelkader Bensalah, dans ce discours, signe son arrêt de mort politique en s’engageant, par la contrainte,  sur la voie militaire Gaïdienne. Est-ce la raison pour laquelle son discours sent l’oraison funèbre ?

Auteur
Rachid Mokhtari, écrivain journaliste

 




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