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Abstention au vote en Algérie : l’érosion sociale a une cause historique (I)  

Même si cela déplait à certains adeptes de la théorie du séparatisme en Algérie, et ils sont très peu nombreux, il faut reconnaître que toutes les factions politiques ont fait confiance au Front de la libérations nationale (FLN) pour un objectif et uniquement un seul : celui de la libération de la population algérienne du joug colonial caractérisé par une colonie de peuplement et une marginalisation poussée des autochtones.

Ce premier consensus a permis le déclenchement de la révolution du premier novembre 1954 qu’aucun Algérien quelque soit sa sensibilité ou son orientation politique ne regrette aujourd’hui contrairement à ce qui est dit ici et là. Même les Français de souche non seulement le reconnaissent mais aussi orientent la recherche de la cause du mal d’aujourd’hui.

Voilà comment la reprennent les journalistes spécialisés des historiens (01) : « la société algérienne fut une des plus dépossédées du monde : la colonisation de peuplement avait expulsé une partie de la paysannerie de sa terre et condamnait, par son existence même, les chômeurs ruraux à ne pas trouver d’emploi dans le secteur agricole. La majorité des postes de cadres moyens ainsi que des fonctions administratives subalternes étaient dévolus aux Européens. Enfin l’identité algérienne elle-même étant niée, le pays ayant un statut départemental tandis que l’arabe n’était pas enseigné dans les écoles. Le succès de l’insurrection du 1er novembre 1954 trouve là ses sources. »

Mais le Front de libération nationale, pas plus que les autres mouvements nationalistes petits bourgeois qui l’ont précédé, n’avait d’autre programme que l’indépendance, d’autre idéologie que l’anticolonialisme. Si la lutte armée avait été le signe du dépassement du réformisme des partis traditionnels, les classes moyennes qui composaient les directions de ces partis s’imposent après 1956 au sein d’un FLN sans aucune doctrine.

Les faits historiques sont formels : le contenu de l’indépendance est un problème qui n’a jamais été abordé sans passion au cours de la guerre de libération nationale. Ce fait déterminera une part importante de ce que fut l’histoire des 59 années de l’indépendance de l’Algérie.

Ceux qui sont morts pour cette aspiration ne l’ont pas été en vain. Il se trouve  malheureusement que ceux qui ont pris la relève pour parachever le processus d’indépendance ont désormais échoué sous la pression de la bourgeoisie bureaucratique qui s’est avérée plus puissante que l’armée coloniale Pourquoi ? Parce qu’elle s’est développée dans le corps social lui-même et s’est incrusté dans les cellules de sa cohésion pour empêcher son progrès.

Si l’on ne compte pas les trois gouvernements provisoires d’avant l’indépendance, il y a eu 46 gouvernements durant la période précitée, Bouteflika en nomme 19 sans compter les 13 ans qu’il a passé sous la présidence du feu Houari Boumediene. Abdelmadjid Tebboune en nomme deux. C’est probablement cette longévité dans le pouvoir qui le rend aujourd’hui la cible de toutes les critiques en prenant tout ce qu’on fait ceux qui ont pris la destinée de l’Algérie avant lui sur son dos.

Souvent les chefs des gouvernements sont reconduits mais les ministres changent. Chaque responsable arrive avec une nouvelle stratégie qui divorce avec la précédente, raison pour laquelle les projets et intentions d’investissement n’arrivent toujours pas à se concrétiser. En outre, l’Etat n’arrive toujours pas à aménager des zones industrielles. Il rate les opportunités pour faire fuir des investisseurs, tourne le dos à des millions de dollars et refuser des milliers de postes d’emploi à ses concitoyens.

C’est  apparemment un art qu’affectionnent ceux qui tiennent les rênes de ce pays. Résultat : Les générations d’aujourd’hui n’ont apparemment pas récolté les fruits des sacrifices faits pour une Algérie libre, mais libre pour qui ? Ils ont l’impression que la société algérienne est passée d’une colonisation qui marginalise la majorité à un système dans lequel la croissance est au profit de la minorité.

Cette modeste contribution, se basant sur des faits historiques, tentera de montrer que l’Algérie a raté son indépendance réelle, pour tempérer l’euphorie des uns et des autres qu’entendaient les vaillants combattants de liberté par « indépendance réelle » ? L’Algérie n’était pas la seule mais ses paires ont réussi le challenge, quelles sont les raisons effectives de son échec ?  Enfin y aurait –il une voie de sortie ? Qui pourrait la réaliser ?  A suivre

Rabah Reghis

Renvois

(01)https://www.mondediplomatique.fr/1972/07/CHALIAND/31008#:~:text=La%20soci%C3%A9t%C3%A9%20alg%C3%A9rienne%20fut%20une,emploi%20dans%20le%20secteur%20agricole.

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Rabah Reghis
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