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Affaire de la «mafia du tabac» : l’ancien PDG de Madar placé sous mandat de dépôt

Charaf-Eddine Amara, ex-PDG du groupe public Madar

Charaf-Eddine Amara, ex-PDG du groupe public Madar.

Le placement en détention provisoire de Charaf-Eddine Amara, ex-PDG du groupe public Madar, marque une nouvelle étape dans une enquête sensible touchant au secteur stratégique du tabac. Au-delà du dossier pénal, l’affaire interroge les mécanismes de gouvernance des entreprises publiques et la nature de certains partenariats étrangers.

Le juge d’instruction près le pôle pénal économique et financier du tribunal de Sidi M’hamed a ordonné, ce dimanche 21 décembre 2025, le placement sous mandat de dépôt de Charaf-Eddine Amara, ancien président-directeur général du groupe public Madar. L’information, révélée par Echourouk News, s’inscrit dans le cadre d’une enquête judiciaire portant sur de présumées malversations financières liées à l’industrie du tabac.

Cette décision intervient dans un contexte marqué par une série d’investigations menées sur les circuits de financement, de distribution et de partenariat du secteur, l’un des plus rentables mais aussi des plus opaques de l’économie nationale.

Un départ de Madar qui prend une autre dimension

L’incarcération de l’ancien dirigeant survient moins de deux mois après son limogeage de la tête du holding Madar, le 14 octobre dernier. À l’époque, la décision avait été officiellement présentée comme un simple réaménagement de la gouvernance du groupe, sans communication détaillée sur ses motivations.

Les développements judiciaires récents suggèrent toutefois que des soupçons sérieux pesaient déjà sur la gestion de Charaf-Eddine Amara, donnant à son éviction une portée rétrospectivement plus politique que managériale.

Le partenariat algéro-émirati dans le viseur

Le cœur de l’instruction concerne les relations entre Madar et son partenaire émirati au sein de la Société de tabacs algéro-émiratie (STAEM). Selon des sources proches du dossier, l’enquête se concentre notamment sur : des transferts financiers suspects, susceptibles de constituer des infractions à la réglementation sur les changes, avec des flux dirigés vers les Émirats arabes unis ;

l’utilisation présumée de ces fonds pour l’acquisition de biens immobiliers de luxe à Alger; les mécanismes de distribution des produits du tabac, accusés de favoriser un nombre restreint d’opérateurs au détriment de la concurrence, instaurant un contrôle informel du marché.

Ces éléments nourrissent l’hypothèse d’un système structuré, combinant intérêts privés, failles réglementaires et absence de contrôle effectif.

Des ramifications au-delà du secteur du tabac

Le nom de Charaf-Eddine Amara apparaît également dans d’autres dossiers en cours d’examen, notamment ceux liés à sa gestion passée de la Fédération algérienne de football (FAF), ainsi qu’à certains contrats industriels du complexe sidérurgique d’El Hadjar. Autant de dossiers qui, sans être formellement joints à la procédure actuelle, alimentent les interrogations sur l’étendue des pratiques mises en cause.

Par ailleurs, le juge d’instruction a confirmé le maintien en détention de l’homme d’affaires désigné par les initiales « M.A. », représentant de la partie émiratie, ainsi que de plusieurs cadres et intermédiaires présumés.

Une affaire révélatrice des limites du « nettoyage»

Les arrestations font suite aux rapports du Service central de lutte contre le crime organisé (SCLCO) de Saoula, qui évoquent un réseau visant à contourner la législation sur les mouvements de capitaux à travers des montages contractuels complexes.

Pour de nombreux observateurs, cette affaire illustre moins une rupture radicale qu’un nouvel épisode dans la longue et laborieuse entreprise d’assainissement de l’économie nationale. Elle pose, une fois encore, la question de la responsabilité des organes de contrôle, du suivi des partenariats étrangers et de la gestion des groupes publics stratégiques.

Reste à savoir si ce dossier ouvrira la voie à des poursuites élargies et à de véritables réformes structurelles, ou s’il se soldera, une fois encore, par la mise en cause de quelques exécutants, laissant intacts les mécanismes profonds du système.

Samia Naït Iqbal

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