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Affaire Khashoggi : nausée et perception bien singulière des droits humains

ARABIE SAOUDITE

Affaire Khashoggi : nausée et perception bien singulière des droits humains

Dévastatrice offensive-coalisée au Yémen. Mise en quarantaine du Qatar, séquestration du premier ministre Libanais Saad Hariri. Purge de richissimes dignitaires saoudiens dans une hallucinante prison dorée (Hotel Ritz Carlton de Riyad). Répression contre des opposant(e)s et des religieux saoudiens. Plan de paix (Accord du Siècle) concernant la Palestine endossé par l’Arabie Saoudite. Tension avec l’Iran et diabolisation du parti chiite Libanais, le Hezbollah. Ces différents faits d’armes portent la marque déposée de l’impulsif et sulfureux jeune prince héritier saoudien Mohamed Ben Salmane dit MBS. Trente-trois ans, beau gosse, « Roi »» très pressé, MBS est un adepte des méthodes expéditives et brutales, il est présenté comme un réformateur (1), un sauveur, un messie voir un visionnaire (2).

Un plan surréaliste et barbare : « Massacre à la tronçonneuse »

Tout commence au consulat saoudien à Istanbul, le mardi 2 octobre 2018, 13h 14mn, Jamal Khashoggi 59 ans, célèbre journaliste (entre autres, chroniqueur au Washington Post) opposant-soft saoudien, un peu anxieux et préoccupé (il sait que sa dernière chronique publiée au Washington Post a drôlement mécontenté le prince MBS) salue sa fiancée turque Matice Cengiz, lui donne ses deux téléphones portables et pénètre au consulat d’Istanbul pour récupérer des documents lui permettant de l’épouser. Depuis, Il n’en est pas ressorti…, en tout cas pas sur ses deux pieds !

La première version saoudienne affirme que Jamal a quitté le consulat peu après y avoir pénétré. La presse turque, nourrie des fuites des services de renseignement  turcs (vraisemblablement le consulat est sous très haute surveillance électronique), donne la version suivante macabre et glaçante digne des meilleurs films d’horreur: Jamel en entrant au consulat supposé ‘sanctuaire’ pour le commun des mortels, tombe dans un guet-apens barbare et surréaliste, orchestré depuis Riyad, tendu par un commando de voyous,  sadiques et psychopathes, comprenant entre autres des officiers (3) de forces spéciales et de l’armée de l’air saoudiens, des membres supposés de la sécurité rapprochée de MBS et d’un médecin légiste militaire artiste dans l’art de disséquer les ‘vivants’. Jamal est d’abord saisi par deux hommes du commando (4), puis traîné dans une pièce pour être interrogé (juste quelques minutes de répit), puis torturé (amputation des doigts !) ; il est démembré vivant! Au moyen d’une scie électrique!, opération effectuée par le colonel légiste!, sur fond musical! (non vous ne rêvez pas !). L’affaire sordide et expéditive aurait duré sept longues minutes. In fine, et pour couronner le tout du tout, Jamal Khashoggi aurait été décapité. Les quinze “touristes” auraient pris dans leurs valises la tête du journaliste ! (trophée de guerre !) pour être offerte à MBS. Cette exécution dans les règles de l’art version ‘Daech’ débouchera sur une crise mondiale majeure sans précédent. Les neuf cent millions de dollars/an dépensés par les Saoudiens en relations publiques, ne serviront dorénavant à rien.

Indulgence coupable et criminelle du monde à l’égard des excès de MBS

Force est de constater que l’onde de choc mondiale de l’affaire Khashoggi a peu ou pas touché les pays arabes. Cette indulgence coupable à l’égard du dernier écart de MBS (pour ceux qui ne le savent pas, MBS n’avait pas hésité à faire séquestrer sa propre mère) voit son explication dans la main mise du royaume wahhabite sur les gouvernements arabes.

La majorité du monde arabe fait bloc derrière l’Arabie Saoudite et soit dit en passant souscrit aveuglément à n’importe quelle explication farfelue soit-elle concernant le cas Khashoggi.

La piètre indifférence, et le silence coupable des pays arabes vis-à-vis du massacre à ciel ouvert qui est la guerre au Yémen est sidérante et scandaleuse. Les pays arabes soutiennent cette guerre horriblement atroce et justifient cela par l’argument débile en relation avec la sainte ‘guerre’  que mènent les sunnites contre leurs meilleurs ennemis qui sont les chiites. C’est le type de guerre asymétrique et lâche, où les soldats du royaume tellement mauvais, n’osent pas affronter dans les montagnes les Houthis et recours aux services de mercenaires.

En vérité la guerre sur le Yémen (l’un des pays les plus pauvres au monde) est considérée ni plus ni moins comme le nouveau ‘Vietnam’ de l’Arabie Saoudite.

Après plus de trois ans de génocide, aucune solution n’est envisagée, l’ONU parle de la plus grave crise humanitaire jamais connue ces dernières décennies (crimes de guerre, plus de 10000 morts sous les bombes-cadeaux saoudiennes et émiraties, famine, apparition du choléra …).

L’Arabie Saoudite est très riche, elle est honteusement riche, grâce bien sur à son pétrole (plus grand producteur et exportateur de l’or noir) et aux dividendes astronomiques liées aux lieux saints (cette fortune tombée du ciel, et c’est le cas de le dire puisque c’est du religieux qu’il s’agit, est un véritable business et représente pas moins de 8 milliards d’euros/an). Elle tient à bout de bras plusieurs économies, entre autres égyptienne, jordanienne, et libanaise.

La monarchie saoudienne, géant mondial du pétrole et détentrice planétaire et autoproclamée de la foi-musulmane, dépense sans compter, arrosant à coup de pétrodollars les gouvernements arabes bienveillants.

A Washington, la liquidation de J. Khashoggi fait grand bruit dans la presse, (le New York Times et plus particulièrement le Washington Post sont à la manœuvre et activent leurs meilleures plumes sur l’affaire, la presse US n’aime pas trop que l’on découpe en morceaux ses collaborateurs‘) et au sein de l’opinion publique, elle embarrasse particulièrement la Maison Blanche. Mais cette dernière reste prudente : un certain 11 septembre est passé par là, où 15 des 19 terroristes étaient saoudiens. 450 milliards de dollars de contrats sont en jeu entre les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite.

On comprend pourquoi alors, le président Trump reste prudent et muet (pour sa première déclaration à la presse, il suggère que la disparition de Khashoggi pourrait être le fait de « Rogue killer » ou assassins voyous). De plus, ce dernier compte énormément sur MBS pour vendre son plan de paix ’foireux’ afin de convaincre nos pauvres amis Palestiniens et les arabes de reprendre de plus belle les négociations avec Israël. Embarras aussi en Europe, partenaire des saoudiens principalement en matière d’armement. La France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne demandent laconiquement, très poliment et timidement, des éclaircissements.

La décapitation : une pratique largement révulsée et difficilement admise

Devant l’indignation internationale du meurtre extrajudiciaire du journaliste, le gouvernement saoudien reste de marbre face à ce meurtre brutal et abject. Le pouvoir de l’Arabie Saoudite n’arrive pas à admettre pourquoi la torture et la décapitation sont soudainement une bêtise impardonnable pour ses alliés occidentaux, une pratique dont les Saoudiens sont coutumiers depuis la conquête de Nedjd. « Nous torturons des dissidents et décapitons des critiques malvenus depuis des décennies », déclare le prince héritier Mohamed Ibn Salman à Riyad. «Les coups, les exécutions publiques et la répression violente de la rébellion n’ont jamais été un problème ».

Cette nostalgie devant les pratiques brutales et chaotiques (fitna) de conquête du pouvoir entre factions antagonistes, entre Omeyyades, Hachémites, Kharijites et Abbassides lors des successions califales, engendra chez les Saoudiens d’aujourd’hui un sentiment de mégalomanie ; ils devinrent cyniques et cupides et leur fourberie remplaça peu à peu la fierté, la générosité et l’honneur des gouvernants d’Arabie.

Mohamed Es-Seghir Ferhat

Enseignant universitaire

Références

1) A accordé tout récemment aux femmes le droit de conduire sans lever le tutorat : l’Arabie Saoudite détenait le triste privilège d’être le seul pays au monde interdisant la conduite aux femmes. Bonne nouvelle pour les fêtards, les concerts, les cinémas et les feux d’artifice ne seront plus interdits, mise en berne de la redoutable police religieuse. L’une des principales discriminations à l’égard des femmes saoudiennes réside dans le système du tutorat mâle (wali al-Amr). L’Arabie saoudite n’a pas défini d’âge de majorité légal pour les femmes : les pauvres malheureuses resteront donc mineures à vie.

2) Ou Cité du futur, ce n’est sûrement pas une vision divine qu’a eu MBS, en fait ce sont des cabinets Anglo-saxons qui ont réussi à lui vendre ce plan, qui est censé libérer le pays de sa dépendance vis-à-vis du pétrole et concerne les hautes technologies, les nanotechnologies, les énergies renouvelables…

3) Les assassins sont arrivés le matin et partis le soir, ce sont ce que l’on pourrait appeler des ‘Daechs cinq étoiles’, voyagent en  jet privé, portent des passeports diplomatiques, roulent dans voitures de luxe….

4) Dans la deuxième version saoudienne, tout ce beau monde censé être des touristes!, s’est rencontré par hasard, et toujours par hasard, les quinze touristes ayant trouvé Jamel, le raisonnement pour le ramener at home, et suite à une rixe qui a mal tourné, Jamel décède accidentellement!

 

Auteur
Mohamed Es-Seghir Ferhat

 




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