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Ahmed Gaïd-Salah, le généralissime « Rab D’zaïr »

TRIBUNE

Ahmed Gaïd-Salah, le généralissime « Rab D’zaïr »

Dans la plupart de ses discours, le vice-ministre algérien de la Défense interpelle souvent Allah, sans doute parce que l’ »Unique tout et très miséricordieux » habite les croyances d’une population qui ne défile pas pour l’invoquer, se dévouer corps et âmes à lui, réclamer l’application stricte de la charia ou une république islamique, mais pour inscrire chaque vendredi les séquences d’un État de droit fondé sur un pacte démocratique à situer justement en dehors du magistère céleste et de la totalité toute acquise des commandeurs de l’Armée.

İl serait d’ailleurs intéressant de savoir depuis quand ceux-ci s’en remettent à Dieu, alors que leur tribune référentielle El Djeïch gargarisait et influençait l’opinion des décennies 60 puis 70 à travers la profusion de slogans aux accents bolchéviques. Le changement de paradigmes ou de logomachies correspondant probablement à la grâce amnistiante (Rahma) ficelée dès juillet 1999 (entérinée en 2005 via la Charte pour la paix et la réconciliation nationale) en accord aux vœux pieux des émirs de l’Armée islamiste du salut (AİS). Bien que cette dernière ait perdu la guerre sur le terrain proprement militaire, ses prêches ou postulats incrustaient à l’époque nombre d’esprits, au point que les hidjabs inondaient les rues du pays.

Beaucoup de femmes se sont dorénavant libérées des doxas obscurantistes de la religion, ont opté en faveur d’une approche quiétiste, plus en phase avec une quête spirituelle proche du soufisme. Majoritairement, les Algériens refusent l’İslam rigoriste, intransigeant, sectaire et xénophobe, et il en est de même des diktats caporalistes des gradés du cercle hiérarchique, de surcroît avec les injonctions de Gaïd-Salah.

Plutôt que de fendre l’armure, notamment le statu quo ante bellum, ce déterministe schizophrène inhibe l’issue que peut générer la proposition louable du trio Ahmed Taleb İbrahimi, Ali Yahia Abdennour et Rachid Benyelles, décèle des instigateurs partout infiltrés, des plans secrets fomentés du côté des « têtes pensantes de la discorde », désormais démasquées ou détenues conformément au, supposé ou avéré, complot fomenté contre l’armée, une cabale portant « atteinte à son image ».

Tous les déboires actuels viendraient donc de la « Bande », non pas celle du billard français à partir de laquelle un joueur averti compile plusieurs coups gagnants, ou ladite passante permettant de tester le haut ou bas débit d’une connexion internet, mais celle des embrouilles souterraines et dont l’intervalle de fréquences demeure synonyme de rififi. Cette bande à part n’est aucunement à confondre avec les cadres ou commis de l’État, comme le laisse entendre le message paranoïaque du chef d’état-major.

Ce 20 mai 2019, il souhaitait que le mouvement populaire scande des mots d’ordre plus élogieux à son égard, brandisse des pancartes complaisantes, que « (…) les marches se caractérisent par un niveau raisonnable et suffisant d’organisation (…) », fassent « (…) émerger de vrais représentants », des figures profilées sur la longitude 102.

Si, après deux semaines de silence et d’abstinences, il aimerait voir les manifestants se plier aux exigences d’un casting de bonne conduite, nous lui recommandons d’écouter la bande son de la chanson de Claude Nougaro (et Philippe Saisse) İl faut tourner la page, chanson reproduite ici en partie.

« İl faut tourner la page, Changer de paysage, Le pied sur une berge, Vierge (…) İl faut tourner la page, Toucher l’autre rivage, Littoral inconnu Nu (…) İl faut tourner la page, Redevenir tout simple, Comme ces âmes saintes Qui disent dans leurs yeux, Mieux, Que toutes les facondes, Des redresseurs de monde Des faussaires de Dieu İl faut tourner la page, Jeter le vieux cahier, Le vieux cahier des charges (…) İl faut tourner la page, Aborder le rivage, Où rien ne fait semblant Saluer le mystère, Sourire, Et puis se taire ».

Auteur
Saâdi-Leray Farid, sociologue de l’art

 




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