Mercredi 11 septembre 2019
Ailleurs, les voleurs sont amputés ; en Algérie, ils sont députés !
« Les lois sont d’autant plus nombreuses que l’Etat est corrompu », Benjamin Franklin
L’Etat en Algérie se caractérise par l’inefficacité de la gestion publique et ses corollaires : la violence interne et la dépendance externe. Même dans l’hypothèse favorable d’un pouvoir relativement stable, ce pouvoir se révèle largement impuissant à réaliser les objectifs qu’il s’est fixé, à cause de l’inefficacité de son administration et lorsqu’il parvient à réaliser ses objectifs, c’est au prix d’un gaspillage effrayant. Cette inefficacité de la gestion étatisée est due nous semble-t-il à l’incompétence et à la corruption des dirigeants qu’ils soient des dirigeants politiques ou des dirigeants d’entreprise.
Cette corruption est d’autant plus importante, qu’à la corruption financière liée au développement de l’économie monétaire et marchande se combinent des formes de corruption qui trouvent leurs origines dans des solidarités plus ou moins tribales. Le loyalisme premier à l’égard de la famille engendre un népotisme qui imprègne les entreprises étatisées. Le clientélisme, reposant sur l’échange entre personnes contrôlant les ressources inégales est partout roi. C’est un fait établi, l’Etat est un Etat sous développé. Le sous développement économique est une réalité globale multidimensionnelle.
On peut parler de sous développement politique comme on peut parler de sous développement économique ou culturel. L’Etat sous développé n’est pas seulement un Etat dépendant mais surtout un Etat « minimal » qui porte les stigmates de toutes les crises qui l’ont secoué : décolonisation ratée, intégration inachevée, extrême vulnérabilité aux ingérences des puissances et intérêts étrangers, autant d’incapacités étatiques.
A ce stade, la mise en cause de la relation de dépendance devient problématique. Les crises sociales affaiblissent les structures de l’Etat et le rendent de plus en plus tributaires des opérations de sauvetage, financière, militaire ou autre du monde capitaliste développé. La précarité de l’Etat est telle que toute tentative de développement autocentré qui dépasse les exigences de profit des élites au pouvoir est généralement perçu par celles ci comme un manque à gagner ou une menace. Ce qui compte avant tout c’est le maintien du statu-quo même si cette situation engendre les germes de sa propre destruction ou liquidation.
Cette élite « pseudo-moderniste », culturellement aliénée, extravertie, modelée par la culture européenne apparente et de bas étage, échappe difficilement au piège des modèles étrangers, en particulier, sur le plan des institutions, du pouvoir et du développement. Cette fraction de la société qui détient le pouvoir administratif et donc le pouvoir économique, qui a seule les moyens de consommer les produits importés, surtout de luxe, qui a seule la parole, c’est l’Algérie officielle. Elle se donne en modèle aux couches populaires, elle présente à l’étranger une image très embellie des réalités nationales.
Elle prononce des discours sur la souveraineté et sur le développement tout en tirant profit de la dépendance et du sous développement du pays. Il faut, nous semble-t-il engager une discussion plus ouverte et plus franche sur l’ampleur de la corruption et ses effets néfastes sur le développement et la société Aucun gouvernement ne peut avoir avoir d’autorité et aucun plan de redressement ne peut être réalisé efficacement sans l’association des populations au processus de décision et de planification de l’Etat, car plus il faut travailler à l’acceptation du système par la population, gagner son adhésion et sa soumission, plus la bureaucratie se fait tentaculaire, plus grande est la partie d’énergie sous traitée aux entreprises économiques et sociales productives pour être consacrée au seul maintien du pouvoir et à la stabilité sociale.
La perte d’énergie ainsi sous traitée peut entraîner un cercle vicieux, plus on est mécontent, plus l’opposition se manifeste sous diverses formes et plus ils doivent travailler pour s’y maintenir, un tel enchaînement peut-il être rompu sans de violentes convulsions dont l’issue finale est si incertaine !C’est une chose que la phase politique de libération nationale, ç’en est une autre que la phase économique, construire une économie était une tâche bien délicate, plus complexe qu’on ne le pensait. Dans la plupart des cas, on a laissé s’accroître les déficits et la création des crédits afin d’augmenter artificiellement les recettes publiques, au lieu d’appliquer une politique authentique de redistribution de revenus à des fins productives.
Afin d’éviter d’opter pour l’une des différentes répartitions possibles entre groupes et secteurs, on a laissé l’inflation » galoper » à deux chiffres. Cette façon de faire s’est révélée déstabilisatrice. Dans la conjoncture actuelle, l’équilibre de l’économie algérienne dont la base matérielle est faible dépendra de plus en plus de la possibilité de relever la productivité du travail dans la sphère de la production et dans le recul de l’emprise de la rente sur l’économie et sur la société. La solution à la crise, c’est d’abord l’effort interne du pays, plus on parvient à se mobiliser par ses propres forces, moins on est demandeur, moins on est vulnérable, cette possibilité est cependant contrariée par l’ordre international dominant et freinée par les formes d’organisations économiques et sociales que la classe au pouvoir a mis en place à des fins de contrôles politique et sociales ; si bien que l’équilibre ne peut être rétabli soit par un nouveau recours à la rente ou à l’endettement si le marché mondial le permet (les importantes réserves gazières de l’Algérie constituent le principal atout), soit par une détérioration des conditions d’existence des larges couches de la population.
C’est pourquoi, l’Etat pourra connaître une instabilité d’autant plus grande que les problèmes économiques et sociaux deviendront plus aigus. Le service de la dette contraint mieux que toute domination politique directe les pays comme l’Algérie à livrer leur énergie à bas prix contre une paix sociale précaire et une difficile sauvegarde des privilèges des gouvernants. En résumé, la dépendance externe et la violence interne sont le résultat logique et prévisible des politiques menées à l’abri des baïonnettes depuis trente ans, marginalisant la majorité de la population au profit d’une minorité de privilégiés et au grand bénéfice des multinationales sous la houlette des organismes internationaux avec la bénédiction des puissances dominantes du moment..