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Aït Menguellet n’est pas venu à Oran. Il est venu chez lui, à Oran

Aït Menguellet

Par une absence temporaire où ma santé ne pouvait plus affronter la rédaction d’un article sur écran, je n’ai pu intervenir sur la venue de Lounis Aït Menguellet à Oran et de la scandaleuse polémique antérieure. La ville d’Oran a accueilli un de ses enfants, je m’en réjouis et renvoie tous les abrutis du monde, là où ils devraient être, dans le pays du néant.

Un jour dans une chambre d’hôpital

La seule et dernière fois où je l’ai rencontré fut dans sa chambre d’hôpital, dans la banlieue de Paris. Un homme charmant qui avait eu la gentillesse et politesse de commenter mon article récent. Sinon, nous ne nous connaissons pas.

Je dois avouer que ma jeunesse à Oran s’est passée en dehors de toute connaissance de la musique algérienne, populaire ou andalouse, que j’écoutais avec une oreille distraite et un terrible ennui de celui qui attendait le film du soir par l’unique chaîne de télévision. Nous étions des « hizb frança », dénommés ainsi par ceux qui ont toujours cru avoir le monopole de l’amour du pays natal et qui ont même voulu, plus tard, nous enlever la nationalité algérienne. C’est-à-dire les gardiens de la pureté algérienne.

Si j’ai un regret, je n’ai en revanche absolument pas honte de cette méconnaissance, c’était pour moi une protection contre la politique d’abrutissement d’une culture officielle (ou d’artistes bridés par le régime) qui voulait nous faire adhérer à l’art et la culture d’Etat comme Driassa, le chantre de la béatitude et de l’hymne à la gloire des militaires algériens, de mon homonyme et du nationalisme des milliardaires en vacances à Genève.

Mais nous avons grandi et, même si je ne suis toujours pas dans la connaissance de la musique algérienne, notre formation de démocrates et d’humanistes que nous a donné l’école algérienne (l’ancienne) nous a ouvert au monde et à la diversité.

Aït Menguellet fait partie de cette ouverture d’esprit, voilà pourquoi je me suis retrouvé dans cette chambre d’hôpital, en face d’une personne dont j’ignorais tout.

Lounis Aït Menguellet, l’Oranais

Malgré cette rencontre, il m’a fallu encore trente ans pour savoir qu’Aït Menguellet avait des attaches profondes avec Oran, notamment familiales.

C’est dire combien je suis sensible aux informations rapportant que l’artiste était menacé d’interdiction. Puis, des personnes dignes de foi m’ont dit que ce n’était que des rumeurs et qu’aucune autorité n’avait interdit le premier concert.

C’est pour cela que j’ai voulu réagir contre les personnes et mouvements indignes qui ont exprimé leur réticence et déversé leur bêtise. C’est eux qui m’ont poussé à cette réaction car la rumeur de l’interdiction, même si elle n’était pas fondée, repose sur la réalité du poison déversé par ces éternels adhérents à la religion de la haine.

Il n’est pas question de condamner l’horrible position des abrutis parce qu’il serait oranais, kabyle ou Srilankais mais cette dimension, symbolique et affective, rajoute à ma colère personnelle.

Je revendique tendrement l’amitié avec cet homme qui a certainement l’amour de cette ville autant que j’en ai pour elle.

Ce sont ces monstres qui sont dangereux pour la ville d’Oran. Ce sont ces incultes qui sont hors-la-loi, si nous prenons en référence le droit de l’humanité moderne et pas le leur, celui d’une société barbare, inculte et violente.

Ce fils d’Oran, je suis fier qu’il soit venu à Oran et j’en ai la larme à l’œil que ce soit dans l’ex-cinéma de mon enfance. Je ne sais pas s’il va lire mes mots mais j’envoie une embrassade tendrement, à mon frère oranais.

Lounis, pardon 

Je suis profondément désespéré de l’affront et je te présente mes excuses au nom de cette ville radieuse. J’aurais tellement aimé que nous allions, tous les deux, voir nos deux lions de la place d’armes qui me manquent tellement. Ce sera pour une autre vie.

Pardon pour ne pas comprendre cette langue de mon pays natal et de faire honneur à tes chansons qui, me dit-on, sont la poésie incarnée. Tu me pardonneras certainement car j’ai eu le plus grand mal au monde avec cette langue qui m’est étrangère, l’arabe classique. Comment pouvais-je faire pour apprendre le berbère, à une époque où il m’était impossible de le faire ?

L’Algérie n’a pas de drapeau !

J’ai appris en cette occasion que le drapeau de mes compatriotes berbères, celui qu’ils revendiquent comme emblème de leur identité, a été interdit pour le concert. Est-ce vrai, est-ce faux ? Qu’importe pour cette manifestation artistique précise, il est en tout cas une certitude qu’il y a eu des antécédents de condamnations lourdes pour ceux qu’ils l’avaient brandi dans d’autres circonstances.

Je l’ai écrit dans tellement d’articles que je ne me souviens absolument pas du nombre. L’Algérie n’a pas de drapeau unique et officiel.

Car s’il en existait un, il n’aurait pas privé, dès le lendemain de sa conception, une partie de ses enfants de ses droits et de sa dignité. Comment pourraient-ils trouver en ce drapeau officiel un quelconque attachement si ce n’est la raison qu’ils n’avaient rien d’autre pour s’identifier à la nation algérienne, qu’ils aiment et pour laquelle ils ont payé un lourd tribut, autant que les autres ? (Je parle du tribut à la colonisation autant qu’à la dictature militaire).

L’Algérie n’a pas de drapeau, car les gardiens du temple, ceux qui s’en auto-légitiment, ont foulé au pied cet emblème national par leurs crimes, leur corruption et leur dictature militaire.

Ce drapeau est sali, il ne représente ni la symbolique qu’il prétend incarner ni la puissance d’unification d’une nation.

Alors que cette information sur l’interdiction du drapeau amazigh soit juste ou fausse, elle a une réalité que la polémique sur la venue de Lounis Aït Menguellet a fait resurgir.

Face à l’idiotie, seul le sourire est humain

Lorsque j’ai lu que le concert de l’artiste avait eu lieu au cinéma Le Régent (actuellement Le Maghreb, je crois), j’ai eu un frisson coquin d’émotion.

Comme la madeleine de Proust, le souvenir de tant de films et de jolies copines lorsque nous allions au plus prestigieux cinéma oranais de l’époque. Il y avait la ravissante hôtesse qui vous plaçait et sa vente, à l’entracte, du fameux esquimau Igloo et de l’inoubliable Chocorêve, un chocolat fondant.

Nous n’avions pas beaucoup d’argent mais nous creusions au fond de nos économie pour avoir la douce fierté d’en offrir un à notre belle. Car, pour ne rien cacher, lorsqu’on se retrouvait au Régent, c’était l’épilogue d’une très, très longue cour à la jeune camarade car à l’époque, le bisou était cher et demandait des mois et des mois d’approche.

Et, bien entendu, même si j’en avais si honte, le temps a transformé la regrettable anecdote en un tendre souvenir pour tous les Oranais. C’est au cinéma Le Régent où la guitare de Johny Halliday fut dérobée. Et n’allez pas dire qu’Oran est une ville de cambrioleurs. Lounis a gardé la sienne, non ?

Lounis, j’ai été heureux d’écrire ces quelques phrases. Il faut dire que si quelques abrutis ont crée une polémique nauséabonde pour ta venue à Oran, moi, j’en suis éternellement interdit.

Je conclus comme ma regrettée grand-mère de Tlemcen, que tu connais (la ville, pas ma grand-mère). Elle ne parlait que par allusions, par paraboles et par circonvolutions. Je dois tenir d’elle pour cette conclusion.

Boumédiene Sid Lakhdar, enseignant

Lounis Aït Menguellet donnera un concert samedi 4 juin au palais des congrès du Mans. L’événement est organisé par l’association Tiwizi. Pour réserver cliquer ici : https://www.helloasso.com/associations/tiwizi/evenements/lounis-ait-menguellet-2022

Vous pouvez aussi acheter vos billets à la Fnac, (www.fnac.fr) dans les espaces de vente de billets des grands surfaces commerciales, comme Super U, Leclerc,…

 

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