Mercredi 3 mars 2021
Aït Meslayene : Ruḥ ay aɛrav ɣar tafsut, une acuité inégalée
Aït Meslayène est sans doute l’artiste kabyle le plus prolifique de sa génération. En 25 ans de carrière il a créé une trentaine d’album avec plus de 200 chansons.
Il a touché à tous les styles, y compris le disco, avec « el-fen », servi sous forme de rythmique qui n’est pas sans rappeler quelques accords à mi-chemin entre « Billie Jean » de Michael Jackson et « she’s a brick house » des Commodores. Ecoutez donc ce titre, vous serez étonnés de la ressemblance avec « Billie Jean » et « she’s a brick house » au tout début du rythme de la batterie ! Et, il est utile de signaler que la chanson « el-fen » a été composée un an avant « she’s a brick house » et six ans avant « Billie Jean ». Aït Meslayene ne peut donc pas avoir été inspiré par ces deux titres. Rien ne prouve que l’inverse soit impossible !
Son premier grand succès, «Yemma, yemma » était diffusé quasiment chaque jour sur les ondes de la chaine 2 de la radio algérienne, dans les années 1970. Les autres titres qui me viennent à l’esprit sont « Yelsad tacacit », « Ajenwi », « A-taxi », « lexyal-im », « Je suis saoul » et « ruḥ ay aɛrav ɣar tafsut » que nous vous traduisons ci-après, pour le message percutant de lucidité qu’il diffuse.
Comme la plupart des chanteurs kabyles forcés à l’exil, son parcours est atypique.
Ses premiers pas d’artiste, il les accomplit dans des fêtes scolaires organisées dans son collège au CEM de Michelet (Aïn El Hammam, 50 km à l’est de Tizi-Ouzou).
Au début des années 1970, ses disques sortent enfin sur le marché avec des chansons composées, pour l’essentiel, par l’immense Kamel Hamadi.
Au milieu de cette même décennie, il émigre en France où il tient un bar tout en poursuivant ses productions. Des productions qui traitent de l’exil, de l’amour et un engagement politique des plus ardents.
Son activité s’arrête à la fin des années 1990, atteint de la maladie d’Alzheimer, à laquelle il succombe, au mois de novembre 2000. Il n’avait que 55 ans.
Décidément, la tragédie a toujours guetté nos artistes.
Marche donc l’arabe vers le printemps (*)
Celui qui veut vivre n’a qu’à mourir
Le paradis est au seuil de la porte
Rep.
Chaque serment est un parjure
Va donc l’arabe vers le printemps, va
Rep.
Le procès a jailli du parquet
En coulisses tout est arrangé
Nos épaules de reproches chargées
De notre sueur on s’est enivré
Rep.
Quand pousse une souche de vérité
Préparez une faucille pour la couper
Quand quelqu’un parle vous le surveillez
Qu’a-t-il donc ainsi à chercher
Rep.
Oh mon cœur donne-moi du répit
Toi tais-toi, ma langue reste muette
J’ai peur de laisser mes enfants
Orphelins, oui orphelins !
Rep
Je préfère de ce qui m’appartient céder
Que je préserve ma personne
Même si je vois je ferme les yeux
Comme si ça ne me regardais pas
Rep.
L’Algérie c’est votre pays
L’équité nous le savons vous appartient
Partagez entre vous mes biens
Pour moi il ne reste plus rien
Rep.
Nous avons hérité de montées
Nous les escaladons sans souliers
Quand nous conversons vous nous entrainez
Dans le combat et la rivalité
Rep.
K.M.
(*) Prédiction, 30 années auparavant, ou simple coïncidence avec les printemps arabes ?