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Akli Ourad : « De Londres à Jérusalem, Terreur Promise »

Akli Ourad


Akli Ourad nous surprend avec la publication d’un récit poignant, dans la narration et dans l’invraisemblable, un livre vraiment surprenant de vérités jaillissantes.

Paru aux éditions Casbah en Algérie, ce livre intitulé « De Londres à Jérusalem, Terreur Promise » – un titre bien choisi qui en dit long – est bouleversant, et Akli Ourad a l’art de raconter dans un style fluide, sans artifices, sans figures de styles lourdes et ennuyantes, il a l’art de nous mener sans détours vers l’essentiel.

Le lecteur est accaparé par le poignant récit, d’une semaine passée en juin 1999 dans les territoires de la Palestine occupée, Akli Ourad met en exergue un système d’apartheid érigé en institution qui rend pénible la moindre bouffée d’oxygène.

Depuis 1948 que cet état défie toute justice, greffé par la violence par les puissances occidentales sur la Palestine historique, une violence qui ne fait qu’empirer depuis, en effet, après une plainte de l’Afrique du Sud, Pretoria accuse Israël de violer la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans sa guerre menée à Gaza, la Cour Internationale de Justice (CIJ) avait statué en mettant en cause Israël et a considéré qu’il existait un risque plausible de génocide à Gaza ; elle ordonnait que des mesures conservatoires soient prises pour préserver les droits de la population palestinienne, le 19 juillet 2024, la CIJ estime que l’occupation du territoire palestinien par Israël (par ex., Gaza, Cisjordanie, Jérusalem-Est) depuis 1967 est illégale et doit cesser dans les plus brefs délais.

Quatorze pays ont annoncé leur intention de se joindre à la plainte de l’Afrique du Sud, qui accuse Israël de « génocide » dans la bande de Gaza, devant la Cour internationale de Justice (CIJ).


La situation de la Palestine occupée, tragique, dramatique, est toujours préoccupante, le droit international ainsi que le droit tout court semblent bafoués.

Akli Ourad est ingénieur en génie civil à Birmingham dans un bureau d’études britannique, en juin 1999 il est missionné en Palestine, dans un contexte né des Accords d’Oslo de 1995, de l’émergence d’un État palestinien.


En parcourant ce livre, De Londres à Jérusalem, Terreur Promise, page après page, on a l’impression d’errer dans un désert de non- droit, Akli Ourad nous fait découvrir la machine impitoyable et injuste du système sioniste, dans un silence médiatique des puissances occidentales insupportable.

Invité au café littéraire de l‘Impondérable par l’écrivain Youcef Zirem, Akli Ourad a plongé le public dans une émotion telle qu’on pouvait entendre une mouche voler, c’est dire la gravité du sujet abordé. L’échange engagé était de haute volée, le cœur côtoyant l’esprit.

Le Matin d’Algérie : De l’Algérie à l’Angleterre, de l’ingénieur en génie civil à l’écrivain, qui est Akli Ourad ?

Akli Ourad : Je suis un enfant de l’indépendance, né en janvier 1962 à Ouadhias, dans un centre de concentration appelé faussement « centre de regroupement ». Mes parents avaient été déplacés de force de leur village dans les hauteurs des Ouadhias, dans la wilaya de Tizi-Ouzou, qui avait été détruit par l’armée française en 1957, car considéré comme un village ravitailleur des maquisards, dont beaucoup de membres de ma famille faisaient partie.

L’indépendance m’a offert, comme à toute la première génération, la possibilité d’être scolarisé par l’Algérie libre, contrairement à mes parents, qui avaient été maintenus dans l’analphabétisme, tout comme 95 % de sept générations d’Algériens, par le pays censé nous apporter la « civilisation.

J’ai effectué tout mon cursus scolaire et universitaire à Alger, jusqu’à l’obtention de mon diplôme d’ingénieur en Travaux Publics. J’ai également eu la chance de vivre une semi-carrière dans le théâtre, partageant la scène avec des comédiens chevronnés tels qu’Azzeddine Medjoubi et Sonia, dans un remake de Hafila Tassir, avec la troupe professionnelle Al Qalaa, ainsi qu’avec la troupe Debza, porte-flambeau du Printemps berbère, sous la direction de Kateb Yacine.

Par la suite, j’ai fondé ma propre troupe, Dey, où des figures du cinéma algérien, comme Nadia Kaci et Mourad Chaabane, ont fait leurs premières armes. Mon départ pour l’Angleterre a coïncidé avec le début de la décennie noire, période durant laquelle mon nom, ainsi que celui de mon frère Meziane Ourad, a été inscrit sur une liste du GIA, pour suppression de la surface de la terre, en raison de nos engagements politiques et culturels anti-islamistes. Mon Master en économie de transports et ma carrière internationale m’ont conduit aux quatre coins du monde, y compris en Palestine, ce qui m’a permis d’écrire ce livre-témoin de la barbarie toujours en cours de l’entité sioniste contre le peuple palestinien.

Le Matin d’Algérie : Votre livre est courageux, il aborde un sujet plus que jamais d’actualité, un sujet demeuré presque tabou, jusqu’à maintenant, qu’en pensez-vous ?

Akli Ourad : Je suis au fait d’avoir écrit un livre exceptionnel sous forme d’un témoignage vivant du cœur du système criminel d’apartheid imposé par Israël à un peuple palestinien sans défense, à l’exception de quelques actes de bravoure d’une résistance d’abord nationaliste, puis islamiste. Je ne qualifierai pas le sujet de la cause palestinienne de tabou, surtout pas pour nous, militants engagés pour la liberté des Palestiniens depuis longtemps.

Nous avons d’ailleurs chanté cette cause chez Debza au début des années 80, dans une chanson inspirée de la pièce de théâtre « Palestine trahie » de Kateb Yacine, dans laquelle nous dénoncions la compromission des pays dits « arabes » dans le projet sioniste. Mon livre offre aux lecteurs une immersion dans les profondeurs du système sioniste, avec ses expropriations, ses confiscations de terres, ses centres de concentration, sa déshumanisation des Palestiniens, ses colonies messianiques de la pire espèce, ses barrages militaires oppressifs, son mur de la honte et ses génocides visant une domination démographique juive.

Le Matin d’Algérie :  Le titre est tellement évocateur, « De Londres à Jérusalem, Terreur Promise », comment s’est fait le choix de ce titre ?

Akli Ourad : Le premier titre que j’avais choisi était « Une semaine sous apartheid ». Cependant, après avoir lu le livre, mon préfacier, l’écrivain et essayiste algérien Salah Guemriche, m’a suggéré le titre « Itinéraire de Londres à Jérusalem », inspiré par le récit « Itinéraire de Paris à Jérusalem » de François-René de Chateaubriand, publié en 1811. Cette idée m’a plu, mais j’ai proposé une légère modification en optant pour « De Londres à Jérusalem », car mon voyage ne correspondait pas réellement à un itinéraire. J’ai également ajouté l’extension « Terreur promise », car mon voyage n’était pas une exploration spirituelle, mais plutôt une plongée dans les ténèbres du colonialisme sioniste.

Le Matin d’Algérie : On peut presque dire que c’est un livre reportage, avez-vous pensé à une adaptation au cinéma ?

Akli Ourad : Vous n’êtes pas le premier à penser à l’adaptation de mon livre au cinéma. Le style dans lequel il a été écrit permet réellement au lecteur de vivre ce voyage, en traversant toutes les émotions, le suspense, les peurs et les dangers que j’ai affrontés lors de cette expérience exceptionnelle dans ce pays de non-droit. Presque tous mes lecteurs ont imaginé une projection de ces images au cinéma. Cependant, réaliser un film nécessite l’inspiration d’un réalisateur, l’engagement d’un producteur et, surtout, un soutien financier colossal pour recréer les décors de la Cisjordanie. Nous verrons ce que l’avenir nous réserve.

Le livre continue son chemin et qui sait, il pourrait tomber entre les mains de quelqu’un capable de le transformer en un film qui serait sans doute un atout dans la dénonciation du projet sioniste. En attendant, je travaille sur une pièce de théâtre en algérien (Derdja) inspirée du récit de ce livre, que je proposerai à quelques théâtres régionaux en Algérie pour son adaptation sur scène. Ce serait formidable, car cela constituerait une sorte de saison 2 de « Palestine Trahi » de Yacine.

Le Matin d’Algérie :  Votre récit est tellement bouleversant, le lecteur s’en sort écorché, qu’en est-il de l’auteur ?

Akli Ourad : Moi, j’ai vécu le bouleversement en direct pendant mon passage dans cette région brûlée. Si je n’avais pas eu la témérité de ma jeunesse, que je n’ai plus, je n’aurais peut-être pas osé franchir toutes les étapes dangereuses que le sionisme, avec son armée la plus immorale du monde, ses colons les plus abjects et son système racial, m’a fait subir. Plus de 25 ans après ce voyage, j’ai ressenti des frissons de peur et de révolte en écrivant ce récit, d’autant plus que je l’ai rédigé au moment où Gaza subissait une opération de décimation des âmes et des murs, entourée par la lâcheté occidentale face à ce génocide toujours en cours. Effectivement, mon voyage, tout autant que ce récit, est une expérience bouleversante qui reste ancrée dans ma mémoire et, sans doute, dans celle du lecteur pour toujours..

Le Matin d’Algérie : Malheureusement la violence n’a fait qu’empirer depuis, voyez-vous une issue favorable à ce drame ?

Akli Ourad : La situation en Palestine s’est considérablement détériorée depuis mon passage. La première escalade significative est la construction et l’expansion de colonies empiétant de plus en plus sur le territoire palestinien, entraînant des démolitions de maisons palestiniennes et des déplacements de populations. Lors de mon passage, la population de colons ne dépassait pas 300,000. Ils sont plus de 800,000 aujourd´hui. La violence entre les colons israéliens, l’armée israélienne et les Palestiniens a augmenté.

Des incidents de violence, y compris des attaques par des colons contre des Palestiniens et leurs biens, sont devenus plus fréquents. Il y a beaucoup plus de raids nocturnes, d’arrestations et de confrontations qui engendrent des pertes humaines, des pertes matérielles et des traumatismes psychologiques au sein de la population palestinienne. Ni l’ONU à l’origine de ce conflit tentaculaire, ni l’occident-complice, ni Trump et sa riviera, ni les pays arabes compromis en dehors de l’Algérie, ne pourront mettre fin à ce conflit. Ca sera l’opinion internationale et occidentale, de plus en plus blasée par les agissement d’Israël et de leur complices, qui forcera une fin à l’impunité de l’entité.

Le Matin d’Algérie : Pensez-vous que la fin du XXIe siècle verra la fin des dictatures ?

Akli Ourad : Prédire la fin des dictatures d’ici la fin du 21ème siècle est à la fois complexe et incertain. D’un côté, les mouvements démocratiques et libéraux, soutenus par l’accès à l’information et aux nouvelles technologies, pourraient engendrer des changements politiques dans de nombreux pays, comme cela se passe en France avec les Insoumis. Les pressions internationales, le développement économique et l’émergence d’une classe moyenne active pourraient également favoriser la démocratie, mais plutôt une forme de démocratie plus citoyenne, comme celle que nous trouvons en Suisse.

De l’autre côté, certaines dictatures font preuve d’une résilience remarquable en s’adaptant aux défis, en recourant à la répression et à la propagande pour maintenir leur pouvoir. De nombreux pays affichent des régimes hybrides avec une face civile et des coulisses couleur kaki, ce qui complique la transition vers une démocratie claire. Ainsi, bien que certaines dictatures soient susceptibles de s’affaiblir ou de s’effondrer, d’autres pourraient émerger ou perdurer, rendant l’avenir politique du monde incertain.

Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?

Akli Ourad : Oui, j’ai un autre projet de livre concernant la Palestine, qui se concentrera sur le système d’apartheid. Les dénonciations du nettoyage ethnique, du colonialisme, et même du génocide n’amèneront pas Israël à se conformer au droit international ou à l’établissement d’un État palestinien.

Ce qui pourrait rendre cette solution possible à l’avenir, c’est la reconnaissance par les Nations Unies du régime d’apartheid israélien, ainsi que l’imposition de sanctions économiques et d’un embargo sur les armes qui mettra ce régime à genoux, un régime hérité de l’ère coloniale du 19ème siècle. Souvenez-vous que ce sont les résolutions de l’ONU dans les années 70 qui ont contraint le régime raciste d’Afrique du Sud à céder, conduisant à l’arrivée de Mandela au pouvoir en 1994.

Un jour, Israël connaîtra le même sort, avec la prise de conscience mondiale de la nature raciste de cette entité factice. Écrire un livre dénonçant l’apartheid sioniste sera une autre pierre apportée dans la construction d’une opinion internationale forte qui fera démonter ce régime ségrégationniste.

Le Matin d’Algérie :  Un dernier mot peut-être ?

Akli Ourad : Après une carrière florissante dans le domaine de l’ingénierie et avant ça dans le théâtre, j’aimerais poursuivre ma jeune carrière d’écrivain en contribuant à enrichir l’offre littéraire algérienne. Je veux me laisser guider par la curiosité et le désir de découvrir de nouvelles histoires inspirées de ma vie personnelle et professionnelle.

Après plus de 30 ans, à parcourir le globe dans tous les sens, je veux explorer des univers différents, rencontrer des personnages complexes et explorer les profondeurs de l’humanité. N’ayez pas peur de prendre des chemins inconnus comme je l’ai fait avec le récit sur la Palestine, je veux tenter des expériences nouvelles et m’aventurer dans des terres inconnues pour moi jusqu’ici.

L’écriture est un voyage sans fin. Chaque fois qu’un écrivain fait face à sa page blanche, il a la possibilité de créer quelque chose de nouveau, de beau et d’unique. Je veux me lancer dans l’océan de l’imagination et laisser mes mots émerveiller et inspirer les lecteurs.

Entretien réalisé par Brahim Saci

Livre publié :

De Londres à Jérusalem, Terreur Promise, éditions Casbah.

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