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Albert Einstein, sioniste de première heure !?

REGARD

Albert Einstein, sioniste de première heure !?

Tout le monde connaît ou, tout au moins, entendu parler d’Albert Einstein le scientifique. De ses théories sur l’espace-temps, les trous noirs et l’Univers, l’équivalence entre masse et énergie, à l’origine de la bombe atomique, de la théorie de la relativité, etc. Mais qui connaît ses positions politiques pour le moins surprenantes ? 

« Pour nous autres juifs, la Palestine n’est pas une simple affaire de bienséance ou de colonisation, c’est un problème d’importance centrale pour le peuple juif » (*).

Oui ! Cette phrase a bien été proférée par Einstein, au début des années 1930.

Et de poursuivre dans un discours prononcé à Princeton : 

« La Palestine n’est pas avant tout un refuge pour les juifs d’Orient, c’est l’incarnation du sentiment national de communauté de tous les juifs, se réveillant à nouveau. Est-il nécessaire, est-ce le moment d’éveiller et de renforcer ce sentiment de communauté ? À cette question, je crois devoir répondre par un oui sans conditions, non seulement par sentiment spontané, mais aussi pour des motifs basés sur la raison. 

Pour cela il est nécessaire, avant tout, que nous autres juifs nous reprenions conscience de notre existence en tant que nationalité et que nous acquerrions à nouveau cette estime de nous-mêmes dont nous avons besoin pour une existence utile…

C’est partant de ce point de vue que je vous demande de considérer le mouvement sioniste. L’histoire nous a confié aujourd’hui la mission de collaborer à l’organisation de notre pays d’origine au point de vue de la civilisation comme du point de vue économique. Des hommes enthousiastes (parmi lesquels Weizmann) et éminemment doués ont préparé le travail et beaucoup de nos éminents congénères sont prêts à se dévouer pleinement et entièrement à cette œuvre. Puisse chacun de vous apprécier comme il convient l’importance de cette entreprise et collaborer à son succès de toutes ses forces ! »

Ainsi devisa le père de la relativité (sans laquelle adieu le GPS) et des trous noirs, sans lesquels nous ne serions sans doute pas là pour palabrer à tout va !

C’est à partir de 1920, en voyant la montée de l’antisémitisme en Allemagne après la première guerre mondiale, qu’Einstein, qui jusque là avait montré peu d’intérêt pour la chose religieuse, devint un fervent supporter du mouvement sioniste. En 1921, il vint à New-York, avec le Professeur Chaim Weizmann, qui deviendra plus tard le premier président de l’État d’Israël, afin de récolter des fonds pour le Jewish National Fund et l’Université Hébraïque de Jérusalem (fondée en 1918).

Il faut peut-être adjoindre à ces discours à charge le fait qu’Einstein n’excluait pas une cohabitation harmonieuse avec les arabes. Il la prônait même !  Une cohabitation chimérique malheureusement ! Qu’aurait-il pensé de tous les massacres qui ont jalonné les interactions belliqueuses entre Israéliens et Palestiniens depuis la proclamation de l’État d’Israël ? Qu’aurait-il pensé du carnage de Sabra et Chatila ? 

Qu’aurait-il pensé de tous ces réfugiés qui fuient l’horreur de leurs pays et que l’Europe n’accepte plus d’accueillir sur ses terres ? Qu’aurait-il pensé du mur de Trump dressé entre le Mexique et l’Amérique ? Qu’aurait-il pensé de tous ces boat-people qui préfèrent se jeter à la mer que d’accepter de mourir à petit feu sous des régimes dictatoriaux ? Qu’aurait-il pensé de tous ces communautarismes farouches qui ne cessent de prendre de l’ampleur en Europe et ailleurs ?

On l’aura deviné, ce qui est gênant dans le discours d’Albert ce sont ses positions nationalistes pour le moins à contre-courant de l’universalisme auquel on peut s’attendre de la part d’un scientifique de tel niveau.

Comment, en effet, concilier le fait d’avoir conçu et élaboré des théories qui nous subjuguent encore -plus d’un siècle après- avec celui de faire preuve d’un sentiment communautariste aussi assuré ? C’est vrai que les juifs ont de tous temps été persécutés, mais n’eut-il pas été plus judicieux et plus raisonnable de la part de notre éminent savant d’en appeler justement à la fin de ces communautarismes qui sont basés, pour la plupart, sur des mythes religieux aux noms desquels les hommes se battent pour des lopins de terre depuis des millénaires ?

D’autant qu’Einstein activait intensément pour une démilitarisation totale de tous les pays (ne disait-il pas des militaires que dame nature s’était trompée en leur octroyant un cerveau, et qu’une moelle épinière leur était amplement suffisante ?). Il prônait aussi la fin du service militaire, qu’il considérait comme une dictature dont le monde pouvait se passer, et appelait à ce que les objecteurs de conscience ne soient pas inquiétés. Mais comment concevoir la paix dans le monde si d’un côté on souhaite une démilitarisation radicale, et de l’autre on continue d’alimenter les différences, en encourageant ces nationalismes et ces communautarismes fastidieux, voire abjects ? Tout cela est contradictoire !

Un mystère Einsteinien à occuper vos neurones pendant vos nuits blanches et entretenir vos méditations sur l’aura d’un homme qui décidément n’avait pas tout juste sur tous les registres ! 

D’un côté, par un travail tenace et rigoureux, Einstein avait prédit l’existence des trous noirs dans l’Univers, et de l’autre, par son soutien inconditionnel au sionisme, il a contribué à élargir les trous d’obscurantisme qui se dressent entre les hommes, et qui se raffermissent de génération en génération au lieu de s’amoindrir. 

Eu égard à ces avancées scientifiques qui démontrent que l’homo-sapiens n’est qu’une quantité négligeable dans l’océan du monde vivant, comment peut-on décemment être partie prenante de ces barrières érigées entre l’Est et l’Ouest, entre l’Orient et l’Occident, entre le Nord et le Sud, entre les pays riches et les pays pauvres… ? 

À noter néanmoins que sur des sujets autres que le sionisme, Einstein avait une vision irréprochable.

K.M.

(*) Pour ceux que ça intéresse, disponible sur le web en version pdf : « Comment je vois le monde, par Albert Einstein ». 

Auteur
Kacem Madani

 




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