Il est des hommes qui prennent la parole comme d’autres prennent les armes : par amour du peuple, par fidélité au juste. Alexandre Jardin est de ceux-là. Tandis que le silence complice s’épaissit autour des Zones à Faibles Émissions, ce poète du réel, écrivain flamboyant aux trente ouvrages, prix Femina pour Le Zèbre, scénariste, réalisateur, enfant fougueux de la République des lettres, choisit de faire entendre la clameur des oubliés.
Formé sur les bancs de Sciences Po, nourri aux rêves d’égalité, Alexandre Jardin n’a pas supporté de voir la France officielle tourner le dos aux siens — ces millions de Français modestes, chassés des villes, bannis pour cause de voitures trop anciennes, exilés en silence par une écologie punitive qui ne parle plus que la langue des puissants.
Alors il s’est levé, comme on se dresse contre l’injustice, sans appareil ni parti. Il a lancé un cri, un mot rugueux et fraternel : #LesGueux. Et ce mot a fait tache d’huile. Il a rassemblé, au fil des jours, artisans et mères de famille, élus de terrain et retraités en colère, livreurs, aides-soignants, étudiants. Il a redonné fierté et voix à ceux qu’on ne regarde plus, à ceux dont les voitures disent la pauvreté, mais aussi le courage de vivre.
Aujourd’hui, Alexandre Jardin ne se contente pas d’écrire. Il appelle. Il convoque. Il réveille. Son petit livre, #LesGueux, publié chez Michel Lafon, est un manifeste, un miroir tendu à la France vraie, celle des routes départementales, des maisons de faubourg, des fins de mois et des débrouilles.
Et le 17 mai, à Paris et sans doute ailleurs, les Gueux descendront dans la rue. Non pour quémander, mais pour dire qu’ils existent. Pour briser le mépris. Pour conjurer la sécession des élites qui pourrait devenir la fracture d’un pays tout entier.
Alexandre Jardin, romancier de l’intime, est devenu écrivain du commun. Il est le témoin vibrant d’un peuple qu’on croyait muet, et qui, grâce à lui, retrouve le verbe et la dignité.
Kamel Bencheikh