Vendredi 2 octobre 2020
Alexeï Navalny charge Poutine et promet de rentrer en Russie
L’opposant russe Alexeï Navalny accuse Vladimir Poutine d’avoir commandité son empoisonnement, ce que Moscou continue de contester, et promet de retourner dans son pays pour poursuivre son combat.
« J’affirme que Poutine est derrière cet acte, je ne vois pas d’autres explications », a-t-il déclaré à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, qui a publié jeudi matin un long entretien avec l’opposant, son premier depuis sa sortie de l’hôpital berlinois où il a passé deux semaines dans le coma.
Cette accusation est « sans fondement et inacceptable », a dénoncé en retour le porte-parole du Kremlin, assénant que des services secrets occidentaux, dont la CIA, « travaillent » avec l’opposant.
« Navalny n’a aucune honte, c’est un scélérat. Poutine lui a sauvé la vie », s’était auparavant emporté le président de la chambre basse russe, la Douma, Viatcheslav Volodine.
« Je n’y comprends rien. De quoi m’a-t-il sauvé ? », a rétorqué M. Navalny sur Instagram.
« A en croire Poutine lui-même, les seules choses dont il a pu me sauver sont de l’alcool, du diabète ou d’une simulation d’empoisonnement », a relevé l’opposant, en référence aux diverses théories véhiculées par le pouvoir russe pour expliquer son malaise dans l’avion.
Détermination
Ces échanges acrimonieux interviennent alors que les dirigeants des pays européens se sont réunis jeudi en sommet.
L’Allemagne, qui assure la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne, a menacé Moscou de sanctions. Et Angela Merkel est allée personnellement rendre visite à Alexeï Navalny à l’hôpital de La Charité où il a été soigné pendant un mois.
Cinq membres européens du Conseil de sécurité de l’ONU – Allemagne, Royaume-Uni, Belgique, Estonie et France – ont par ailleurs réclamé, dans une lettre diffusée jeudi, des explications de la Russie dans cette affaire qui selon eux représente « une menace à la sécurité et la paix internationales ».
Une demande remise au Conseil à la veille de la prise de présidence par Moscou de cette institution pour le mois d’octobre.
Depuis sa sortie il y a une semaine, Alexeï Navalny, 44 ans, vit à Berlin sous protection policière avec son épouse Yulia et son fils, a-t-il dit au journal Der Spiegel. Le temps de sa convalescence risque d’être long.
« Je ne ferai pas le cadeau à Poutine de ne pas retourner en Russie », a-t-il déclaré. « Mon objectif est de retrouver la forme aussi vite que possible, pour pouvoir rentrer ».
« Mon devoir est à présent de rester comme je suis, quelqu’un qui n’a pas peur. Et je n’ai pas peur ! », prévient-il.
Infatigable militant de la lutte contre la corruption et critique féroce du Kremlin, il a fait un grave malaise le 20 août dans un avion de retour de Sibérie.
Trois laboratoires européens ont conclu à son empoisonnement avec un agent neurotoxique de type Novitchok, conçu à des fins militaires à l’époque soviétique.
Selon les soutiens de M. Navalny, des traces de Novitchok ont été retrouvées sur une bouteille d’eau ramassée dans sa chambre d’hôtel en Sibérie, où il était en campagne pour soutenir des candidats à des élections locales.
Dans une publication récente, M. Navalny avait remercié les pilotes de l’avion qui avaient atterri d’urgence à Omsk en Sibérie après qu’il s’est trouvé mal, lui sauvant la vie.
« Le plan des tueurs était simple: que je me sente mal 20 minutes après le décollage, après 15 minutes que je perde connaissance et (…) une heure après que je finisse dans un sac plastique noir », y écrivait-il.
« Sueurs froides »
Dans le Spiegel, il raconte son malaise dans l’avion. « J’ai des sueurs froides. Je demande un mouchoir à Kira (sa conseillère, ndlr) à côté de moi. Puis je lui dis: +Parle-moi. J’ai besoin d’entendre une voix, quelque chose ne va pas chez moi+. Elle me regarde comme si j’étais fou et se met à parler ».
« Je quitte les toilettes, me tourne vers le steward – et au lieu de demander de l’aide, je dis à ma propre surprise: +J’ai été empoisonné. Je suis en train de mourir+. Et puis je me couche par terre devant lui pour mourir », raconte-t-il.
Le Kremlin a assuré qu’il était « libre » de rentrer en Russie.
Mais, en parallèle, des huissiers russes ont gelé des comptes et la part détenue par M. Navalny de son appartement à Moscou lorsqu’il était dans le coma.