L’emballement médiatique suscité par l’affaire du « djihadiste » Aissaoui M. Amine, alias abou Rayan « dévoilée », récemment, par deux chaînes de télévision étatiques se poursuit. Des médias publics et privés s’en délectent et s’enflamment.
El Moudjahid et Le Soir d’Algérie ont publié ce dimanche des articles faisant part de la convocation de l’ambassadeur de France en Algérie par le ministère des Affaires étrangères, la semaine dernière, pour, affirme El Moudjahid «lui signifier la ferme réprobation des plus hautes autorités algériennes face aux nombreuses provocations et actes hostiles français en direction de l’Algérie». Cette mise en scène par médias interposées dit beaucoup sur la dégradation avancées des relations diplomatiques entre les deux capitales. Avec cependant une réserve, la France officielle n’a pas pour le moment fait montre du même énervement que l’Algérie de Tebboune.
Rétrospective des événements
Il y a quelques jours, le 7 décembre dernier, deux chaînes gouvernementales l’EPTV et AL24, dénonçaient l’existence de manœuvre de déstabilisation de l’Algérie par les services français de la DGSE. Ce travail s’appuye, selon ces médias, sur les conclusions des investigations menées par les services de contre-espionnage algériens.
On y apprendra que les limiers français de la DGSE auraient approché un certain Aïssaoui Mohamed Amine, qui se présente comme un ancien djihadiste de 35 ans pour recruter des ex terroristes en Algérie pour mener des actions subversives armées en Algérie et au Sahel.
Aissaoui Mohamed Amine, alias Abou Rayan, soutient avoir été recruté par les réseaux djihadistes en France où il s’était établi en 2013. D’où il rejoindra le Levant pour faire le « coup de feu » dans les rangs de l’organisation Etat islamique en Syrie puis en Irak. Arrêté en Turquie, il aurait été rapatrié en Algerie pour être gardé en prison pendant trois ans, jusqu’en 2019.
Le contexte a diffusion des péripéties de ce « djihadiste » qui aurait été libéré, il y a trois ans, pour servir de protagoniste dans ce narratif impliquant la DGSE française sur le mode du polar d’espionnage de gare intervient à un moment où les relations diplomatiques entre la France et l’Algérie sont plus qu’exécrables.
Elles ont franchi un cran de plus dans l’escalade avec l’arrestation et l’incarcération de l’écrivain franco-algérien, Boualem Sansal contre qui certaines voix n’hésitent pas à sortir l’accusation farfelue d’espionnage au service pas seulement de la France mais aussi du Maroc et d’Israël.
L’arrestation de l’auteur de Le village de l’Allemand et de Le serment des barbares donnera lieu à des passes d’armes à fleurets mouchetés par médias interposés des deux pays. Cette guéguerre qui nourrit une opinion nationale débousolée par la crise, est alimentée à partir d’Alger à coups de barbouzeries contre Paris.
La dernière affaire en date, celle de ce mystérieux Aissaoui Mohamed Amine, alias Abou Rayan, a provoqué un emballement médiatique dont le dernier feuilleton est diffusé sur la presse de ce dimanche. Sur les quotidien El Moudjahid (gouvernemental) et Le Soir d’Algérie (privé mais affilié au pouvoir) on apprend que l’ambassadeur en Algérie a été convoqué au Ministère des Affaires étrangères et qu’une sévère mise en garde d’Alger lui a été adresse. Les deux quotidiens parlent d’une seule voix, celle des autorités qu’ils relaient avec un zèle consommé.
Dans l’article d’El Moudjahid, signé par son directeur général, qui, contrairement au Soir d’Algérie n’utilise pas le conditionnel, il est affirmé sentencieux : « La convocation de l’ambassadeur français à Alger sonne comme une sévère mise en garde qui intervient au lendemain des graves révélations sur l’implication des services de renseignement français, DGSE, dans une campagne de recrutement d’anciens terroristes en Algérie à des fins de déstabilisation, à l’exemple du dénommé Aissaoui Mohamed Amine, 35 ans, qui s’est récemment confié à la chaîne de télévision AL24 »
El Moudjahid qui se fie, à l’en croire, à « des sources diplomatiques crédibles », rapporte encore que « l’ambassadeur de la République française en Algérie, Stéphane Romatet, a été convoqué au ministère des Affaires étrangères, la semaine dernière.
Il s’agit de «lui signifier la ferme réprobation des plus hautes autorités algériennes face aux nombreuses provocations et actes hostiles français en direction de l’Algérie», ont précisé les mêmes sources, soulignant, avec une fermeté absolue, que «ces agissements ne sauraient rester sans conséquences».
Etrangement le ministère des Affaires étrangères, si prompt à communiquer, n’a rien révélé sur cette convocation jusqu’à cette information publiée par la presse. Aucun communiqué officiel n’est également rendu public.
« L’Algérie avertit, poursuit le quotidien gouvernemental, qu’elle ne restera pas passive face à ces attaques incessantes visant sa souveraineté. Résolue à préserver sa dignité, l’Algérie prendra toutes les mesures qui s’imposent, pour faire face à ces tentatives d’ingérence ».
El Moudjahid rappelle que la convocation de l’ambassadeur français à Alger sonne comme une sévère mise en garde, qui intervient au lendemain des graves révélations sur l’implication des services de renseignement français, DGSE, dans une campagne de recrutement d’anciens terroristes en Algérie à des fins de déstabilisation, à l’exemple du dénommé Aissaoui Mohamed Amine, 35 ans, qui s’est récemment confié à la chaîne de télévision AL24. Un plan machiavélique brillamment déjoué par les services de sécurité algériens. Cette barbouzerie ne laisse place à aucun doute quant aux intentions de lobbys français hostiles à l’Algérie et leur obstination portée par l’usage de méthodes sournoises pour déstabiliser le pays ».
Cette nouvelle séquence dans la série des barbouzeries imputées aux services secrets français réactive ainsi un vieux refrain des querelles sur fond de complots qui ont toujours émaillé les relations troubles entre Paris et Alger.
Des scénarios à répétition
Les scénarios de ce genre ne manquent pas. A titre de rappel, on citera l’épisode de l’exfiltration de l’activiste Amira Bouraoui, à partir de Tunis vers la France, au mois de février 2023. Récemment encore, à la veille des présidentielles du 7 septembre 2024, l’affaire du débarquement d’un lot d’armes de guerre au port de Bejaia et l’arrestation d’un individu qui prétendait agir pour le compte du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) avait fait la Une des médias algériens. Dans cette affaire, étrangement aucun haut responsable (notamment au port de Bejaia par où est censé entrer cet individu) n’a été limogé ni arrêté.
Bien entendu, toutes ces affaires et bien d’autres sont imputées à la main invisible des services français de la DGSE. La paranoïa n’a décidément plus de limites. Infos vérifiées ou fake news ? En tout cas, les voies des officines sont insondables !
Mais si les tenants et aboutissants de ces « dossiers » peuvent être catalogués de secret d’État, on peut deviner leur finalité : le conditionnement et l’influence sur des décisions et des agendas par le hard power.
Cela étant dit, cette agitation est plus destinée à la consommation nationale. Pour autant, le peuple est revenu de ces manipulations. Il en a connu d’autres. Aussi, il assiste incrédule, voire même avec circonspection et désintérêt à l’étalage de ces affaires. La rue n’est pas dupe.
Seul le landerneau médiatique algérois s’agite pour raviver des querelles qui n’ont jamais cessé entre la France et l’Algérie. Et il faut sans doute s’attendre à une prochaine surchauffe des médias algériens sur fond… de barbouzeries.
Yacine K.