En ne se préoccupant que des besoins matériels de la société, la classe politique au pouvoir ou dans l’opposition a fermé les yeux sur le mécontentement, les frustrations voire le désespoir des populations, sentiments qui caractérisent une société en voie de perdre son âme.
La société est un corps moral qui souffre ou prospère à travers les activités morales de ses membres. Un des remèdes pour restaurer un pouvoir chancelant est la restauration de la vertu. Les vertus morales essentielles sont la modération, la sobriété, le dévouement, le travail. Les gouvernants devraient être des modèles de vie pour les populations qu’ils entendent diriger. Ils doivent faire preuve de vertu et être attentif à la justice sociale. Les actes doivent être conformes aux paroles.
Il faut vivre en cohérence avec son discours. Il s’agit de se remettre en question. Il faut arrêter les compromissions. Cette envie effrénée de plaire, de ne pas introduire les troubles de sa conscience, dans la bulle de tranquillité que l’on s’est construit. On n’ose plus se critiquer, on n’ose plus déplaire. Or, face à la situation alarmante du pays, c’est le moment de déplaire, d’oser de critiquer, d’engager un débat afin de prendre des décisions courageuses et d’en assumer la responsabilité devant l’histoire et les générations futures.
En se fixant comme objectif de réduire les inégalités économiques qui déchirent le tissu social, les gouvernements entreront en conciliation avec leur peuple. Ils gagneront leur adhésion et leur engagement dans l’entreprise de construction nationale. Il serait alors évident pour tous que les fruits de ces efforts seront démocratiquement partagés, car sans effort pas de développement, sans développement il n’y a pas de justice, et sans justice il n’y a pas de paix sociale.
Les Algériens auront-ils la volonté de parier sur leurs propres capacités de travail, sur leur volonté d’union, plutôt que de se résigner dans la division et la divergence d’intérêt ?
Doivent-ils continuer à implorer la bienveillance de patrons étrangers qui sont en position de les exploiter ou doivent-ils retrousser leurs manches, unir leurs efforts, résorber leur divergence d’intérêts ? L’essentiel est de créer un Etat de citoyens et non de soldats, de sujets, d’esclaves ou de cadavres. Pour ce faire, il faut susciter l’ouverture et l’éveil de l’esprit des populations. Cela suppose le développement de la communication sociale, la mise en place de canaux d’expression utilisables par tous pour exprimer leurs attentes, leurs satisfactions ou leur mécontentement car le droit à la communication implique l’accès à toutes les catégories sociales sans exception, du pouvoir de demander des explications et des comptes, dans un cadre organisé librement consenti, aux responsables locaux ou nationaux sans courir le risque d’être inquiété, c’est à dire mettre à la portée de tous le droit de demander des comptes dans la gestion de leur quotidien.
L’instauration d’un régime de droit garantissant un pouvoir institutionnel, le dévouement à la chose publique, la lutte contre la corruption, le développement de la justice sociale apparaissent comme les antidotes au tribalisme, au régionalisme et au sous-développement.
Nous avons le cerveau incrusté dans notre estomac et le cœur enfoui dans notre poche trouée. La consommation devient ostentatoire, signe de distinction de classe, tous sont malades de l’argent, tous finalement regardent vers les revenus pétroliers et gaziers pour étancher cette soif. La richesse distribuée ne craint pas de se montrer au grand jour tandis que les inégalités sociales s’accroissent. La corruption et la mauvaise gestion des ressources conduisent la majorité de la population à un appauvrissement certain.
La richesse facile semble être le chemin assuré vers l’échec des politiques menées à l’abri des baïonnettes. Si l’on avait rêvé un jour de prendre à l’Occident la science et la technique en gardant son âme, il semble que l’on est en train de perdre son âme sans réussir à maîtriser cette science et cette technique.
Malheureusement, les discours ont peu d’effet puisqu’on a pris l’habitude de consommer sans produire, de dépenser sans compter, de gérer sans rendre compte, de gouverner sans la participation pleine et entière des larges couches de la population.
Le boom pétrolier qu’a connu l’Algérie durant les longues années « Bouteflika » illustre parfaitement la cohabitation entre la permanence d’une misère morale endémique et l’existence de ressources financières abondantes. Le prix élevé du pétrole a structurellement pour effet pervers de perpétuer à l’infini le système mis en place.
Un système gouverné par des élites occupées à leur plan de carrière et attachés à leurs privilèges du moment, après nous le déluge semble être le crédo. On appelle animaux domestiques, les animaux qui se font servir par leur maitre. Pris par le tourbillon de l’argent facile, elles n’ont pas eu le temps de se remettre en cause occupées à le servir sans rechigner, elles sont pour le système comme sur une bicyclette condamnée à pédaler sans cesse, s’ils s’arrêtent, ils tombent et ils se cassent.
Ils sont obligés de se soumettre au système pour ne pas perdre les avantages de la fonction hiérarchique qu’ils occupent se retrouver nues face au regard de la société.
Un système qui place « l’avoir » au-dessus « l’être ». Trop peu de gens n’ont pas de cadavres dans leurs placards. Tôt ou tard notre passé nous rattrape et on payera la facture cash et avec intérêts Les hommes sont pour le système ce que la nourriture est pour l’organisme ; « ça rentre propre et ça sort sale’.
Tout comme l’organisme le pouvoir est corrupteur. L’Algérie vit de l’argent du pétrole et du gaz et de rien d’autres. Aucun Algérien n’est riche en dehors des revenus pétroliers ? Aucune fortune privée ne peut se constituer sans l’aval de l’Etat qui dispose du monopole de la distribution des ressources pétrolières et gazières.
Il n’y a pas de gens riches dans l’Algérie indépendante, il n’y a que des pauvres qui sont devenus riches par la grâce du pétrole et la protection de l’Etat. « Les lois sont très nombreuses lorsque l’Etat est très corrompu ». Les fortunes entre les mains des gens sans esprit et sans moralité sont un crime contre l’humanité. Le pétrole est un don de dieu et non un produit de l’homme. Il appartient à tous.
Par conséquent, toute propriété d’une minorité doit être légitimée par la majorité. La propriété privée est le prolongement du droit à la vie. Elle limite les violences sociales. Le droit de propriété est réducteur d’incertitudes et producteur de sécurité ; Par conséquent le premier devoir d’un Etat est de produire la paix civile laquelle passe par la légitimation du droit de propriété lequel est concomitant à un autre droit celui de l’emploi. Si l’un peut détenir des biens, l’autre doit disposer d’un emploi.
La main droite a besoin de la main gauche pour travailler, produire et réaliser des profits. C’est cela une économie moderne. C’est cela un Etat de droit. Et cela ne tombe pas du ciel. Cela demande de la sagesse et de la hauteur d’esprit. La reconnaissance de fortunes privées par la société passe nécessairement par la production de biens et services destinés au marché local et par la création massive d’emplois destinés aux jeunes qui forment la majorité de la population.
Dr A. Boumezrag