Plusieurs associations et organisations des droits humains algériennes interpellent Emmanuel Macron, président de la France à la faveur de son déplacement en Algérie les 25, 26 et 27 août.
Monsieur le Président,
Vous avez prévu de vous rendre en Algérie le 25 août prochain, pour une visite officielle en réponse à l’invitation de la présidence algérienne.
Nous, organisations de la diaspora algérienne en France, espérons que cette visite sera fructueuse pour les deux pays, l’Algérie et la France fortement liés par l’histoire, la géographie, la culture, la langue et tous les échanges et partenariats tissés depuis l’indépendance.
Monsieur le Président, il est néanmoins un sujet grave qui ne doit pas être occulté lors de cette visite ; celui de l’état actuel des droits humains en Algérie.
Comme vous le savez, un mouvement populaire pacifique et massif -le Hirak- est né il y a 3 ans en Algérie. Porté par des millions d’Algériennes et d’Algériens, son credo est un changement politique démocratique et l’instauration d’un État de droit respectueux des libertés.
Cette espérance du peuple portée essentiellement par la jeunesse s’était remarquablement traduite par l’arrêt immédiat du douloureux phénomène migratoire sur des embarcations de fortune vers les pays de la rive nord de la Méditerranée.
Il est regrettable qu’un soutien international conséquent des démocraties ait manqué à ce mouvement profond du peuple algérien qui a ébranlé le pouvoir en place et suscité l’admiration des autres peuples du monde.
Malheureusement, la réponse des autorités algériennes aux aspirations populaires a été une politique répressive inédite par sa stratégie de la terreur pour réduire au silence les populations en situation de rupture avec les tenants du système politique en place, comme le confirment toutes les consultations électorales.
Les quelques acquis obtenus au prix de décennies de lutte et d’engagement citoyen, notamment depuis la révolte d’octobre 1988, sur la liberté d’expression, d’organisation, de manifestation, de presse et de l’activité politique sont en net recul, voire en voie de disparition.
Toutes les formes d’expression en dehors de la ligne du pouvoir sont systématiquement réprimées. Émettre une opinion, se réunir, manifester pacifiquement peut valoir un séjour en prison sur décision d’une justice aux ordres du pouvoir politique.
Les espaces médiatiques indépendants se réduisent fortement, des journaux sont contraints à la fermeture et des journalistes sont emprisonnés pour avoir exercé leur métier d’informer.
Des associations de la société civile dédiées à la solidarité, la culture et ouvrant des perspectives à la jeunesse sont bloquées dans leurs projets ou dissoutes.
Des partis politiques d’opposition sont entravés dans leurs activités, harcelés judiciairement et menacés de dissolution.
Des leaders politiques et des militants sont détenus et poursuivis par des lois liberticides dont certaines adoptées spécifiquement depuis deux ans. Nombreux sont ceux qui sont poursuivis par l’article 87 bis du code pénal, destiné à criminaliser tout acte politique d’opposition pacifique, qualifié d’acte terroriste.
Près de dix mille arrestations suivies d’au moins un millier de détentions provisoires abusives en violation du code pénal sont à l’actif de ce régime depuis le début du Hirak.
Ces arrestations continuent jusqu’à présent et trois cents citoyennes et citoyens ayant exprimé une opinion ou mené une activité politique pacifique, sont actuellement en détention dans les prisons du pays.
La diaspora algérienne n’est pas épargnée en raison de son implication et de son soutien massif et continu au mouvement populaire comme le démontrent ses multiples activités sur le territoire français et son rejet total de ce système politique exprimé clairement lors des différents scrutins.
Aujourd’hui, les Algériens en France mais également les Franco-Algériens craignent des mesures de rétorsion dans leurs déplacements en Algérie et se trouvent ainsi limités dans leur liberté de circulation.
Des voyageurs ayant comme seul tort d’avoir manifesté une opinion, ont été victimes d’arrestations et de décisions d’interdiction de sortie du territoire algérien. Des activistes, des militants politiques, des journalistes résidant sur le territoire français sont poursuivis par la justice algérienne et leurs familles résidentes en Algérie sont parfois inquiétées.
Certains sont accusés d’activités terroristes sur la base de l’article 87 bis, voire jugés par contumace à de lourdes peines.
Toutes ces mesures arbitraires sont prises en violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par l’Algérie depuis 1989 et de l’article 2 de l’Accord d’Association entre l’Algérie et l’Union européenne qui stipule que le respect des principes démocratiques et des droits de l’Homme est l’élément essentiel de cet accord.
Monsieur le Président, vous ne pouvez cautionner cette dérive despotique du régime algérien.
Nous, organisations de la diaspora, fortement inquiètes de cette évolution très autoritaire du système politique algérien, avons le devoir de vous exprimer notre profonde préoccupation sur cette situation dangereuse des libertés fondamentales en Algérie sous le régime actuel.
Cette dégradation dans le traitement des droits humains n’épargne aucunement des citoyens français ayant la double nationalité qui sont en droit d’attendre la défense de l’exercice de leurs libertés et la protection de l’Etat français.
Dans ce cadre du respect des droits humains, nous avions apprécié votre position courageuse à Alger, qualifiant « la colonisation de crime contre l’humanité » et nous espérons et attendons que ces atteintes aux droits et libertés ainsi que la question des détenus d’opinion soient abordées lors des pourparlers que vous aurez avec les autorités algériennes qui persistent dans le déni de ces réalités.
Une coopération saine, juste, stable et durable entre les deux pays ne peut se construire sur le déni des droits fondamentaux et sur l’exclusion et la répression du peuple algérien.
Les récents événements dans le monde nous enseignent, notamment sur la relation France-Afrique, que le mépris des peuples au profit des pouvoirs en place souvent dictatoriaux n’est pas une politique porteuse d’avenir.
Nous appelons ainsi de nos vœux l’avènement d’un nouveau partenariat responsable, apaisé, constructif, basé sur le respect des citoyens et des souverainetés pour le bénéfice mutuel des deux peuples.
En espérant plein succès à votre visite, dans l’intérêt de l’Algérie et de la France, veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.
Liste des organisations signataires :
– Action citoyenne pour l’Algérie ;
– Agir pour le Changement et la Démocratie en Algérie ;
– Action-Détenus ;
– Algeria Democraty ;
– Collectif Groupe Algérie Droit Devant ;
– Collectif pour une Alternative Démocratique et Sociale en Algérie (CADSA – Marseille) ;
– Collectif des Familles de disparus en Algérie
– Collectif Révolution du sourire ;
– Coordination des Algériens du monde ;
– Debout l’Algérie,
– Debout l’Algérie Angoulême ;
– Etudiants Nord Africains de France ;
– Riposte Internationale.