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Algérie-France : le pain noir de la liberté, le pain blanc de la servitude ?

Tebboune et Macron

«Que préfères-tu, celui qui veut te priver de pain au nom de la liberté ou celui qui veut t’enlever ta liberté pour assurer ton pain » Albert Camus.

Dans les bouleversements qu’a connus la société algérienne colonisée puis décolonisée, on insiste toujours sur les conséquences de la colonisation rarement sur la phase de décolonisation. L’Algérie et la France vivent le passé au présent, elles en sont malades, d’une maladie qui semble incurable.

En traitant les « autochtones » de « bougnols », des « moins que rien », (fainéants-nés, des voleurs-nés, des criminels-nés, des menteurs-nés), la France a fait de l’humiliation et de la soumission des techniques de maintien de l’ordre colonial français qui perdure au présent sous d’autres formes plus subtiles et plus sournoises. 

Mais plus personne n’est dupe. Le régime politique algérien n’a-t-il pas institué le mépris et l’arrogance comme mode de gouvernance ? L’humiliation et la corruption d’un pouvoir autoritaire et insensible ont poussé les Algériens à fuir massivement le pays dans des embarcations de fortune vers des lendemains meilleurs.

Sur un autre plan, la disproportion des moyens de répression mobilisés ne vise-t-elle pas qu’à humilier et à soumettre une population de plus en plus rebelle à l’ordre colonial. 

La France a la mémoire courte mais l’esprit vif pour piller le pays de ces neurones, de son énergie, des fonds détournés. L’histoire se répète, les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets. « L’histoire est terrible avec les hommes et d’abord elle leur bande les yeux en leur faisant croire que le pire n’est pas pour eux ». 

La colonisation française a débuté avec le pillage du Trésor d’Alger (La Régence), l’indépendance a commencé avec la disparition des fonds et des bijoux collectés au titre de la Caisse de solidarité nationale sous prétexte de renflouer le trésor public pour finir par la dilapidation et le détournement de mille milliards de revenus pétroliers et gaziers par les gouvernants condamnant leur propre peuple à une pauvreté certaine. 

L’ordre colonial français fût une occupation du territoire par « l’épée et la charrue » ; l’ordre étatique algérien serait une appropriation privative du sol et du sous-sol algériens par les «textes et le fusil».

Si la violence exercée par la colonisation était légitimée par la mission « civilisatrice » de la France, la violence légale de l’Etat algérien s’effectue au nom du « développement ». L’enjeu des pouvoirs colonial et post-colonial n’est en vérité que la soumission de l’homme à l’ordre établi c’est-à-dire l’acceptation de son statut de sujet par le « bâton » (la répression) et/ou la « carotte » (la corruption).

L’élite dirigeante va reproduire les méthodes du colonisateur et parachever sa politique  économique et sociale  Cette gestion autocratique, anarchique et irresponsable de la société et des ressources du pays n’est nous semble-t-il pas étrangère à l’influence et l’attraction de la France sur/par les « élites cooptées » du pays, aujourd’hui vieillissantes pour la plupart, maintenue en activité malgré leur âge avancé et pour la plupart finissent presque tous dans un lit d’hôpital parisien entre les bras de « notre mère patrie la France». Elle s’insère parfaitement dans la stratégie de décolonisation du général De Gaulle, engagée dès 1958 à son retour au pouvoir et parachevée en 1962 par la signature des accords d’Evian dont la partie la plus secrète a été semble-t-il largement exécutée. 

« En politique, trahison, lâcheté, et hypocrisie sont des religions, c’est pour cela que nous avons de mauvais gouvernants » nous apprend Laurent Denancy. Nos ressources vitales viennent du sous-sol saharien. L’Etat s’est institué propriétaire des gisements pétroliers et gaziers. 

La richesse matérielle d’un pays est une vertu politique qui permet d’entretenir un réseau clientéliste tant à l’intérieur du pays par le versement de revenus sans contrepartie productive que dans ses relations avec les partenaires étrangers avec la passation des marchés publics à bénéfice privé. Nous sommes esclaves du marché mondial tant pour les exportations que pour les importations. Sur le littoral et les hauts plateaux, nous ne produisons rien ou presque rien ; par contre nous consommons tout ce que les autres peuples éveillés laborieux produisent avec leurs mains et leur intelligence.

Toute notre nourriture provient de l’étranger prête à être consommée sans fournir aucun effort. Il suffit d’ouvrir la bouche. Aucune institution économique, politique, sociale ou religieuse n’est épargnée par l’esprit de rente. De la pratique de cette politique, voulue ou subie, on ne peut sortir que rouillés pour ne pas dire souillés. « Celui qui désire du miel doit supporter la piqûre des abeilles ».

Nous manquons de maturité et de discernement ? Nous sommes pris dans le tourbillon infernal de l’argent facile du pétrole et du gaz, nous sommes devenus ivres. Nous   manquons de lucidité. Nous voulons des voitures et nous n’en fabriquons pas, nous voulons des logements, nous n’en construisons pas, nous voulons du pain et nous ne produisons pas de blé, nous voulons nous soigner et nous poussons nos médecins à se jeter dans les bras de la France.

Nous tournons le dos au pays pour scruter de nouveaux horizons. L’Algérie souveraine sera finalement qu’un drapeau planté sur un puits de pétrole.

Qui tient les cordons de la bourse tient le peuple en respect : « Donnes lui le pain, tu en feras ton esclave, donnes lui la liberté, tu en feras ton maître. Ne lui donnes ni pain, ni liberté, tu en feras ton bourreau, donnes-lui la liberté et le pain, il fera de toi son prophète ».

Le pain sans la liberté, c’est la prison, la liberté sans le pain, c’est la jungle, trop de pain  corrompt, trop de liberté divise. La France a atteint ses objectifs, elle nous a détournés de la voie droite. Nous sommes des égarés. « La liberté est le pain que les peuples doivent gagner à la sueur de leur front » Robert de Lamennais  

Dr A. Boumezrag

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