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Algérie : la fuite en avant… dans les start-ups !

REGARD

Algérie : la fuite en avant… dans les start-ups !

Il y a dans notre pays un proverbe (1), connu de beaucoup, qui résume le cafouillage et l’inconséquence qui guident les tenants actuels de ce qui reste reste du pouvoir.

Depuis un an, le mouvement de dissidence populaire (Hirak), a mis à nu le système politique, qui apparaît  dans toute sa laideur et son mépris du peuple algérien.

Les conséquences sont incommensurables 

La vague de fond du mouvement pacifique qui secoue depuis un an un système sclérosé ne projette pas un simple replâtrage et des corrections à la marge des pratiques politiques, sociales et économiques du pays depuis 1962. C’est une révolution culturelle et politique qui marquera le pays pour les prochaines décennies. L’exigence première (et non la demande) est un reengineering (2) total du pouvoir politique qui ne sera basé que sur la légitimité des urnes et la démocratie dans sa totalité. 

Pour cela, un état des lieux est indispensable. Il ne s’agit pas, bien évidemment, de procéder, comme c’est le cas, par des procès nécessaires de quelques prédateurs et comploteurs, qui tiennent plus du règlement de comptes entre factions. En tout cas, c’est perçu comme tel par le peuple, qui n’est plus dupe.

Les habitudes de la manœuvre systématique et de la ruse, acquises par le système depuis des décennies, font miroiter au peuple la sortie rapide de la dépendance des hydrocarbures par l’exploitation très controversée du gaz de schiste et le recours aux start-ups ! C’est-à-dire, commencer par le sommet de la technologie et des services avant d’en maîtriser les bases élémentaires de l’indépendance économique. C’est de la fuite en avant et de l’enfantillage. 

A côté de l’incantation par le discours, l’équipe au pouvoir fait du sur-place pour faire illusion. 

Cette absurdité, évidente pour le commun des mortels, n’en est pas une pour les prestidigitateurs du système. Cette nouvelle initiative constitue, entre autres, la suite logique des aides publiques aux jeunes créateurs d’entreprises (Ansej) qui ont plus servi pendant des années à dépouiller le trésor public et à enrichir les fils et filles de la nomenklatura, avec quelques miettes pour corrompre les enfants du peuple (3). 

Il ne faut pas se leurrer. Les initiatives de lancement des entreprises innovantes (start-ups), quel que soit le domaine de création de richesses, viennent de citoyens d’une société libérée des lourdeurs bureaucratiques, de la reconnaissance des compétences, de l’acceptation de la prise de risque avec un système bancaire approprié qui collabore. Ceci est très loin des entourloupes politico-financières des ‘’démocraties populaires’’. 

Les nouveaux start-upers, et il y en a potentiellement dans notre pays (4), sortiront des rangs des jeunes Algérien(ne)s qui manifestent pacifiquement depuis un an en Algérie et dans d’autres pays. La libération actuelle de l’intelligence dans la contestation, reconnue mondialement, en est une première phase de leur inventivité.   

Dans les artifices de corruption et de pompage des finances publiques, il y a un passif énorme. Les scandales de l’UMB (Union Méditerranéenne de banque) liquidée en 1986 et qui devait drainer l’épargne des travailleurs émigrés, de l’Union Bank, de la Banque Khalifa et de la BCIA… sont dans toutes les mémoires.  Ce n’était finalement que des montages diaboliques pour transférer, ‘’en toute légalité’’, les devises du pays vers l’étranger, au bénéfice des oligarques et de leurs relais.

Cette capacité dont dispose le système politique algérien pour polluer et travestir des initiatives a priori utiles, et les détourner de leur objectif initial qui est dans l’intérêt national, impose une vigilance absolue vis à vis de toutes les initiatives faites par les gouvernants actuels dans la précipitation. Tous les algériens connaissant maintenant les finalités de pillage du pays au moyen des « usines de remontage des roues ».  

Toutefois, l’énormité des prédations portées sur la place publique dans les différents procès en cours ne doit pas détourner le peuple de l’objectif de la révolution pacifique. Les quelques irritations exprimées quelques fois lors des dernières marches ne sauraient modifier la trajectoire du mouvement  pacifique pour une nouvelle république digne de ce nom. C’est le cas du slogan regrettable entendu cette semaine dans les marches : « Ya sḥab enniḍam, ya wlad leḥram »/vous membres du système, fils de p… ». Un glissement verbal qui n’est pas souhaitable. La vigilance est de mise.

Dans le processus attendu de reconstruction nationale dans la paix, le départ est primordial. Il s’agit en premier lieu d’éloigner l’armée de la politique et d’armer le peuple avec les principes et les pratiques démocratiques. C’est cette complémentarité naturelle qu’il faut réussir collectivement ; et il n’y a pas d’ennemi intérieur.

Quant aux ennemis extérieurs, ils existent depuis plus de 2000 ans. Ils changent de pays, d’aspect, de langue, de tactique, de méthode… Ils sont toujours là, mais le monde a changé. A l’État algérien démocratique, dirigé par un gouvernement légitime, d’en faire des partenaires commerciaux, culturels et économiques dans le respect mutuel et sans ingérence, où chacun défendra âprement ses intérêts.

A.U.L.

Notes et liens internet :

(1) « A dadda, eṭṭef-iyi imeẓyanen, imeqqranen zemreɣ-asen / père, protège-moi des petits, des grands je m’en charge ! ».

(2) le Reengineering se définit comme « ‘une remise en cause fondamentale et une redéfinition radicale des processus opérationnels pour obtenir des gains spectaculaires dans les performances critiques que constituent aujourd’hui les coûts, la qualité, le service et la rapidité ». Par analogie, on parle de reengineering politique, avec des objectifs différents, car un pays n’est pas une entreprise à but lucratif.

(3) Un ancien premier ministre, Abdelmalek Sellal, avait publiquement conseillé aux jeunes algériens porteurs de crédits bancaires ANSEJ de ne pas rembourser l’État et de financer leur mariage avec l’argent emprunté. C’était un appel explicite au vol de la nation.

(4) « Accordez-nous juste un peu respect, et là vous pouvez compter sur nous », propos d’un jeune collaborateur à la banque d’Algérie, rapporté par Abderrahmane Hadj Nacer dans son livre  ‘’La martingale algérienne’’, édition Barzakh 2011.

Auteur
Aumer U Lamara, physicien, écrivain

 




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