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Algérie : le 08 août 2025, une euthanasie avortée d’un régime à l’agonie

Tebboune et Chanegriha

Le régime algérien est entré dans une phase de faillite morale profonde, marquée par une perte irréversible de crédibilité auprès de sa population, et particulièrement auprès de la jeunesse.

Cette dernière, majoritaire en nombre, se heurte à un pouvoir qui non seulement la méprise, mais la réprime violemment dès qu’elle manifeste pacifiquement ses aspirations. Ce refus de reconnaître la légitimité de la contestation traduit un cynisme d’État qui érode la confiance sociale.

I. La faillite interne du régime algérien

1. Faillite morale

Le mépris se manifeste dans le langage, les actes et les décisions du pouvoir. L’absence de réponse politique sérieuse face aux revendications légitimes des manifestants, combinée à la brutalité policière, souligne une posture qui déshumanise les citoyens, réduits à des trouble-fêtes plutôt qu’à des acteurs légitimes d’un débat national. Cette posture dégrade non seulement la relation entre État et société, mais provoque une fracture morale dont les effets sont durables et corrosifs.

2. Faillite politique

Sur le plan politique, le régime algérien est enfermé dans un cercle vicieux d’autoritarisme et d’immobilisme. Les institutions, verrouillées par une oligarchie militaire et bureaucratique, ne disposent d’aucune autonomie réelle et fonctionnent comme des instruments au service d’un pouvoir centralisé et opaque. Cette configuration politique empêche toute réforme authentique et annihile la possibilité d’un dialogue national constructif. La légitimité du régime repose exclusivement sur la force et la peur, ce qui explique sa défiance envers toute opposition organisée ou toute expression démocratique. Cette impasse politique est une source majeure de crise permanente, car elle aliène la société au lieu de la rassembler.

3. Faillite économique

L’économie algérienne est, quant à elle, en crise profonde. Loin de représenter un levier de stabilité, elle est le terrain d’un désastre structurel : chômage massif, précarité généralisée, corruption systémique et dépendance écrasante aux hydrocarbures. Ces facteurs alimentent un climat social explosif. La jeunesse, première victime de cette crise économique, subit le chômage et l’exclusion, ce qui alimente son ressentiment et sa révolte.

Le régime, incapable de diversifier l’économie ou d’instaurer des politiques sociales efficaces, laisse le pays dériver vers une instabilité durable, mettant en péril sa propre survie. Cette triple faillite (morale, politique, économique) constitue le cœur de la crise qui a explosé le 8 août, révélant un pouvoir en bout de course, mais encore incapable de se défaire de ses mécanismes de domination.

II. Le rôle passif et complice des élites intellectuelles

1. Cooptation et neutralisation

Une des caractéristiques les plus tragiques de la crise algérienne est la passivité, voire la complicité, d’une large part des élites intellectuelles — universitaires, politologues, économistes et journalistes. Au lieu de jouer leur rôle d’éclaireurs et de critiques, ces acteurs sont souvent captés par le système par des mécanismes de cooptation.

Qu’il s’agisse d’augmentations de salaire, de postes académiques confortables, ou de statuts protégés, ces privilèges fonctionnent comme autant de chaînes invisibles qui neutralisent toute velléité critique. Ce dispositif assure au régime une zone de confort intellectuelle, où la pensée libre est étouffée au profit d’une parole domestiquée.

La dissidence, quand elle existe, reste marginalisée ou criminalisée, ce qui empêche la société de se doter d’un véritable espace critique nécessaire à son renouvellement. 

2. Stagnation intellectuelle et plagiat omniprésent

Par ailleurs, cette élite captive est souvent enfermée dans un confort intellectuel qui mène à la stagnation et au recyclage d’idées éculées, trop souvent au plagiat. L’absence d’audace, d’originalité et d’engagement sérieux rend ces intellectuels incapables d’élaborer des diagnostics précis ou des propositions alternatives.

Le manque de prise de risque dans la pensée se traduit par une incapacité collective à imaginer un avenir différent, et laisse la jeunesse sans relais crédibles ni projets porteurs. Cette crise de la pensée aggrave la crise politique et sociale, en vidant le débat public de sa substance.

3. Médias officiels et propagande

Le rôle des médias est tout aussi critique. La majorité des organes officiels, contrôlés par l’État, fonctionnent comme des instruments de propagande. Ils pratiquent la censure, la désinformation, et minimisent ou déforment systématiquement les revendications populaires.

Cette stratégie médiatique vise à étouffer toute contestation et à imposer un récit officiel déconnecté de la réalité vécue par les citoyens. Elle contribue à renforcer la fracture entre le pouvoir et la société, accentuant le sentiment d’injustice et de marginalisation. En somme, le silence ou la complaisance des élites intellectuelles et médiatiques ne sont pas de simples dysfonctionnements, mais un facteur aggravant de la crise profonde que traverse l’Algérie.

III. L’infréquentabilité diplomatique : l’isolement régional et international

1. La rupture avec la France et l’Europe

Le régime algérien s’est progressivement isolé sur la scène internationale, rompant ses liens avec ses partenaires historiques et stratégiques. La relation avec la France, longtemps marquée par une complexité inhérente à l’histoire coloniale, a atteint un point de rupture inédit. L’accumulation d’incidents diplomatiques, de propos hostiles, et de mesures unilatérales a érodé toute confiance.

La France, autrefois premier interlocuteur économique et politique, regarde désormais l’Algérie avec prudence, voire méfiance. Cet isolement s’étend à d’autres pays européens comme l’Espagne et le Portugal, avec lesquels les relations se tendent sur des dossiers sensibles tels que la gestion des flux migratoires, l’énergie et la sécurité régionale. Ce durcissement diplomatique fragilise la position de l’Algérie en Méditerranée et compromet ses intérêts économiques et stratégiques.

2. Le contentieux avec le Maroc

Le conflit larvé avec le Maroc demeure un facteur majeur de l’isolement régional du régime algérien. Cette hostilité chronique, qui dépasse largement la question du Sahara occidental, est devenue un élément structurant de la politique algérienne. Au lieu de rechercher la détente et la coopération, Alger choisit la confrontation, alimentant une guerre froide maghrébine qui bloque toute perspective d’intégration régionale. Ce contentieux durable aliène les chances de stabilité et de développement commun, et enferme l’Algérie dans une posture d’isolement et d’intransigeance qui nuit à sa propre sécurité.

3. Relations fragiles avec les pays du Sahel

Dans le Sahel, région stratégique et en proie à des crises multiples, l’Algérie prétend jouer un rôle stabilisateur, mais ses relations sont marquées par la méfiance et la compétition. Ses voisins sahéliens perçoivent souvent Alger comme un acteur intéressé, voire manipulateur, et non comme un partenaire fiable. Cette dynamique fragilise les efforts régionaux de sécurité et de développement, et souligne l’incapacité du régime à bâtir des alliances solides dans une zone clé de son environnement géopolitique.

4. L’épisode libanais : un symbole d’infréquentabilité

L’un des épisodes les plus révélateurs de cette situation est l’aide financière de 200 millions de dollars que l’Algérie a accordée au Liban lors de la visite du président libanais Joseph Aoun. Alors que ce geste aurait pu être un acte de solidarité et de diplomatie constructive, certains observateurs libanais ont vivement critiqué le choix du président Aoun de s’afficher avec un régime « infréquentable », compromettant ainsi la position du Liban vis-à-vis de ses partenaires occidentaux comme la France, l’Espagne, ou encore le Maroc.

Cette controverse illustre à quel point l’Algérie est perçue aujourd’hui comme un acteur diplomatique isolé, dont la posture et les choix politiques suscitent gêne et réticence, même au sein de ses alliés traditionnels. Cette infréquentabilité est non seulement un handicap diplomatique majeur, mais aussi un symptôme du déclin politique global du régime, enfermé dans un cercle vicieux d’isolement et de défiance.

IV. Le 8 août comme révélateur et tournant

1. Déstabilisation du régime

Le 8 août 2025 s’impose comme une journée historique qui a brutalement mis à nu les faiblesses accumulées du régime algérien. Face à une contestation populaire massive et déterminée, le pouvoir s’est montré non seulement désarçonné, mais aussi incapable de contenir la vague sans recourir à une répression aveugle. Cette déstabilisation révèle à quel point le système, malgré ses apparences de stabilité, est fragile, fissuré au cœur même de son appareil. Ce moment a démontré que la légitimité du régime est désormais contestée sur toute la ligne, qu’elle ne repose plus que sur la peur et la violence, et que la confiance entre gouvernants et gouvernés est irrémédiablement rompue.

2. Un souffle populaire latent mais puissant

Malgré les divisions, les répressions et les tentatives d’étouffement, le souffle populaire qui s’est exprimé ce jour-là témoigne d’une force vive, d’une aspiration profonde au changement. La jeunesse, moteur principal de cette mobilisation, incarne un espoir mais aussi un défi pour l’avenir de l’Algérie. Ce souffle n’est pas un simple feu de paille, il est la manifestation d’une colère accumulée et d’une quête de dignité qui, même dispersée, porte en elle le potentiel d’une transformation majeure.

3. Un avenir en suspens

Toutefois, l’avenir reste incertain. Le régime peut choisir la voie de la répression accrue, creusant encore plus la fracture sociale et politique, ou tenter, à contre-courant, des réformes réelles, qui impliqueraient un renoncement partiel au pouvoir et un dialogue sincère avec la société. Il y a également la possibilité d’un effondrement progressif du système, mais sans garantie d’une transition pacifique ou démocratique. Le défi majeur demeure la capacité d’une société longtemps fracturée à se recomposer autour d’un projet politique inclusif.

Le 8 août est ainsi un tournant crucial, un signal fort qui résonne bien au-delà de cette journée, ouvrant la porte à une période d’instabilité mais aussi, potentiellement, de renaissance.

Conclusion

Le 8 août 2025 restera inscrit dans l’histoire algérienne comme le jour où le masque du régime est tombé, révélant sans fard sa faillite morale, politique, économique, et son isolement diplomatique profond. Cette journée a marqué une euthanasie avortée, où le pouvoir, malgré sa fragilité extrême, a résisté, non par légitimité, mais par la force et le mensonge. Ce régime, à la fois abject et arrogant, est aujourd’hui déstabilisé sur tous les fronts. Son incapacité à écouter, à se réformer et à renouer un dialogue sincère avec sa jeunesse et sa société lui ferme toutes les portes d’un avenir stable et digne. L’infréquentabilité diplomatique n’est que le reflet extérieur de ce naufrage intérieur.

Pour l’Algérie, le chemin est semé d’embûches. La faillite d’un système ne garantit pas l’émergence d’un autre, et la recomposition politique et sociale qui s’impose sera le fruit d’une lutte acharnée, d’un engagement renouvelé de tous les acteurs authentiques du pays. Le 8 août est donc un cri, un avertissement, mais aussi un appel silencieux à la nécessité d’un renouveau profond, politique, moral, et civilisationnel. C’est à ce prix seul que l’Algérie pourra espérer sortir de l’impasse dans laquelle ce régime l’a plongée.

Hassina Rabiane

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