Samedi 11 janvier 2020
« Algérie pays arabe » : quelle illusion !
Nul ne peut nier que les Berbères sont les habitants autochtones de l’actuelle Algérie. Depuis l’arrivée de l’islam au VIIe siècle déjà, les vents de l’arabisation n’ont cessé de ravager les traces identitaires du peuple amazigh. Pour nous éviter de foncer dans les bas-fonds de l’histoire, nous nous limitons essentiellement à l’histoire récente de l’Algérie pour analyser les railleries identitaires ayant attisé une certaine hostilité entre les enfants du même aïeul.
Après l’indépendance, le projet social – s’il y’en avait un bien sûr- était emporté des pays d’Orient : en l’occurrence de l’Égypte. L’école algérienne était devenue à cette époque un atelier fabriquant des arabisants, extrémistes et dégénérés de l’identité de leurs ancêtres pour bon nombre des produits de cette école. Des fausses identités se sont alors créées en Algérie. Certains se réclament l’appartenance aux Hachémites, d’autres aux Italiens, d’autres aux gens d’el-Cham, d’autres aux Yéménites ; alors qu’en Arabie ou en Europe, nous sommes – souvent – considérés comme, respectivement, « berbères » et « Arabes » : deux vocables, souvent, à connotation péjorative. Nous savons d’ailleurs, que l’histoire officielle dans le monde arabe, ou en Algérie soutient que les Arabes sont classés en deux catégories : l’une supérieure « les arabisants » et l’autre inférieure « les arabisés ». Selon cette ségrégation, les Algériens sont des « Arabes » de second degré.
Ceci dit, nous n’excluons pas ces hypothèses qui seraient mieux confirmées par des études anthropologiques. En effet, le passage de diverses civilisations en Algérie sous-tend que le peuple algérien serait fusionné dans d’autres races, dont les Arabes bien sûr. Or, le chamboulement du système tribal pendant l’ère coloniale rend difficile, voire impossible, l’exactitude d’éventuelles études en ce sens.
Dans les régions algériennes arabophones, comme nous venons de signaler, il est rare de trouver quelqu’un qui s’enorgueillit d’être d’origine berbère. Les nouveau-nés leur sont donnés des noms turcs, persans, arabes, européens, même rarement des patronymes amazighs. Pour certains ignorants, être musulman veut forcément dire être arabe. Pour d’autres, tout ce qui ne pas arabe n’est pas musulman, autant d’illusions auxquelles croient même certains « universitaires. ». Par pure ignorance, on ne fait pas la différence entre une race, une ethnie et une religion.
C’est l’absence d’une culture identitaire qui a malheureusement laissé feu vert à cette ignorance. Peu de gens reconnaissent en effet leurs origines. La quasi-totalité des Algériens arabophones se crée des descendances imaginaires exotiques. Sinon, comment nier son appartenance à l’amazighité si on est de l’ancienne aire géographique de « Kotama », de « Beni Snous », ou « Sanhadja » pour ne citer que ces trois tribus?
En vue de rétablir la vérité et de faire parler le mutisme de l’histoire officielle algérienne, de vaillants intellectuels ont mené un combat contre tout système visant à effacer la dimension amazighe à la société algérienne. Récemment, quelques fruits de cette lutte ont vu le jour. Ainsi, la langue amazighe est finalement reconnue comme étant une langue nationale. En outre, le yennayer devient un jour férié et l’enseignement de tamazight occupe de plus en plus les tenants des secteurs de l’éducation. Enfin, la fondation de l’Académie algérienne de la langue amazighe est également un acquis permettant à tamazight de voir de beaux jours.
Mais ce qui est préconisé, c’est le travail sur les mentalités. Ainsi, les médias tout comme l’école doivent jouer leur rôle pour rendre les Algériens fiers de leur amazighité.
Aujourd’hui, il faut le dire, plusieurs arabophones sont contre l’enseignement de la langue amazigh. Pour eux, cela n’aura aucun intérêt pour leurs enfants. Ces gens réclament l’enseignement des langues vivantes à leurs rejetons au lieu de leur faire apprendre une langue « archaïque »
Par contre, ils oublient que leurs enfants ne doivent pas faire table rase avec leur véritable identité, car si on ne sait pas d’où on vient, on ne sait pas là où on va. Sinon, les capacités cérébrales de l’être humain lui permettent d’apprendre jusqu’à une dizaine de langues. En ce qui concerne les langues vivantes, telle que l’anglais qu’on conseille à ses enfants, on oublie que c’est le travail de ses locuteurs qui rend une langue vivante et attirante et non ses règles grammaticales.
En effet, si l’anglais est largement parlé dans le monde c’est plutôt grâce au développement économique et technologique provoqué par l’être américain. C’est le travail du peuple américain qui oblige en fait les étudiants de tous les pays du monde à étudier l’anglais qui est la langue de l’ordinateur et du commerce.
Par ailleurs, nous notons que le fait d’évoquer la question identitaire ne veut aucunement dire provoquer de la zizanie au sein de la société algérienne, comme le rabâchent certains même si les nobles Amazighs fiers de leurs origines n’ont besoin d’aucun visa pour leur valider leur patriotisme dont l’histoire témoigne depuis la nuit des temps.
En fait, ces anti-Amazighs, taxent toute revendication identitaire de « racisme » ou de « séparatisme » tout en oubliant que le la reconnaissance de l’amazighité ne signifie pas la négation de l’arabité qui est, certes, un acquis pour le peuple algérien comme d’autres acquis civilisationnels. L’Algérie a besoin de vivre dans la pluralité culturelle, loin de l’hégémonie de n’importe quelle race !
Mais, aucune race ne doit exclure l’Autre, car l’Algérie de Massinissa est généreuse avec toutes ses hôtes, ne lui voulant pas du mal. Pour conclure, disons : « assegas amegaz » !
L’auteur est PES de français, sortant de l’ENS de Constantine et doctorant en littératures francophones comparées