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Algérie : pénurie de tire-bouchons ! 

FOUTAISES de Meziane Ourad

Algérie : pénurie de tire-bouchons ! 

Des femmes et des hommes ont couru à Alger sous le slogan : « Ma place est où je veux, pas dans la cuisine »

C’est un ami lorrain, abasourdi, qui m’a raconté cette histoire vraie vécue, chez lui, en Algérie : « J’ai, un jour constaté que je n’avais pas de tire-bouchons à la maison, j’ai été en acheter un. Je ne savais pas que j’allais vivre un chemin de croix en m’attaquant à ce petit détail. Non seulement je n’en ai trouvé aucune trace dans les commerces d’Alger, une capitale de cinq millions d’habitants, mais j’ai du essuyer maintes insultes ! »

« Un tire-bouchons, lui disait-on, mais pourquoi faire ? Hamoud et Ifri ça s’ouvre en tournant vers la droite  la capsule en plastique ! Ah c’est pour déboucher du vin ? Tu n’as pas honte, à ton âge ! Tu dois être grand-père… »

Voici donc un pays où on va acheter un objet banal de la vie quotidienne et où on se retrouve fixé debout à entendre des penseurs frelatés débiter des cours de philosophie approximative. Un pays dont l’horloge s’est bloquée sur le septième siècle.

Pourquoi parler de limonadier à deux doigts d’un mondial qui s’annonce ardent ? Parce que Sadek, c’est ainsi que s’appelle la naïve victime de la schizophrénie ambiante en Algérie, est un mordu de football. Il en a été pratiquant jusqu’à l’âge de soixante-deux ans. Dans une autre vie, il a fait l’Ecole des arts dramatiques de Bordj El-Kiffan, il a partagé la vie d’un groupe qui entourait Mustapha Kateb, il a été cadre dans une entreprise nationale.

Depuis un peu plus de trente ans, il a choisi un autre métier. Il est devenu exilé. 

Un pays qui n’a pas de tire-bouchons à vendre ne peut pas savoir jouer au ballon ! Offrir du rêve à ses enfants…

Le village des exilés ne vit pas au rythme du mondial. Ici, nous échangeons quotidiennement des nouvelles des divorcés, des malades et souvent des morts. Nos camarades entamés par les aiguillons algériens sont souvent achevés sur les rives de la Seine par les affres de l’éloignement et de la nostalgie. Tous meurent, un jour ou l’autre, par l’arrêt de l’arbitre. 

Mohamed Ali Allalou qui en est un peu à l’origine, avec Aziz Smati et les amis du groupe T34, d’une nouvelle façon de faire de la radio et de la télé – souvenez vous de « Contact » et de « Bled music  » – Allalou, donc, que j’ai interpellé sur le foot m’a rit au nez : « Madjer et Bouteflika mènent le même combat. Ils méprisent le peuple algérien. Une défaite par trois buts à zéro contre le Portugal, c’est un petit chiffre à ajouter aux milliards détournés ».  Lui l’enfant de Bab El Oued, nécessairement membre fondateur des Chenouas refuse de parler de foot ! Allalou est un hérétique ! 

Un Algérien qui n’aime pas le foot, ça existe ? 

Mohamed Ali préfère me parler de l’histoire de cette jeune fille tabassée à Bouchaoui parce qu’elle faisait un footing pendant le ramadan. Une belle fille qui s’occupe de son corps, en période de famine, aux pays des fantômes !

Le gendarme qui était censé la secourir et recueillir sa plainte a déversé sur elle un dépotoir d’insultes. Dans quel monde vivons-nous ? 

Le mouvement citoyen s’est réveillé, il va courir pour soutenir cette jeune fille qui sera, un jour grand-mère, sur l’esplanade des Sablettes. Ce sont ces manifestations de solidarité qui maintiennent le grand artiste Allalou, un pionnier des batailles pour les libertés, en vie. Il croit encore et toujours à l’Algérie, à ses enfants qui chantent, peignent, écrivent et bâtissent. Il n’aime pas le foot. Il dit qu’il ne supportera pas l’équipe de France parce qu’il n’y aura pas Benzema. Ce n’est pas un peu communautariste, ça ? 

Il dit aussi que pendant ses premières années d’exil, il a beaucoup pleuré l’Algérie mais que ses derniers voyages, là bas, l’ont fait vomir. Il dit qu’il ne regrette plus d’être parti.

A l’inverse, moi je regrette le stade Zioui. La vie qu’on y menait à l’époque où les week-ends commençaient le samedi pour se terminer le dimanche au soir. Au temps où on fêtait l’Aïd et Noël, sans complexes. Où on croisait beaucoup d’étrangers sur les terrasses de la rue Didouche et où les femmes allaient nager, librement, en bikinis à Surcouf, Zeralda ou Cap-Djinet.

A l’époque où on pouvait camper avec nos compagnes sur la plage Rouge, du côté de Ziama. Les censeurs ont pris le pouvoir.

La Corée du Nord, à l’occasion du sommet de Singapour, prépare sa sortie de l’isolement. L’Algérie creuse sa tombe plus profond. 

La coupe du monde commence bientôt. Revenons au ballon. La France a montré ses limites. Je change de veste. A partir d’aujourd’hui je me fais marocain ! 

Auteur
Meziane Ourad

 




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