En théorie, le commerce extérieur est libéralisé en Algérie. Mais dans les faits, cette libéralisation demeure largement illusoire. Son effectivité est en réalité étroitement tributaire du niveau des réserves de change, lesquelles dictent l’orientation concrète de la politique commerciale du pays.
Cette dialectique entre l’état des finances extérieures et la mise en œuvre d’une politique dite libérale révèle que les échanges internationaux ne sont pas pensés comme un levier de développement, mais comme un simple instrument de régulation monétaire conjoncturelle.
Dès que le matelas de devises commence à s’amenuiser, phénomène récurrent dans un pays dont les recettes en devises reposent exclusivement sur les exportations d’hydrocarbures, la panique gagne aussitôt les cercles du pouvoir, les tirant de leur torpeur.
Mais, au lieu d’engager une véritable réflexion de fond sur les voies de développement de l’économie et de la nécessité de sa diversification, et de s’attaquer aux foyers structurels de gaspillage, à commencer par le train de vie dispendieux de l’État et de ses clientèles, le régime choisit la solution de facilité qui consiste à comprimer les importations.
Et ce sont, bien souvent les véhicules, les pièces détachées, et les produits de large consommation, ceux qui répondent aux besoins du plus grand nombre, notamment les plus vulnérables, qui en font les frais.
L’ajustement opéré sur la politique commerciale prend la forme d’un resserrement progressif, voire brutal, des échanges extérieurs. On passe ainsi d’une ouverture affichée à un gel quasi total des importations, en mobilisant toute la panoplie des dispositifs juridiques disponibles : barrières tarifaires et non tarifaires, régime de licences et monopoles, restrictions quantitatives, voire interdictions pures et simples.
Un nouveau stratagème est même venu s’ajouter à cet arsenal. Il s’agit de l’introduction des importations sans paiement, à travers la légalisation du commerce dit du « cabas », expression d’une économie informelle rampante.
Cette stratégie, dictée non par une vision économique mais par une logique de survie du régime, engendre inévitablement pénuries, tensions sociales et effondrement du pouvoir d’achat.
Fidèle à sa nature autoritaire, le pouvoir reporte le coût de ses errements sur la population. Ainsi, dans l’Algérie post-Hirac, de nombreux produits de l’importation, à l’instar des pièces détachées, sont devenus soit introuvable, soit hors de portée, leurs prix ayant été parfois multipliés par dix.
C’est seulement dans ces phases de stress financier que le pouvoir se rappelle soudainement l’existence d’un secteur privés qu’il appelle à son secours. Il attend désormais que ce dernier, qu’il a lui-même poussé au démantèlement par l’insécurité juridique, l’instabilité macroéconomique et une hostilité structurelle, vienne amortir les effets de la crise, combler les pénuries et suppléer à la défaillance de l’État.
Il s’agit là d’une fuite en avant, celle d’un régime qui, après avoir saccagé les instruments de sa propre résilience, en appelle à ceux qu’il a marginalisés pour réparer ce qu’il a lui-même détruit.
Hamid Ouazar, ancien député de l’opposition