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Algérie : « Un ministre, ça ne travaille pas, ça s’occupe » (*)

Au lendemain de l’indépendance, la petite bourgeoisie algérienne voit toutes ses possibilités d’ascension ouverte. Elle prend le pouvoir à un moment où l’Etat  est fragile. Elle n’a pas meilleure opportunité que de s’investir dans l’appareil de l’Etat post-colonial.

Cet Etat post-colonial est venu se greffer sur les restes de l’administration coloniale française en Algérie. Il est composé d’individus titulaires d’une fonction dont il semble en être propriétaires. Les pratiques de cooptation  qui prévalaient durant la guerre de libération ont survécu après l’indépendance.

Ces pratiques fonctionnent toujours à tous les niveaux de la pyramide politique et économique du pouvoir. Ce comportement s’explique par la volonté des responsables militaires de trouver chez les élites intellectuelles, la compétence technique ou économique qui leur manque pour la gestion des administrations et des entreprises publiques. Cependant, cette collaboration est astreinte à une seule condition : la soumission des intellectuels à la suprématie politique des dirigeants militaires issus de la guerre de libération nationale ».

L’adhésion à l’idéologie populiste et à la soumission aux chefs historiques, sont les conditions nécessaires à l’intégration dans la hiérarchie. Entre, rester en marge ou participer à la nouvelle société, la majorité choisit  la seconde solution, au prix d’une mutilation d’ailleurs compensée par les « avantages du pouvoir ».

Dans le comportement de cette couche au pouvoir, vont être privilégié, les réseaux des relations personnelles, de clientèle et de compagnonnage. De plus, toute position du pouvoir est indissolublement une positon d’enrichissement et des redistributions matérielles par les avantages personnels qu’elle procure.

L’assistance et le soutien politique des périphéries, autrement dit, la pérennité du statut et de l’autorité des leaders politiques ne dépendent que de la capacité de ces derniers à mettre en circulation et à distribuer une certaine masse de commodités matérielles. Il s’agit d’un système clientéliste fonctionnant  sur la base de loyautés qui ne requièrent aucune croyance dans les qualifications personnelles du leader mais sont très étroitement associés à des incitations et à des récompenses.

La concentration entre les mains de la puissance publique de la rente énergétique  et son intervention directe  dans l’activité économique au nom de l’unité et la souveraineté nationale, a permis l’élargissement du secteur public.

Pour se reproduire, le pouvoir est obligé de produire du clientélisme. Le clientélisme occupe une place importante dans les mutations sociales dont l’enjeu principal réside dans le contrôle de l’Etat. Le clientélisme ne peut être viable et notamment rétributif que s’il se greffe sur les structures étatiques.

Il perpétue une situation de domination basée sur un accès inégal aux ressources et au pouvoir. Le contrôle de l’Etat et de son administration sont un enjeu capital sinon vital. L’enjeu réside  dans une maîtrise de l’appareil de l’Etat par le biais d’une main mise sur les centres principaux d’allocation des ressources.

Ainsi, la couche sociale qui maitrisera l’administration disposera d’un redoutable instrument du pouvoir. Le modèle administratif hérité de la colonisation ne subit aucune transformation majeure, il demeure fondamentalement centralisé.

Une bourgeoisie d’Etat qui se transforme au fil des années et des sommes amassées en une bande mafieuse faisant fi de l’éthique et de la déontologie professionnelle des éléments qui la composent.

La personnalité de chacun se fond et se confond avec le groupe. A chaque fois que l’on fait de l’Etat ou d’une petite élite, riche et puissante et non de la société toute entière, le principal acteur du développement, on suscite l’apathie générale du corps social et les citoyens se détournent  des structures sociales et politiques organisées.

Les procédures d’inclusion ou d’exclusion dans les élites, produits d’une rationalité méritocratique piégée par le clanisme, le clientélisme et le compagnonnage n’ont plus ni légitimité, ni fonctionnalité socio-économique. Rompre avec ces positions de facilité nous semble être un préalable à la promotion d’une économie productive et à l’instauration d’une légitimité d’actions.

Ces propos semblent radicaux par leur charge affective mais ne manquent pas de réalisme. Néanmoins, ils ont l’avantage de mettre l’accent sur la responsabilité des hommes devant conduire le destin de la nation.

Un des défis majeurs à relever à relever à l’aube de de troisième millénaire est de tenter de mettre le pays et la population à l’abri des décisions géostratégiques qui se dessinent sur la carte des états-majors des puissances étrangères. La famine sera le critère de sélection biologique des peuples au droit à la survie. La disparition d’une société commence quand l’homme se demande « que va-t-il arriver ? » au lieu de dire « que puis-je faire ? ».

Dr A. Boumezrag

(*) Le titre est une citation de Joseph Schloesser

 

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