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Amar Ouyakoub : entre théâtre, cinéma et chanson

Impérieuse culture du terroir 

Amar Ouyakoub : entre théâtre, cinéma et chanson

Amar Ouyakoub c’est plus de 500 sketchs, 50 pièces de théâtre et une multitude de seconds rôles de figuration au cinéma. On se rappelle notamment son personnage dans « les folles années du twist » (un film cocasse à voir sur YouTube) aux côtés de Mustapha El-Anka et Jacques Villeret.

Mais ce qui est moins connu dans la carrière de cet immense artiste, c’est son répertoire de chansons, pour la plupart satiriques, parmi lesquelles « aɣrum », « aberkan uqqeru », « taḍṣṣa buglen », « tuyat (el-piston) », etc.

Biographie

Originaire du village Ath-Yakoub, commune d’Irdjen, Ammar Ouyacoub, de son vrai nom Amar Mechiak, est né le 27 juillet 1910 au village Tala-Amara (Commune de Tizi-Rached, Tizi-Ouzou). 

Il a fait ses débuts dans le domaine artistique en 1930-1932 au sein de la société El Moutribia. 

A douze ans, il quitte son village natal pour Alger. Amar Banjo lui apprend à jouer de la guitare, et quelques années plus tard, Cheikh Noredine le recrute comme musicien à la rue Berthezène, chez Madame Lafarge, propriétaire d’une station de radio, l’ancêtre de la chaine 2 actuelle. Les cachets étaient tellement insignifiants et la diffusion des chants kabyles limités à 30 minutes par semaine qu’il finit par abandonner la musique. 

En 1938, il se marie au village et revint à Alger. Abandonnant les « Mahchachat » (*), il devient marchand ambulant dans les souks de Bab J’did, El Harrach etc, jusqu’en 1950.

Après Cheikh Nourredine, Amar Ou Yaâkoub a été l’un des premiers chansonniers à la radio, à Alger. Dans ses nombreuses pièces du genre satire, il a chanté le monoprix (1955) de la rue d’Isly (l’actuelle rue Ben M’hidi). Cheikh Nourredine, lui propose alors de participer à deux émissions en tant que musicien et chanteur dans une émission hebdomadaire. Entretemps, il s’installe avec sa famille à Léveilley (actuelle El Magharia), à quelques kms d’Alger. 

Sa première chanson enregistrée « Aka Idus Ula Di Tegmat Nxus » -une chanson sur la perte des valeurs morales- date de 1950. Mais c’est « Youpi Dada » (1952) qui eut le plus de succès. Elle évoquait l’atmosphère électrique du chant de course de Kharrouba. 

De 1950 à 1960, il chante le comique et le religieux, et après l’indépendance, il s’intéresse au théâtre et au cinéma. Il produit plus de 500 sketches et 50 pièces de théâtre, dont « L’amère vengeance de Clytemnestre ». Il a tenu des rôles de simple figuration dans une cinquantaine de films dont « Les oliviers de la Justice » (1962) de Jean Pélégri, « Fin de grève » (1992) de Hadj Rahim, « El Hariq » (1974) de Mustapha Badie, et « Les folles années du twist » (1983) de Mahmoud Zemmouri.

Encore un géant disparu dans un anonymat sidérant puisque, malgré tous les efforts du monde, nous n’avons même pas pu retrouver la date de sa disparition, encore moins quelconque hommage digne de ce nom.

Pour vous donner une idée du caractère satirique de ses productions, ces quelques vers de la chanson « aɣrum », ainsi que la piste audio : 

Le pain, le pain

C’est le remède pour cette satanée bedaine

Le pain, le pain

Il nous fait voir toutes sortes de peines

 

Il n’y a rien de plus cher pour moi

Que le couscous et le pain

Pour que mon ventre soit en paix

Car tous les jours il a faim

 

Le pain, le pain

Pour lui nous galopons tous les jours

Il nous en fait voir de toutes les couleurs 

Que l’on soit jeune ou vieux

 

Quand le ventre se met à gazouiller

Son seul remède c’est le pain

Parfois ses voies sont si étonnantes

Qu’il transforme le gentil en méchant

Façon comme une autre de s’amuser de la famine qui régnait en ces temps de disette collective.

(*) Mahchacha : qualificatif qui désignait jadis ce lieu où on s’adonnait à la consommation du hashish (cannabis). Ces cafés de fortune fleurissaient un peu partout dans les quartiers de la capitale durant le mois de ramadan. On y déguste du thé au clou de girofle, à la menthe sèche, au citron pressé ou à l’eau de rose, servi avec de la zlabia, du halwa-turc ou de la halqouma. Jusqu’à tout récemment, on retrouvait de telles atmosphères de convivialité dans des garages et autres barraques de fortune. 

Auteur
Kacem Madani

 




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