Il aura fallu une polémique nationale pour que le ministre de l’Éducation nationale, Mohamed Seghir Saâdaoui, daigne reconnaître officiellement les efforts des acteurs de terrain.
Ce jeudi 24 juillet 2025, le ministre a organisé une cérémonie au siège de son département pour honorer les directions de l’éducation des wilayas ayant obtenu les meilleurs résultats aux examens du Brevet (BEM) et du Baccalauréat, session juin 2025. Un geste qui arrive après la tempête… et qui peine à convaincre.
Ce sont les wilayas de Tizi-Ouzou, Béjaïa, Jijel et Relizane qui ont été mises à l’honneur. Tizi-Ouzou, en tête des classements dans les deux examens, s’est vue saluer – enfin – pour son excellence. Il y a quelques jours à peine, pourtant, le ministre se distinguait par une déclaration à contre-courant, affirmant que les classements par wilaya étaient peu significatifs, suscitant un tollé dans les milieux éducatifs et politiques, notamment à Tizi-Ouzou. Le président de l’APW de la wilaya avait d’ailleurs sèchement répliqué à ces propos, les qualifiant d’ »injustes et dénigrants ».
Face à la vague d’indignation, le ministre semble avoir changé de cap. En invitant les directeurs de l’éducation des trois premières wilayas ainsi qu’un représentant des écoles des cadets de la Nation, Saâdaoui tente une opération de rattrapage. Dans son discours, il a souligné la nécessité d’ »étudier les expériences réussies pour en faire des modèles nationaux » et salué l’engagement collectif des enseignants, élèves, parents et cadres administratifs. Une reconnaissance bienvenue, mais trop tardive pour être pleinement crédible.
Un geste politiquement maladroit
Au lieu d’un hommage spontané et sincère, la cérémonie ressemble à une réponse précipitée à la crise qu’il a lui-même déclenchée. En essayant d’éteindre le feu, le ministre alimente le soupçon d’un calcul politique, voire d’un mépris initial à peine masqué pour certaines régions. Son revirement soudain donne l’image d’un responsable naviguant à vue, sans ligne pédagogique claire ni stratégie de communication cohérente.
Le choix du timing interroge également. Pourquoi attendre près d’un mois après les résultats pour organiser une telle reconnaissance ? Pourquoi cette hésitation à saluer des performances objectivement remarquables ? Le sentiment d’un hommage contraint – et non assumé – s’impose.
Une institution militaire exemplaire, mais à part
À noter aussi le traitement particulier réservé à la Direction des écoles des cadets de la Nation, rattachée au ministère de la Défense. Elle aussi a été honorée pour ses résultats remarquables. Le ministre a saisi l’occasion pour adresser un message appuyé de gratitude au ministre délégué auprès du ministère de la Défense, soulignant « la qualité du suivi pédagogique » au sein de ces établissements. Une distinction méritée, mais qui renforce le contraste avec la gestion moins cohérente de l’enseignement civil.
Un ministère en quête de légitimité
En somme, ce geste du ministère s’inscrit dans une tentative de restaurer une légitimité entamée. L’école algérienne, en crise chronique de moyens et de cap, a besoin de signaux forts. Or, ce genre d’initiatives – surtout lorsqu’elles sont maladroitement tardives – ne suffisent pas à rassurer les enseignants ni à mobiliser les élèves. La reconnaissance du mérite doit être constante, et non soumise aux pressions de l’actualité ou aux réactions politiques.
En reconnaissant l’excellence après l’avoir relativisée, le ministre espère tourner la page. Mais il lui faudra plus qu’une cérémonie officielle pour regagner la confiance d’une communauté éducative en quête d’écoute et de cohérence.
En définitive, le ministre Saâdaoui aura beau multiplier les gestes et les déclarations pour tenter de réparer sa maladresse, sa crédibilité en sort durablement entamée. Reste à savoir ce que fera Abdelmadjid Tebboune d’un ministre aussi encombrant, idéologiquement clivant, et dont les sorties risquent de ternir l’image d’un chef de l’État soucieux de se montrer à l’écoute du peuple.
Sofiane Ayache