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Atmane Mazouz commente une déclaration du général Saïd Chanegriha

Atmane Mazouz

Atmane Mazouz

L’assertion du Ministre délégué auprès du ministre de la défense nationale, chef d’État-Major de l’Armée nationale populaire— « Développer une pensée critique sociétale permet d’éviter de tomber dans le piège de la propagande » — mérite d’être considérée et analysée.

Elle traduit, sur le fond, une reconnaissance précieuse de la nécessité pour la société algérienne de s’armer par la diversité des opinions et intellectuellement face aux manipulations et aux discours simplistes. Cette prise de position, nous l’espérons sincère et surtout porteuse de changements concrets sur le terrain.

Toutefois, cette déclaration prend une dimension paradoxale lorsqu’on l’examine à l’aune de la situation actuelle du pays : l’espace politique est verrouillé, les libertés publiques sont restreintes, la presse nationale souffre d’un discrédit profond, et l’opinion est trop souvent enfermée dans un cadre de communication institutionnelle figé et stérile. La contradiction est criante : on appelle à la pensée critique tout en asséchant les conditions mêmes de son émergence.

Devant une pensée critique bridée par l’autoritarisme, la développer suppose l’existence d’un environnement favorable à la libre expression, au débat d’idées et à la circulation des opinions. Or, dans une Algérie où les médias indépendants sont réduits au silence, où les partis d’opposition sont marginalisés, et où la société civile est suspectée par défaut, les fondements de cette pensée critique sont méthodiquement sapés.

La dénonciation de la propagande étrangère revient fréquemment dans les discours officiels. Mais elle sonne creux dès lors que les canaux médiatiques nationaux eux-mêmes se transforment en instruments de propagande gouvernementale, incapables de susciter l’adhésion populaire. Le désintérêt croissant des Algériens pour les médias locaux est un symptôme clair : ce n’est pas l’influence étrangère qui séduit, c’est le vide laissé par un paysage médiatique déconnecté de la réalité.

L’étouffement de l’espace politique dont le RCD -un parti de tradition démocratique et républicaine- est la première victime par la marginalisation symbolise une volonté d’éliminer toute voix autonome et critique de la scène politique. Le pouvoir semble vouloir régner dans un champ politique aseptisé, privé d’alternatives crédibles, où seules « survivent » des formations inertes ou inféodées. Cela trahit une peur du pluralisme et un refus d’assumer la diversité d’opinion comme richesse nationale.

Si la pensée critique est désormais reconnue comme un atout stratégique pour la stabilité du pays, alors il faut avoir le courage d’en tirer les conséquences : Réouvrir les espaces médiatiques et garantir l’indépendance de la presse, réhabiliter les partis politiques de terrain, véritablement représentatifs, sans exclusive ni calcul, protéger les libertés d’expression, de réunion et d’organisation et favoriser un débat public transparent et respectueux.

Nous voulons croire que les paroles du chef d’état-major ne sont pas de simples effets d’annonce, mais le signe d’un constat dangereux et d’une volonté d’ouverture réelle. Le moment est venu de passer des intentions aux actes, et de créer enfin les conditions où chaque citoyen algérien pourra exercer sa pensée critique sans crainte ni censure. C’est à ce prix seulement que l’Algérie échappera à la propagande — quelle que soit son origine — et retrouvera le chemin de la confiance et de la souveraineté populaire.

La liberté et l’esprit critique sont les meilleurs boucliers contre la manipulation et la propagande.

Atmane Mazouz

Président du RCD

Alger, le 30 avril 2025

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