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« Attaquer la terre et le soleil » : poncifs et approximations à la pelle !

Mathieu Belezi

Lecture du roman Attaquer la terre et le soleil. Nous vivons vraiment dans un monde d’ignares, où d’habiles romanciers racontent n’importe quoi dans des romans se voulant historiques. 

Si l’auteur, Mathieu Belezi, Limousin de 70 ans qui en enseigné en Louisiane et a voyagé en Asie, avait au moins mis les pieds en Algérie et s’était contenté d’un conte, vu la puissance de son verbe, sobre, j’aurais pu accrocher.

Encore que ces phrases interminables, sans points, en méprisant la règle des paragraphes, sont finalement lassantes, comme une logorrhée qui n’a rien à voir avec les défis et contraintes de l’OULIPO. Cette œuvre est l’acte final d’une trilogie consacrée à une Algérie que Mathieu Belezi ne connaît pas.

Le drame c’est que petit roman aux citations historiques en italiques, non référencées (auteurs inconnus donc), a été sanctifié par les bobos qui agitent le Landernau médiatique. En effet, ce salmigondis a reçu les saintes huiles : Prix Goncourt des lycéens et Prix littérature du Monde en 2022 et Prix du Livre Inter 2023. Ite missa est !

Fondé sur le récit d’une femme de colon qui finit, écœurée par la rudesse du pays, par rembarquer, et les exhortations au massacre d’un capitaine fou, ce roman à deux voix se situe en 1848 et 1849, et non en 1845 comme je l’ai lu dans des critiques fort élogieuses. En effet, il y est question de la République, et non de la Monarchie de Juillet. J’ai passé mon temps à faire des bonds, tant sont gros les poncifs et les énormités.

L’auteur n’en loupe aucun, il confond Arabes et Berbères, ne sait pas ce qu‘est un « douar » ou un « fondouk » dont ils emploient les noms pour situer des actions improbables… Une telle méconnaissance, c’est à se demander s’il ne le fait pas exprès ! Les Algériens sont équipés de… yatagans ! Ils sont tous misérables, invisibles, stupides, sans nom, sanguinaires, dans une sorte de Meursault, contre-enquête à l’envers. L’action se déroule dans la région de Bône (Annaba), et on a droit aux attaques de lions du désert, de panthère… J’ai appris qu’il y avait aussi des vipères à cornes et un désert de sable, dans l’arrière-pays bônois !

Certes, les misères et angoisses vécues par les premiers colons dans les villages de colonisation sont bien décrites, mais l’auteur loupe la question des déportés en Algérie de 1848, après la répression des Ateliers nationaux. En fin de volume, là trop c’est trop en prenant les Arabes pour des Sioux ! On n’échappe pas à l’attaque du village, cerné de remparts, par des cavaliers arabes. Et j’ai fini par rire quand ces malheureux colons sont sauvés par un escadron de cavalerie, dans la plus pure tradition du western !

Quant au capitaine d’infanterie fou, à noter la faute de placer le sinistre épisode des enfumades du Dahra dans la région de Bône. Dans les massacres décrits, j’ai pu retrouver des récits des horreurs commises après le débarquement de Sidi-Ferruch en 1830, les ordres de Bugeaud, la sanglante conquête des deux Kabylie et la colonne infernale du colonel de cavalerie Fourchault, en 1871 en Grande Kabylie.

Qu’un simple capitaine fasse tout cela en même temps, qui plus est sous la Deuxième République, n’est pas crédible.

Ce roman, hélas, a été lu et apprécié par des lycéens au moment où la guerre d’Algérie est au programme de terminale. C’est préoccupant. Une telle œuvre, qui tient du pastiche et du mauvais comique troupier malgré la qualité du style, entretient plus la haine que la compréhension de la douloureuse conquête de l’Algérie.

Jules Roy, revient, au secours !

Jean-Charles Jauffret

Mathieu Belezi (alias Gérard-Martial Princeau), Attaquer la terre et le soleil, Le Tripode, septembre 2022, Liseuse Fnan, 210 p., 05/20.

 

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