Au besoin, l’anglais !
Après la circulation fulgurante ces jours-ci d’une rumeur selon laquelle le département ministériel chargé de l’Éducation s’apprête à instaurer l’enseignement de la langue anglaise à partir de la 3e année primaire dès la prochaine rentrée scolaire, le débat sur les langues en Algérie revient avec force, notamment dans la sphère éducative.
Une fois de trop, le français est dans le collimateur de ses réfractaires. Ces derniers croient au pouvoir magique de l’anglais qui se présente désormais comme le kit de survie pour sauver ce qu’il reste à sauver dans cette Éducation prodiguée à environ huit millions d’élèves algériens.
Les tenants de cette opinion soutiennent que l’anglais procurera à l’Algérie et aux Algériens plus de chances pour rejoindre le train de la modernité. Et pourtant, le rapport entre langue et progrès n’a pas été, pour autant que je sache, encore prouvé scientifiquement, si ce n’est une question de visibilité à l’échelle planétaire. Une visibilité régie toujours, faut-il le rappeler, par la loi du plus fort.
L’heure, aujourd’hui, est au polyglottisme. Entreprendre une modernisation par anglicisation plaide donc en faveur de l’uniformisation du monde, ce qui constitue en lui-même un danger majeur selon qu’il nie la diversité et empêche toute tentative de multiplier un même à l’aide des moules linguistique et culturels présents et fort différents surtout.
Par ailleurs, il faut savoir que se servir d’une langue demeure relatif à ce dont on partage avec notre voisin de proximité ou de lointain. Le monde n’est soumis à l’obligation de parler l’anglais que lorsqu’il en éprouve le besoin. De surcroît, parler anglais ou français ou n’importe quelle autre langue n’est, en soi, pas non plus une preuve d’intelligence. Il en est ainsi pour l’Algérie et les Algériens.
Nous, les Algériens, sommes appelés à nous servir de la langue qui servirait le mieux nos affaires. Il incombe donc à chacun de nous de se faire une définition des plus claires possible de ce qui pourrait être le plurilinguisme et/ ou le polyglottisme lui convenant pour pouvoir en tirer profit le temps de son existence.
« La langue suit, naturellement, l’action politique »
Cela dit, l’Algérie est plus que jamais tenue à dresser les contours d’une nouvelle politique linguistique allant avec les besoins et intérêts suprêmes de la société algérienne ou Nation comme le préfèrent certains. Pour voir le jour, cette politique doit en premier lieu rompre avec l’obscurantisme avec ses multiples facettes que les décideurs sont en train d’imprimer à la société. Revoir alors le statut de l’anglais à l’école ainsi que dans la société est synonyme d’une réforme qui doit être confiée à son milieu naturel et non régie par des textes et des ordonnances selon l’âge de l’ordonnateur.
Notre vérité à nous est là : notre Éducation plurilingue souffre. Et pour la faire guérir, apprenons à planifier les choses et prévenir le futur pour garder une marge de manœuvre assez importance au cas où les actes ne suivraient pas les bonnes volontés.
En effet, envisager les choses de la sorte va devoir d’abord nous faire éviter que celles-ci évoluent dans l’anarchie ; ensuite, avoir du temps pour mesurer l’ampleur de telle entreprise ainsi que sa portée à court, à moyen et à long terme ; enfin, pour réfléchir aux modalités de sa mise en œuvre. Pour faire aboutir ce projet, il serait judicieux de construire à partir du passé ; c’est-à-dire tirer les enseignements qu’il faut. Car entreprendre une action d’une ampleur pareille, rappelons-le, implique la réponse à de nombreuses questions notamment : pourquoi changer ? Comment changer ? Quel produit pour ce changement ?…
Sur un autre plan, il ne faudra cependant pas omettre aussi qu’une bonne politique linguistique est un formidable outil de participation à la mondialisation et partant un levier au développement durable. Ce faisant, nous pourrons parler d’innovation digne de nom, c’est-à-dire, au sens le plus sublime du terme.
Cette innovation préconise, après conception, la participation des principaux protagonistes d’abord pour adopter la nouvelle manière de voir et de concevoir le monde autour suivant les attentes ; ensuite, la mettre en pratique, c’est-à-dire la vivre. C’est en cela que cette innovation formera la panacée pour éviter un saut dans l’inconnu ; pour que ne nous disions pas également par la suite que l’Histoire est un éternel recommencement, mais surtout pour que l’Histoire elle-même ne retienne pas que l’Algérie est une mauvaise élève.
Dr H. Belkacem
1- L’être humain en tant que tel : un être en chair et en os (Benoit, 2008).