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Au cœur du pouvoir : force, fric et flou

Tebboune-Chanegriha

Le pouvoir, dans ses démembrements, a plongé le pays dans une ère de glaciation.

La célèbre citation de Jean-Paul Sartre, « On s’empare du pouvoir par la force, on la garde par l’argent et on le perd par son abus », résonne profondément dans le contexte algérien.

Depuis l’indépendance en 1962, cette réflexion éclaire les dynamiques complexes du pouvoir, révélant les interconnexions entre violence, argent et ambiguïté qui caractérisent la gouvernance en Algérie.

Un pouvoir conquis par la force

L’Algérie a accédé à son indépendance après une guerre de libération sanglante, où la force était le principal levier des mouvements nationalistes, notamment le Front de Libération Nationale (FLN). Ce combat héroïque a symbolisé un espoir de justice et d’égalité, promettant un avenir meilleur pour les Algériens. Cependant, la victoire militaire a laissé des cicatrices profondes. Les défis de la construction d’un État stable et universitaire se sont rapidement imposés, transformant le rêve d’un pays libre en une réalité complexe marquée par des luttes internes et des tensions sociales. Les divisions ethniques, régionales et politiques sont devenues des obstacles majeurs à l’unité nationale, posant la question de la véritable légitimité du pouvoir établi.

Le maintien du pouvoir par l’argent

Dans les années qui ont suivi l’indépendance, le nouveau gouvernement algérien a dû faire face à des défis économiques colossaux. Pour stabiliser le pays, il a nationalisé ses ressources, principalement le pétrole et le gaz, en utilisant ces richesses comme des outils de maintien du pouvoir. Si l’argent des ressources naturelles a permis de financer des programmes sociaux et de développer des infrastructures essentielles, cette concentration de richesse a également favorisé la corruption et le népotisme, ouvrant la voie à une gouvernance contestée.

Dans cette dynamique, la métaphore de la relation entre un maître et son animal domestique émerge avec force. L’animal, par définition, est dépendant de son maître pour sa survie et son bonheur. Dans le cadre de la gouvernance, cette analogie soulève une question cruciale : qui est vraiment au service de qui ? Lorsque le pouvoir se perçoit comme le maître, la dépendance du peuple devient une forme de contrôle plutôt qu’une source de responsabilité partagée.

À partir des années 1980, les abus de pouvoir, la répression et la mauvaise gestion économique ont commencé à éroder la légitimité du gouvernement. La guerre civile des années 1990, marquée par des violences insupportables, a révélé les tensions accumulées face à un pouvoir perçu comme déconnecté des réalités du peuple. Loin des distinctifs d’émancipation, la réalité a donné lieu à une lutte sanglante pour le contrôle du pays.

Tout comme un animal maltraité ou négligé peut manifester son mécontentement, un peuple opprimé peut se soulever contre un pouvoir qui ne le sert pas. Le mouvement Hirak, lancé en 2019, incarne cette révolte populaire, où des millions d’Algériens ont exigé justice, dignité et reconnaissance de leurs droits fondamentaux. Ce mouvement a rappelé que la dépendance ne doit pas se transformer en soumission, et que la voix du peuple peut se faire entendre, brisant ainsi les chaînes d’un pouvoir tyrannique.

Une responsabilité partagée

Le maître, en prenant soin de son animal, incarne la responsabilité. Tout comme un bon maître doit veiller à la santé et au bonheur de son animal, un gouvernement doit être attentif aux besoins et aspirations de son peuple. Cette responsabilité est essentielle pour bâtir une société harmonieuse. Un maître qui néglige son animal engendre la souffrance, tout comme un gouvernement qui ignore les voix de ses citoyens court à sa propre perte.

À l’aube de nouvelles aspirations, il est impératif que les leçons du passé soient comprises et intégrées dans la quête d’un avenir plus juste. La voix de la jeunesse, porteuse de nouvelles idées et d’une volonté de changement, doit être entendue et valorisée. Cela nécessite un engagement authentique de la part des dirigeants politiques, qui doivent reconnaître leur rôle crucial en tant que serviteurs du peuple.

Dans une relation équilibrée, tant l’animal que son maître bénéficie de leur coexistence. L’animal apporte joie, réconfort et loyauté, tandis que le maître offre sécurité et affection. De même, une gouvernance efficace repose sur une relation harmonieuse entre le pouvoir et le peuple. Lorsqu’un gouvernement écoute et respecte les besoins de ses citoyens, une véritable synergie se crée, permettant à la société de prospérer. Cela exige une transparence totale dans la gestion des affaires publiques et une volonté d’engager un dialogue constructif avec la population.

Un appel à l’action  

Pour concrétiser cette vision, il est essentiel de cultiver un esprit de solidarité au sein de la population. Chaque citoyen doit comprendre qu’il a un rôle actif à jouer dans la construction de la société. Cela passe par l’engagement dans des initiatives communautaires, la participation à des débats publics et la défense des valeurs démocratiques.

Il est également nécessaire que les dirigeants politiques prennent conscience de leur rôle crucial. La véritable légitimité vient du respect des droits du peuple et de la transparence dans la gestion des affaires publiques. Un gouvernement qui ne répond pas aux besoins de ses citoyens perd non seulement sa légitimité, mais met également en péril l’avenir du pays. Cela nécessite un changement de mentalité, où la politique est envisagée comme un service au public et non comme un outil de contrôle.

L’importance de la liberté

Cependant, rappelons-nous ce proverbe africain qui dit : « Heureux celui qui n’a pas d’âne, il ne s’occupe ni de son orge ni de sa paille. » Cette sagesse traditionnelle souligne l’importance de la liberté et de l’autonomie. Lorsque le peuple est libéré de la tyrannie et des abus de pouvoir, il peut se concentrer sur son bien-être et son développement.

Cette idée nous amène à réfléchir sur la manière dont nous percevons le pouvoir. Un gouvernement efficace doit permettre à ses citoyens de prospérer sans être accablés par les exigences et les abus du pouvoir. Le véritable bonheur réside dans la capacité de vivre sans contrainte, où chacun peut s’épanouir et contribuer à la société sans être alourdi par une « âne » oppressive.

Vers un avenir meilleur

La métaphore de l’animal domestique et de son maître, bien qu’évoquant une relation de dépendance, met en lumière la nécessité d’une relation harmonieuse fondée sur la responsabilité partagée. Le pouvoir ne doit pas être un instrument d’oppression, mais un moyen d’améliorer la vie de tous les citoyens.

En résonance avec la pensée de Sartre, cette réflexion nous rappelle que chaque voix compte et que le chemin vers une Algérie prospère et juste exige un engagement collectif. Ce voyage vers la transformation est parsemé d’obstacles, mais avec détermination, solidarité et dialogue sincère, il est possible de construire une société où le pouvoir est véritablement au service du peuple, et où chaque citoyen a la possibilité de s’épanouir.

C’est ensemble, dans la reconnaissance de notre humanité partagée et de notre désir de justice, que nous pouvons réaliser cette vision d’un avenir meilleur pour l’Algérie, où le fardeau du pouvoir ne sera plus une contrainte, mais une opportunité de Bâtir un pays de liberté et d’équité pour tous.

Dr A. Boumezrag

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