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Au-secours, Wauquiez veut rétablir les bagnes !

Bagne

Lorsque j’ai entendu cette information, j’étais dans l’embarras car j’hésitais entre la colère et l’apoplexie de rire tant elle était hors de toute rationalité.

Le candidat à la présidence du parti Les Républicains, Laurent Wauquiez, déclare souhaiter que les personnes frappés d’une OQTF (Obligation de quitter le territoire français) et considérées comme dangereuses soient « enfermés » dans le territoire ultramarin, Saint-Pierre-et-Miquelon, un archipel français situé à proximité du Canada sur sa côte atlantique.

Après ce moment de sidération, nous avons tous compris que la déclaration n’était pas seulement une déclaration d’humeur. Laurent Wauquiez veut l’ouverture d’un nouveau Gantanamo. 

Et spontanément me revient le visage effrayé de ma grand-mère lorsqu’elle prononçait un mot que nous ne comprenions pas sur le moment vu notre jeune âge. Les mains plaquées sur le visage, celui de la frayeur, le mot sortait sans aucun autre commentaire sinon, quelques instants après, avec la même intensité, « la justice rouge ! ».

Nous comprendrons plus tard qu’il s’agissait du sinistre bagne de la Nouvelle Calédonie, ce pays si lointain qu’il n’était possible de localiser que dans son esprit. Chacun ne peut ignorer que l’Algérie était une colonie française, la Nouvelle Calédonie avait reçu donc des centaines de résistants algériens condamnés aux travaux forcés, parfois à perpétuité. 

Quant à la justice rouge, sa qualification faisait référence à la robe rouge des juges de la cour d’assises, une couleur qui rajoute à la terreur. 

On peut opposer à la proposition inattendue de Laurent Wauquiez trois remarques. Elle est le retour à une barbarie ancienne qu’avait connue le système judiciaire français, une stupidité dans la croyance en sa faisabilité, une insulte aux populations locales de Saint-Pierre-et-Miquelon et enfin, une hypocrisie flagrante qui dissimule une raison inavouée mais tellement évidente.

Les bagnes coloniaux français sont instaurés par une série de décrets en 1852 et 1853 complétés par la loi de Transportation de 1854. Ils ne sont abolis qu’en 1938 (pour la déportation vers le bagne), et définitivement supprimés en 1945 (pour la détention au bagne). 

Parmi les centres de bagne, les deux plus connus étaient ceux de Cayenne et de la Nouvelle Calédonie. Le fameux Caldoune dont le nom sortait de la bouche de nos grand-mères avec terreur (bien que cela soit le fait de tous, ma seule référence aux grands-mères provient de la stupéfaction encore plus ressentie sur les visages de ces pauvres femmes).

Nul autre écrivain n’avait jamais autant bien décrit l’horreur bestiale que Victor Hugo à travers son si célèbre personnage dans les Misérables, Jean Valjean. Puis ensuite par le récit sur le capitaine Dreyfus mais avec d’autres considérations et descriptions.

Les propos de l’homme politique sont abjects pour sa justification du choix du lieu, l’archipel se trouve à 4000 kilomètre de la France, ne fait pas partie de l’espace Schengen et ajoute-t-il : « Il fait 5 degrés de moyenne pendant l’année, 146 jours de pluie et de neige. Je pense qu’assez rapidement, ça va amener tout le monde à réfléchir et préférer le retour dans leur pays».

Voilà le retour en arrière dans le sinistre passé dans lequel veut nous renvoyer l’homme politique. La parole de Laurent Wauquiez est ensuite d’une immense stupidité. La population de Saint-Pierre-et-Miquelon ne compte pas plus de 6000 habitants alors que le nombre des personnes condamnés à un OQTF et jugées dangereuses est trop important.

Il faut aussi imaginer que le nombre de cellules est de onze. Enfin, seulement deux périodes par an de transport direct depuis la France. Il faudrait passer par le Canada, on comprend la difficulté que cela suppose.

Puis, Laurent Wauquiez insulte les populations locales. Offusquées, leur député, les élus locaux ainsi que le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, ont répondu que le territoire français n’avait pas vocation à être insulté de la sorte en étant considéré comme un dépotoir du système judiciaire français.

Enfin, la manœuvre est si grossière qu’on devine une hypocrisie qui ne trompe personne. Laurent Wauquiez qui se voyait depuis longtemps occuper le poste de président du parti Les Républicains se trouve aujourd’hui face à une concurrence qui le surpasse en popularité, celle du ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau.

Les deux, même s’ils sont restés fidèles à leur parti politique, ont toujours été positionnés à la frontière du Rassemblement National, avec des incursions fréquentes dans son territoire. Ils sont constamment dans la surenchère des idées d’extrême droite. C’est assez logique car le mot de déportation est un marqueur historique de ce mouvement d’idées.

Boumediene Sid Lakhdar

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