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BBNJ : la haute mer sera-t-elle enfin bien protégée ?

Pollution marine

L’entrée en vigueur en début de 2026 du traité international régissant la haute mer, où l’anarchie règne actuellement, est vue comme une grande avancée pour la protection des océans bien que plusieurs pays importants ne l’aient pas signé.

L’acceptation formelle requise de 60 pays permettant à la prise d’effet du traité sur la haute mer (BBNJ) a été atteinte le 19 septembre avec les ratifications de la Sierra Leone et du Maroc. Si tout va comme prévu, il devrait entrer en vigueur le 17 janvier 2026. Le texte qui a été finalisé le 4 mars 2023 lors d’une conférence intergouvernementale à l’ONU et adopté le 19 juin 2023 est un instrument juridique contraignant.

Une avancée extraordinaire

La mise en vigueur du traité peut être considérée comme une victoire du multilatéralisme environnemental. Il devrait imposer l’utilisation durable de la diversité biologique marine dans les zones situées au-delà des juridictions nationales. Lisa Speer du programme international sur les océans du Natural Ressources Defense Council affirme à ce sujet : « aujourd’hui nous célébrons une avance extraordinaire et importante pour nos océans. »

Ce texte permet désormais aux États de créer pour la première fois en haute mer des aires marines protégées. Il demande le partage juste et équitable des avantages tirés des ressources, la traçabilité, le partage d’informations et l’obligation de réaliser des évaluations d’impact environnemental avant toute nouvelle activité en haute mer.

Il vise aussi à mettre en place une coordination et une coopération étroite avec tous les organismes concernés pour s’assurer que les objectifs de conservation et d’utilisation durable de la haute mer soient bien pris en compte dans leurs plans de gestion.

Le traité impose à tous les navires souhaitant réaliser des activités de recherche en haute mer de faire parvenir une déclaration détaillée à un Centre d’échange et de lui transmettre un rapport sur leurs activités au maximum un an après la fin de ces dernières.

S’il atteint ses objectifs, ce traité pourrait contribuer à améliorer la santé et la résilience des océans au-delà des juridictions nationales. Puisque la haute mer représente près des deux tiers de la superficie des océans et couvre près de la moitié de la surface de la planète, les progrès en matière de conservation qui en résulteraient pourraient être véritablement historiques.

La directrice de la coalition d’ONG High Seas Alliance, qui fédère une cinquantaine d’organisations, Rebecca Hubbard, considère de bon augure que des pays de tous les continents aient signé. Cela montre, selon elle, un engagement de ces pays qui pourraient aider à l’application sur le terrain du traité.

Des écueils à l’horizon : l’anarchie en haute mer

L’engagement des pays signataires du traité à aider à son application sur le terrain serait une chose importante puisque certains des plus puissants États de la planète comme l’Inde, la Russie, la Chine, le Japon, les États-Unis et tous les pays du G7, à l’exception de la France, n’ont pas ratifié ce traité.

C’est en effet la mise en application de toutes ces nouvelles réglementations qui est la clé du succès. Or, actuellement, l’exploitation des ressources de la haute mer s’y fait sans contrôle. Le secteur privé, les acteurs illégaux et même plusieurs pays profitent de biens communs mondiaux de manière anarchique. La pêche illégale et la surpêche y constituent des problèmes majeurs dans un environnement où il n’y a pas de règles et où il y a peu d’incitation à dissuader ces activités.

Le vice-président sénior chargé des océans au Fonds mondial pour la nature, Johan Bergenas, commente à ce sujet : « les océans au-delà des frontières nationales constituent la plus grande scène de crime au monde. »

De plus, ce traité ne porte pas sur des aspects déjà réglementés par des institutions existantes. La gestion de la pêche restera donc régie en priorité par les organisations régionales de pêche. Les ressources minérales des fonds marins resteront aussi gérées par l’Autorité internationale des fonds marins.

Un autre problème que devront résoudre les personnes qui vont appliquer ce traité est que le financement de nombreux processus opérationnels relèveront en partie des pays qui l’ont signé et devront être négociés entre eux, ce qui est un long processus. Ils pourraient donc avoir à en payer certaines parties les concernant comme la surveillance des aires marines protégées qui seront en haute mer, donc très loin de leurs côtes.

Michel Gourd

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