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Bensalah-Gaïd Salah : Ne reste dans l’oued que ses cailloux

TRIBUNE

Bensalah-Gaïd Salah : Ne reste dans l’oued que ses cailloux

Que peut-on dire de plus à ceux qui tentent de concilier l’article 102 de la constitution actuelle  avec les articles 7 et 8 pour légitimer la continuité du système actuel ?

Aujourd’hui mardi 09 avril, ils ont préféré se ranger contre le peuple en désignant Bensalah comme président par intérim. Cette désignation signifie que le système autiste cherche à se maintenir tout en promettant qu’il respectera la volonté du peuple. Que n’a-t-on entendu ce genre de promesses ?

La première réaction est venue des étudiants qui ont marché dans de nombreuses villes universitaires; cependant à Alger, ils ont été réprimés. Le caractère pacifique du Mouvement populaire est-il en train d’être remis en cause par le pouvoir ? Espérons que non. Car sinon, la contestation risque de se radicaliser par des grèves ou par une désobéissance civile ; ce qui aggravera la situation et l’armée devra prendre ses responsabilités envers le peuple.

« Se méfier de l’eau qui dort », dit un proverbe

Rappelons à « ceux d’en haut » que depuis le 16 février, et surtout le 22 février 2019, l’eau qui dormait s’est mise en mouvement. Petit à petit, elle devenait un torrent emportant les déchets qui infestaient son lit. Le peuple et surtout la jeunesse, , qu’on croyait endormis, se sont mis en branle et pour devenir un mouvement populaire (appelé communément « hirak ») se chargeant de nettoyer le pays de tous les corrompus et prédateurs du système actuel. «Ne reste dans l’oued que ses cailloux», dit aussi un autre proverbe algérien.

Cependant, le peuple, après sept marches hebdomadaires pacifiques du vendredi, relayées par des marches sectorielles les autres jours, n’a pas encore terminé cette tâche de nettoyage mais il s’entête à le faire et il réussira.

   Ainsi la première solution (celle de l’article 102) adoptée  par le pouvoir ne répond pas au souhait du peuple comme l’ont montré les marches estudiantines de ce mardi 09 avril. En attendant, la grande marche du vendredi 12 avril, il faut dire que le peuple, en plus des articles 7 et 8 qu’on a collés à celui  102, sans pour autant dire comment, a encore comme armes l’article 12, qui est plus explicite, ainsi que le dernier paragraphe du préambule de la constitution. Faisons un rappel.

Chapitre II : du peuple

Art. 7. — Le peuple est la source de tout pouvoir.  

La souveraineté nationale appartient exclusivement au peuple.

Art. 8.  — Le pouvoir constituant appartient au peuple.  

Le peuple exerce sa souveraineté par l’intermédiaire des institutions qu’il se donne.   

Le peuple l’exerce aussi par voie de référendum et par l’intermédiaire de ses représentants élus

Le Président de la République peut directement recourir à l’expression de la volonté du peuple.

Chapitre III  De l’Etat

Art. 12. — L’Etat puise sa légitimité et sa raison d’être dans la volonté du peuple.  

Sa devise est «Par le Peuple et pour le Peuple».   

Il est au service exclusif du peuple.

Tandis que le dernier paragraphe du préambule de la constitution (de Bouteflika) stipule : « Ayant toujours milité pour la liberté et la démocratie, et attaché à sa souveraineté et à son indépendance nationales, le peuple entend, par cette Constitution, se doter d’institutions fondées sur la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques et qui réalisent la justice sociale, l’égalité et la liberté de chacun et de tous, dans le cadre d’un Etat démocratique et républicain. »

La solution « d’en haut »  ne passera pas car le peuple aussi est devenu « constitutionaliste ». Le slogan «dégagez tous » peut sembler anarchisant mais il montre surtout la colère de tout un peuple. Pour l’autre prônée par le mouvement de dissidence populaire, il est toujours possible de faire un compromis avec des gens propres, intègres et sincères ayant travaillé dans les institutions de l’état à condition que cela va dans le sens du souhait du peuple. Seule une solution qui satisfera ce dernier sera acceptée.

Dans cette perspective, des propositions fusent d’un peu partout (d’intellectuels, de politiciens, de simples citoyens …), et ont presque toutes la même démarche : installation d’un président ou une sorte de présidence collégiale, d’un gouvernement provisoire ou instance exécutive, renforcement des acquis du «hirak» tels les libertés fondamentales, l’indépendance de la justice etc., une conférence ou constituante, installation d’une commission indépendante pour préparer les élections et , enfin, une élection présidentielle. Après cela, le président se chargera de désigner et d’installer les personnes intègres et compétentes dans les institutions étatiques dont le fonctionnement devra être démocratique comme le souhaite le peuple. Par la suite, les luttes politiques seront ouvertes et transparentes, et de façon démocratique. Ce qui aboutira à une république démocratique nouvelle où la devise « Par le peuple et pour le peuple » pourrait être appliquée.

Mais comment réaliser cette tâche ? L’une des faiblesses du « hirak » est qu’il manque de représentants dans l’immédiat. Ceci est normal car c’est un mouvement horizontal avec toutes les catégories sociales qui, même ayant des revendications particulières différentes, ont pour le moment un seul objectif : dégager le système actuel.

Il est donc grand temps de discuter (car comme le dit un proverbe indien : «de la discussion jaillit la lumière ») en organisant des assemblées ou des réunions dans les lieux de travail pour les travailleurs, dans les universités pour les enseignants et étudiants, dans les quartiers pour les autres catégories. Il faut songer à intégrer les paysans qui semblent en dehors. Les associations et les syndicats peuvent déjà entamer le débat afin de suivre les événements, proposer des solutions, de faire émerger des représentants pour la transition et même pour les luttes à venir.  Dans les universités, les débats ont commencé et il faudra les accélérer pour aboutir à des revendications unitaires.

Ainsi, le fleuve ne sera pas détourné encore une fois 1) . La lutte continue car le chemin vers une république démocratique est encore long.

K. S.

Renvoi

« Le fleuve détourné « est un roman de feu  Rachid Mimouni où il raconte comment a été commis  le vol de la libération par la classe dirigeante contre le peuple algérien, en exploitant pour elle seule le fruit de l’Indépendance et notamment les richesses du pays, particulièrement le pétrole.

PS.  N’oublions pas de se solidariser avec le peuple soudanais qui depuis le mois de décembre s’est soulevé contre la dictature et qui est encouragé par le « hirak » en Algérie.
 

Auteur
Khélifati S., enseignant 

 




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