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Blanc ou noir,  il s’agit bien d’un coup d’Etat militaire

DECRYPTAGE

Blanc ou noir,  il s’agit bien d’un coup d’Etat militaire

L’injonction du vice-ministre de la Défense et chef des armées, Ahmed Gaïd Salah a bien eu en effet immédiat si l’on croit l’information relayée par la chaîne Echourouk news mercredi 27 mars (01).

Lorsqu’on donne un ordre à la frontière pour empêcher des hommes d’affaires ou des jets privés de quitter le territoire national, on est bien dans une situation d’exception dans laquelle l’organisation du pouvoir est chamboulée.

Rappelons à nos amis constitutionnalistes que l’organisation du pouvoir repose constitutionnellement sur trois pôles qui sont l’exécutif, le législatif et celui judicaire. Or, cette  information telle qu’elle circule n’émane pas de l’aile judiciaire et n’a pas suivi la procédure normale, donc confirme l’urgence et l’exception.

Toute la question et à quelque chose malheur est bon est de savoir que vise ce divorce entre l’armée et le clan Bouteflika, lequel clan est en train de s’effriter progressivement pour isoler le président et son cercle intimement rapproché ?  

En choisissant de faire pression pour l’application de l’article 102, l’armée cherche-t-elle à éviter la mise en place d’une transition dirigée par des personnalités indépendantes, soit l’option réclamée par une bonne partie des acteurs de la contestation ? Auquel cas, en fonction de l’ampleur du vendredi prochain, on pourrait s’attendre à un durcissement de l’armée pour descendre dans la rue en décrétant l’état d’urgence ou d’exception en dépit du caractère extrêmement pacifique de la rue.

Ou est-ce une revanche que prendront les généraux pour avoir été humiliés et emprisonnés pour certains de leurs collègues.

Rappelons que le ton a été donné par Bouteflika à l’armée avant sa venue en 1999. En 1994 pourtant, Mohamed Mediene, alias Toufik, patron du renseignement, et Khaled Nezzar, membre du Haut Comité d’État formé après la démission de Chadli Bendjedid, ont  harcelé Abdelaziz Bouteflika, figure flamboyante des années Boumediene dont les hauts gradés restent nostalgiques, pour qu’il accepte le poste de chef de l’État et pilote la transition. Mais lui ne se donnera même pas la peine de communiquer son refus et repartira pour Genève, où il vivait alors.

Le lendemain de son élection en 1999, face aux caméras du monde entier, Bouteflika qui a su garder son autonomie en se présentant comme un candidat libre les a défiés : « Dites aux généraux de me bouffer s’ils peuvent!» Il a savouré cette vengeance. Il n’a donc pas oublié que les militaires et la Sécurité militaire lui ont barré le chemin de la succession présidentielle en 1978, à la mort de Boumediene, lui préférant le colonel Chadli Bendjedid. Il est très difficile de faire croire et les différentes analyses, ne trompent pas que Ahmed Gaïd Salah ne prendrait pas cette décision seule sans une pression ou dans l’officine même du cercle proche du pouvoir pour calmer la rue sans grande conviction.

Rappelons que ce général de métier a bien aidé Bouteflika dans la restructuration de l’armée. En 2014, plusieurs généraux qui s’opposaient à un quatrième mandat de Bouteflika ont été mis en retraite forcée, comme Hocine Benhadid ou Mohamed Mediène, dit «Toufik», l’ancien chef du DRS. Pour calmer les hommes de troupe, il a augmenté le budget de l’armée. Lequel budget est le plus pesant dans les dépenses algériennes pour avoir été quintuplé durant le règne d’Abdelaziz Bouteflika passant de 280 à 1540 milliards de dinars.

Tous les pôles du pouvoir ont manifesté une peur bleue «de voir le mouvement populaire récupéré par «des manœuvres douteuses» et qu’il faille alors «préserver notre pays de tous dérapages ». Quelles sont ces manœuvres douteuses ? S’agit-il de l’idée de récupérer les biens publics indûment acquis ? ou ceux déjà transférés à l’étranger ?

Quels que soient les calculs politiques des uns et des autres, nous sommes bien en face d’une « révolution » très loin d’une protestation conjoncturelle, elle s’inscrit dans la durée. « Un changement de génération au pouvoir est aujourd’hui nécessaire, et même dans les hautes sphères du pouvoir on l’a compris. Mais le problème est que l’opposition a été anéantie. Elle a été mise à l’écart de longue date par le système politique. Elle a besoin de temps pour se consolider afin de pouvoir jouer un rôle dans le futur jeu politique. Une transition rapide serait risquée. Mais il faut trouver des mécanismes qui permettraient une transition plus lente, plus douce, qui pourrait éviter des dérives. Il faudra donner des garanties, des mesures crédibles qui permettront de gagner la confiance de la population mobilisée.

Cela ne pourra pas se faire avec les mêmes hommes, qui ont incarné le système dont la population revendique le départ. La mesure la plus sage serait une instance de transition, un gouvernement provisoire de technocrates, ou un comité de transition qui pourrait jouir d’une légitimité auprès de la population »

R. R.

Renvoi

(01)https://www.facebook.com/EchorouknewsTV/videos/342693986369518/UzpfSTEwMDAwMTI2NTM4MTU5NjoyMzcwMTcyNzY5NzAxNTQ2/

Auteur
Rabah Reghis

 




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