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 Boualem Sansal arrêté en Algérie

Boualem Sansal

Boualem Sansal

« Je ne suis pas armé, ce soir, le lion est mort au loin. »

Nous ne pouvons pas nous taire face à l’arrestation arbitraire de Boualem Sansal. On peut trouver dans quelques jours des motifs fallacieux comme l’intelligence avec l’ennemi. Oui, cet ennemi ou cette idée d’ennemi, fonds de commerce du régime depuis 1962. Indignons-nous de cette énième atteinte à la liberté d’expression et de pensée. Levons-nous comme un seul homme pour dire non à cette arrestation de Boualem Sensal,

« Je ne suis pas armé, ce soir, le lion est mort au loin.

 Cette phrase emblématique, tirée du contexte de la lutte pour la liberté et la résilience face aux oppressions, résonne comme un écho poignant dans le roman « 2084 : La fin du monde » de Boualem Sansal. Dans cette œuvre dystopique, l’auteur explore les conséquences du totalitarisme religieux dans l’empire fictif de l’Abistan, mettant en lumière les tensions inhérentes entre l’individu et le système.

« Je ne suis pas armé, ce soir, le lion est mort au loin.

La tension narrative dans « 2084 » se manifeste principalement à travers le conflit entre l’individu et le système oppressif. Le protagoniste, Ati, représente cette lutte en s’opposant aux dogmes imposés par le régime. Sa quête de vérité et de liberté symbolise un acte de résistance face à l’hégémonie idéologique.

Comme l’affirme Zilberberg (1998), la tension narrative est essentielle pour capter l’intérêt du lecteur, car elle met en exergue le dilemme existentiel de l’individu confronté à un pouvoir omniprésent. À cet égard, le parcours d’Ati devient une métaphore de la résistance intellectuelle face à l’oppression.

« Je ne suis pas armé, ce soir, le lion est mort au loin.

Les valences (Valeurs) dans « 2084 » se manifestent par l’opposition entre la soumission collective et la quête individuelle de liberté. L’Abistan impose une uniformité linguistique et religieuse, éradiquant toute forme de dissension. Cette uniformité, comme le souligne Dubois (2015), a pour but de contrôler la pensée et d’éliminer toute possibilité de critique.

En revanche, le personnage d’Ati incarne la recherche de pensée autonome, cherchant à retrouver un langage qui lui permet d’exprimer ses aspirations et ses doutes.

« Je ne suis pas armé, ce soir, le lion est mort au loin.

La dynamique de cette opposition est renforcée par la présence de personnages secondaires, tels que le mentor d’Ati, qui représente une forme de résistance passive. Ces personnages illustrent les différentes facettes de la lutte contre l’oppression, permettant ainsi d’explorer la complexité de la condition humaine dans un contexte totalitaire (Sansal, 2015).

« Je ne suis pas armé, ce soir, le lion est mort au loin.

À mesure que l’intrigue progresse, la tension s’intensifie non seulement à travers les actions d’Ati, mais aussi par les événements extérieurs qui menacent sa quête. Les forces opposées se manifestent dans des scènes de violence et de répression, où la brutalité du régime est mise en lumière. Chaque avancée d’Ati est contrebalancée par des conséquences dramatiques, ce qui accentue le sentiment de désespoir et d’angoisse. Cette dynamique crée un cadre narratif où le lecteur est constamment en état de tension, impliqué dans le parcours de l’individu face à l’oppression.

« Je ne suis pas armé, ce soir, le lion est mort au loin.

Sansal utilise les techniques tensives pour souligner les dangers du radicalisme religieux et du totalitarisme. « 2084 » devient ainsi une fable contemporaine qui met en garde contre les dérives idéologiques, tout en offrant une réflexion profonde sur la liberté individuelle face à l’oppression systémique. En insistant sur les valences et les tensions entre soumission et révolte, l’auteur établit un dialogue entre le passé, le présent et le futur, incitant le lecteur à réfléchir sur sa propre condition face à l’autoritarisme.

Cette œuvre s’inscrit dans une tradition littéraire qui interroge le rapport entre l’individu et le pouvoir, à l’instar d’auteurs tels que George Orwell dans « 1984 » et Aldous Huxley dans « Le Meilleur des mondes« , tout en proposant une critique acerbe des dérives de la société moderne.

Ce roman prémonitoire nous avertit sur notre condition de sujet. Nous sommes les sujets du pouvoir d’Alger. Nous lui appartenons. Il a vie et mort sur nous. Il nous incarcère si on lui désobéit, il nous chasse si on n’oublie pas le traumatisme de la décennie noire. Il décide de notre pensée et notre façon d’appréhender le monde. Nous les soumis ! Sauf si nous crions haut et fort notre colère.

Car chaque cellule d’Algérien est un Novembre potentiel. Les Novembres qui embrasèrent 1954. Et qui consumeront les geôliers de Sensal.

Pour la libération de Boualem

Saïd Keciri

Bibliographie

– Dubois, M. (2015). *Dystopie et résistance : Une étude des récits contemporains*. Paris : Éditions de la Découverte.

– Sansal, B. (2015). *2084 : La fin du monde*. Paris : Éditions Gallimard.

– Zilberberg, A. (1998). *Grammaire tensive et dynamique narrative*. Revue de Linguistique et de Littérature, 12(3), 45-67.

– Orwell, G. (1949). *1984*. Londres : Secker & Warburg.

– Huxley, A. (1932). *Le Meilleur des mondes*. Londres : Chatto & Windus.

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