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Boualem Sansal et l’espace social algérien : une tentative sémiotique

Boualem Sansal.

Né en 1949 à Theniet El Had dans la région de Médéa en Algérie, Boualem Sansal fait une entrée fracassante dans l’univers de la littérature avec son premier roman, Le Serment des barbares, publié en 1999.

De ses romans les plus connus, nous pouvons citer Le Village de l’Allemand (2008) et 2084 : La Fin du monde (2015), dans lesquels il décrit une société totalitaire inspirée de l’Algérie contemporaine. Ces deux œuvres lui ont valu une renommée internationale.

Ses romans abordent des thèmes politiques et sociétaux comme le totalitarisme, l’intégrisme religieux, la perte des libertés individuelles. Il décrit souvent une société dystopique pour mieux critiquer les dérives de la société algérienne actuelle.

De style réaliste et cynique, l’écriture de Sansal est une critique virulente du régime algérien. Boualem Sansal vit aujourd’hui entre Alger et Paris. Il est lauréat de plusieurs prix littéraires français et européens.

Le travail de Sansal contribue au débat sur la liberté d’expression et la critique des pouvoirs en place dans les sociétés arabo-musulmanes. Sociétés phagocytées par un patriarcat obsolète et un retour du religieux inquiétant qui grignote l’espace social sans répit.

De ce point de vue, les œuvres de Sansal explorent souvent la notion d’espace social et ses limites pour l’affirmation de l’individu.

Dans Le Village de l’Allemand, il décrit un village isolé où les habitants subissent la terreur d’anciens terroristes devenus les maîtres des lieux. L’espace clos du village devient une prison où toute liberté individuelle est impossible.

Dans 2084, il imagine une société totalitaire où la moindre parcelle d’espace est contrôlée. Chaque individu est assigné à une résidence dont il ne peut s’échapper. Bouger d’un lieu à l’autre nécessite des autorisations. L’espace est complètement verrouillé, empêchant toute possibilité d’affirmer sa singularité. A l’inverse, certains de ses personnages tentent de résister à cette claustrophobie spatiale. Dans Le Serment des barbares, le personnage de Rachid s’échappe de l’espace familial étouffant en immigrant en France. Ce déplacement spatial lui permet d’explorer de nouveaux espaces de liberté.

Plus généralement, Boualem Sansal décrit souvent le passage de ses personnages d’espaces ouverts, permettant l’épanouissement individuel, à des espaces fermés et oppressants, niant toute individualité. L’espace chez lui est étroitement lié aux possibilités pour l’individu d’affirmer ou non sa singularité. Nous pouvons illustrer notre propos par ces exemples :

Dans 2084, il utilise la métaphore de la muraille pour séparer son univers totalitaire du reste du monde. Cette limite spatiale infranchissable empêche toute possibilité de fuite ou de contact avec d’autres manières de penser.  Le huis clos est une autre caractéristique spatiale de ses romans. Que ce soit la cellule du prisonnier dans Le Serment des barbares ou l’appartement du personnage de 2084, ces espaces exigus augmentent le sentiment d’enfermement psychologique.  Sansal joue souvent sur l’opposition entre la claustrophobie de l’espace intérieur et l’illusion de liberté de l’espace extérieur (rues, stades) qui reste néanmoins sous contrôle. Ses personnages oscillent entre ces deux espaces. La surveillance et le contrôle policier transforment même l’espace intime du foyer en un lieu dangereux où il est impossible d’exprimer sa personnalité. L’espace privé n’est plus un refuge possible. Enfin, la possibilité pour ses personnages de sortir du pays et d’émigrer est vue comme la seule manière de reconquérir un espace de liberté personnelle et intellectuelle.

L’ailleurs devient alors un horizon imaginaire et salvateur.

En explorant toutes les nuances de l’espace social, Sansal montre avec subtilité comment celui-ci peut devenir un outil d’oppression de l’individu ou au contraire le moyen de s’affirmer. Avançons un peu plus : Dans 2084, l’auteur décrit la ville d’Abistan avec minutie. C’est une ville quadrillée, ordonnée de manière géométrique et rationnelle. Chaque quartier est attribué à une communauté (les zélotes, les progressistes, etc.). Cette partition rationnelle de l’espace urbain vise à contrôler les populations. Le Village de l’Allemand se déroule dans un hameau isolé, enclavé dans la montagne. Cet espace clos devient une prison à ciel ouvert quand d’anciens terroristes prennent le contrôle du village. L’enclavement spatial renforce l’enfermement mental. Dans Le Serment des barbares, l’aéroport est décrit comme un non-lieu anxiogène où le personnage de Rachid erre avant de s’exiler en France.

Ce passage d’un espace à un autre symbolise sa quête de liberté.

La maison familiale algéroise est souvent dépeinte chez Sansal comme un espace étouffant, régi par l’autorité du père, où il est impossible de s’épanouir. Sortir de cet espace, via l’exil ou la fugue, est une libération. Sansal utilise beaucoup la métaphore filée de la prison pour décrire des lieux clos comme l’école, l’usine ou même la mosquée qui enferment les individus dans des rôles prédéfinis. Certains de ses personnages trouvent un refuge dans des espaces imaginaires et oniriques, à défaut de pouvoir s’épanouir dans le monde réel oppressant.

En somme, chez Sansal, l’espace est rarement neutre. Il est au contraire révélateur du degré de liberté possible pour les personnages au sein de sociétés oppressives.

Le Serment des barbares, premier récit de Sansal traite de l’espace de façon particulière :

La cellule de prison où est enfermé le personnage de Malrich est décrite de manière claustrophobique :

« La cellule était exiguë, à peine plus large que le bat-flanc, elle donnait directement sur le couloir par une porte grillagée. »

Le village natal de Yyem, lieu idyllique du passé, est présenté en opposition à l’espace carcéral algérien :

« Le village était posé à flanc de montagne, au creux d’un vallon boisé irrigué par un torrent, un vrai paradis terrestre. »

Le hammam où se rend le personnage féminin de Mina est décrit comme un espace clos mais protecteur :

« Elle aimait la chaleur humide du hammam, le clapotis de l’eau, les rires étouffés […], un répit dans sa vie de mal mariée. » Le café maure où se retrouvent les hommes du village est vu comme un espace de liberté menacé par l’intégrisme montant : « Au café on parlait fort, on gesticulait, il régnait une joyeuse pagaille jusqu’à ce que le muezzin appelle à la prière. » L’exil en France est fantasmé par certains personnages comme un eldorado, un espace mythique de liberté. Mais la réalité sera plus nuancée. On voit bien à travers ces exemples comment Sansal joue constamment sur les variations de l’espace, tant physique que mental, pour révéler les aspirations de ses personnages.

Dans le roman dystopique 2084, l’espace influence profondément les personnages et leur psychologie. Voici quelques exemples : La ville d’Abistan est décrite comme une ville oppressante et lugubre, compartimentée en quartiers attribués aux différentes communautés. Cet espace carcéral entrave les libertés et enferme les individus dans des catégories.

L’appartement du personnage d’Ati est un lieu de réclusion qui reflète son aliénation. Il est interdit d’en sortir sans autorisation. Cet espace clos renforce l’isolement et la solitude du personnage. Le stade de la communauté est le lieu des rassemblements collectifs obligatoires. Cet espace pseudo-public est en fait un outil de contrôle des foules au service du pouvoir. La sortie d’Ati hors de la ville, dans la nature environnante, lui procure un sentiment de liberté. Mais ce refuge est illusoire, la ville et ses murs ne sont jamais loin. Le rectorat, lieu de pouvoir central, est décrit de manière labyrinthique et froide, à l’image du régime totalitaire. L’imaginaire spatial d’Ati est habité par des souvenirs de lieux disparus (la Méditerranée, les plages), symboles nostalgiques d’un âge d’or révolu. A travers cette variété d’espaces, Sansal montre comment le régime totalitaire d’Abistan utilise l’architecture et l’urbanisme comme des outils d’asservissement des individus. L’espace conditionne et reflète leur absence de liberté. Quelques passages de 2084 qui illustrent l’influence de l’espace sur les personnages :

« Ati n’avait pas le droit de sortir du cube où il vivait sans autorisation et sans être accompagné d’un responsable. » Ici l’appartement-cube d’Ati est une prison qui le coupe du monde extérieur.

« Le stade était ceinturé de hauts murs aveugles qui en faisaient une forteresse. […] Les gradins étaient combles comme chaque vendredi. Personne n’aurait l’idée saugrenue de manquer le rassemblement. » Le stade, espace pseudo-public, devient un outil d’endoctrinement… (…)

« Ati aimait marcher le long de l’aqueduc […]. Parvenu au sommet de la colline, il s’arrêtait pour contempler la ville à ses pieds. Elle lui paraissait belle ainsi, apaisée. Puis il apercevait les remparts et revenait à la réalité. » La sortie hors les murs procure un sentiment de liberté fugace à Ati.

« Le rectorat était un dédale de couloirs finissant en impasse, de portes qui ne s’ouvraient pas […]. Tout était fait pour désorienter le visiteur. » Le rectorat, cœur du pouvoir, est décrit comme un labyrinthe angoissant.

– « Ati rêvait encore de la Grande Bleue, des longues plages de sable fin, des palmiers, des effluves d’eucalyptus. » Les espaces du passé incarnent chez Ati un âge d’or révolu.

A travers ces exemples, on voit comment Sansal fait de l’espace un élément clé dans la description du climat oppressif du régime totalitaire d’Abistan.

L’espace oppressant du village allemand :

« Le village était cerné de toutes parts par la forêt, dense et profonde, qui escaladait les flancs des montagnes alentour. Il formait une clairière à mi-pente. » L’isolement spatial du village est d’emblée souligné.

 

« Les sentinelles vous toisaient derrière leurs lunettes de soleil, l’arme toujours pointée sur vous. Elles défendaient les seules routes qui perçaient la forêt alentour et permettaient de quitter le village. » Les issus sont verrouillées.

-« Le couvre-feu tombait chaque soir à neuf heures pile. Après, plus personne dans les rues jusqu’au matin, seulement les patrouilles. » La liberté de mouvement est restreinte.

 -« La mosquée était devenue une prison où le moindre chuchotement vous attirait les foudres de l’imam. » La mosquée, espace disciplinaire. 

-« Les perquisitions se succédaient, toujours à l’improviste, en pleine nuit. On fouillait partout, on saccageait tout. »

L’espace privé du foyer n’est plus un refuge. Ces extraits montrent l’étau spatial qui se resserre autour des villageois, transformant leur village en camp retranché, sous la coupe des islamistes. L’espace devient une prison à ciel ouvert.

Dans le roman Le Village de l’Allemand, les personnages adoptent différentes attitudes pour faire face à l’espace oppressant du village sous la coupe des islamistes : Certains se soumettent et subissent cet espace carcéral dans la crainte et le silence. C’est le cas du personnage de Boualem qui n’ose plus sortir de chez lui. D’autres tentent de résister à leur manière en bravant les interdits, comme le personnage de Malrich qui continue à boire de l’alcool en cachette.

Le personnage de Rachel tente elle de s’évader de cette prison à ciel ouvert en imaginant un ailleurs fantasmatique, rêvant de partir en France. Le jeune personnage de Nadjib, lui, erre dans le village comme une âme en peine, ne supportant plus cet enfermement. Certains comme l’instituteur essayent de maintenir des espaces de liberté en continuant à enseigner la pensée critique interdite. D’autres enfin choisissent l’exil pour échapper à cette prison villageoise, même si certains reviendront désenchantés. On voit bien que le rapport à l’espace conditionne les actions et réactions de chacun, entre soumission, résistance petite ou grande, rêve d’ailleurs ou exil réel. Cet espace oppresse les corps et les esprits.

Interrogeons Tahar Djaout

On peut faire un parallèle entre Le Village de l’Allemand de Sansal et Le Dernier Été de la raison de Tahar Djaout dans leur traitement d’espaces oppressifs qui reflètent la montée de l’intégrisme islamiste en Algérie : Dans les deux romans, l’espace algérien se rétrécit et se ferme sous la pression des islamistes. La liberté de mouvement et d’expression est restreinte. Le village de Sansal et le quartier d’Alger de Djaout deviennent des espaces-prisons soumis à la terreur intégriste. Couvre-feu, checkpoints et milices contrôlent les habitants. La mosquée se transforme en un lieu de propagande et de discipline plus que de spiritualité dans les deux œuvres. Les deux romans décrivent des descentes de police et des perquisitions dans les domiciles, l’espace privé n’étant plus un refuge. Chez Djaout comme Sansal, certains personnages tentent de préserver des « bulles » de liberté en continuant à enseigner, créer, résister intellectuellement.

Face à cet espace algérien qui se ferme, l’exil en France devient une échappatoire rêvée par certains personnages.

Mais dans les deux cas, un espoir subsiste chez ceux qui choisissent de rester et de lutter pour la liberté de pensée.

Les deux romans décrivent avec lucidité cette rétraction de l’espace de liberté en Algérie, et ses effets sur la psychologie des protagonistes. Quelques éléments supplémentaires pour comparer le traitement de l’espace dans

Le Dernier Été de la raison de Tahar Djaout et Le Village de l’Allemand de Boualem Sansal :

Chez Djaout, l’espace de la maison familiale algéroise reste un havre préservé où les femmes de la famille tentent de maintenir une normalité et des traditions (cuisine, musique, poésie). Chez Sansal, même cet espace privé est totalement corrompu par la terreur intégriste. Dans le roman de Djaout, l’université incarnait un espace de liberté intellectuelle mais elle est progressivement abandonnée sous les menaces des islamistes. Dans celui de Sansal, l’école elle-même est devenue un outil de propagation de l’obscurantisme. Djaout évoque les bureaux du journal où travaille le personnage de Boualem, qui tente de préserver la liberté de la presse. Sansal montre comment toute presse libre a été éradiquée dans le village totalitaire. Le quartier populaire chez Djaout garde une certaine convivialité que décrivent les flâneries du personnage principal. Le village de Sansal est dépeint comme uniformément gris et austère.

Djaout symbolise l’espoir d’un renouveau par le personnage de la petite fille qui apprend l’alphabet. Sansal montre surtout des adultes et vieillards résignés ou soumis.

On voit bien que si les mécanismes d’oppression de l’espace sont similaires, Djaout maintient une lueur d’espoir quand Sansal décrit un espace social totalement corrompu par l’intégrisme.

Dans Le Dernier Été de la raison de Tahar Djaout, l’espace algérois se rétrécit et devient de plus en plus oppressant au fur et à mesure que monte la pression intégriste. Voici quelques exemples :

Le quartier populaire d’Alger perd peu à peu sa convivialité sous l’emprise grandissante des islamistes. Les cafés se vident, les gens se terrent chez eux.

– La rue, espace public par excellence, est déserte, balayée par les vents du couvre-feu. Les contrôles policiers se multiplient, limitant les déplacements.

– L’université, havre de liberté intellectuelle, se vide après les menaces et assassinats de professeurs par les intégristes. L’espace du savoir est corrompu.

– La salle de rédaction du journal, qui tentait de préserver la liberté d’informer, devient un lieu morose et silencieux, où plane la peur de représailles.

– La librairie, symbole de l’accès au savoir, doit fermer, censurée par les islamistes qui brûlent les ouvrages jugés subversifs.

– Même l’espace de la maison familiale n’est plus sûr, les portes doivent rester closes. On sursaute au moindre bruit suspect la nuit.

– Seul l’imaginaire du personnage principal qui rêve de neige, d’ailleurs ou de femmes libres, constitue encore un espace de liberté mentale.

Cette description montre bien comment l’espace physique se rétrécit en même temps que l’espace de liberté et de pensée sous la pression intégriste grandissante.

Quelques passages du Dernier Été de la raison illustrant l’espace algérois oppressant :

-« Le quartier se vidait inexorablement de sa substantifique moelle. Les volets des maisons se fermaient de plus en plus tôt. » L’ambiance du quartier se dégrade.

-« Les rues éventrées grouillaient de flics en civil qui vous toisaient avec arrogance et méfiance. » La surveillance policière rend la rue menaçante.

-« L’université était désertée. Les étudiants effrayés désertaient les amphis, les enseignants terrifiés imitaient leurs étudiants. » L’université n’est plus un refuge.

-« La rédaction était devenue une nécropole que hantaient quelques survivants. » Le journal, autrefois vivant, est moribond.

-« La librairie Asselah […] avait baissé rideau sur ordre des fous de dieu qui brassaient de l’air avec leurs machettes en hurlant « brûlons, brûlons ! » La librairie, symbole de liberté, est fermée.

-« Boualem referma la porte à double tour et poussa le verrou. Ce simple claquement de la serrure le rassurait. » Même la maison n’est plus sûre.

On voit bien à travers ces extraits comment l’espace se rétrécit et se ferme sous la terreur intégriste grandissante, étouffant toute parole libre.

Dans Le Dernier Été de la raison, Tahar Djaout décrit une atmosphère angoissante et oppressante qui traduit la montée de l’intégrisme et de la terreur en Algérie :

– Une atmosphère délétère, nauséabonde, étouffante, qui contraste avec la lumière et la beauté passées d’Alger. La ville semble plongée dans les ténèbres.

– Une ville fantomatique, vidée de ses habitants qui se terrent chez eux. Le couvre-feu a rendu les rues désertes, balayées par les vents. Le silence est pesant.

– Une atmosphère de suspicion et de peur généralisée. On sursaute au moindre bruit. Personne n’ose parler librement, de crainte d’être dénoncé.

– Une impression d’enfermement, d’étouffement, renforcée par les barrages policiers qui entravent toute circulation. L’espace de liberté se réduit.

– Des descriptions angoissantes de la nuit algéroise, hantée par les ombres des intégristes armés de machettes prêts à en découdre.

– Une atmosphère de fin d’un monde, de crépuscule, de nuit tombante sur la ville. La désolation domine.

– Quelques bulles d’air subsistent çà et là, comme la maison familiale. Mais l’atmosphère générale est à la menace diffuse et la paranoïa.

En somme, Djaout peint une ambiance de ville assiégée psychologiquement par l’intégrisme, où règnent angoisse et claustrophobie.

Voici une comparaison entre Le Serment des barbares de Boualem Sansal et Le Dernier Été de la raison de Tahar Djaout :

– Dans les deux romans, l’atmosphère devient étouffante et angoissante avec la montée de l’intégrisme qui restreint les libertés.

– L’espace algérien se rétrécit, avec la rue et l’université qui ne sont plus des havres de liberté. Le contrôle social s’accroît.

– La peur et la terreur s’installent, avec des scènes de torture, d’autodafés, de menaces pour ceux qui osent encore parler.

– La famille constitue encore un refuge relatif où l’on tente de préserver la tradition, la poésie, le savoir.

– Le rêve d’ailleurs, l’imaginaire encore libre permettent de respirer. L’exil est une échappatoire.

– Les deux héros, Boualem et Rachid, incarnent la résistance intellectuelle et le refus de se soumettre.

– Mais Rachid finit par choisir l’exil quand Boualem résiste sur place jusqu’à la mort.

– Tahar Djaout montre encore quelques lueurs d’espoir quand Sansal décrit un espace social totalement perverti par l’intégrisme.

– La dénonciation de l’obscurantisme est très forte chez les deux auteurs, mais Sansal se fait encore plus pessimiste.

Ainsi, malgré des différences de ton, les deux romans décrivent la difficulté de résister quand l’espace de liberté se rétrécit face aux intégristes.

Quelques autres éléments de comparaison entre Le Dernier Été de la raison de Djaout et Le Serment des barbares de Sansal :

– Chez Tahar Djaout, le quartier populaire d’Alger garde une certaine convivialité et solidarité qui n’existe plus dans le village de Sansal, décrit de manière plus uniforme.

– La langue de Djaout, avec ses métaphores poétiques, créé des images de lumière même dans l’obscurité. Le style de Sansal est plus cru, réaliste.

– La folie guette les personnages de Tahar Djaout mais elle n’est pas encore totalement installée. Dans le village de Sansal, la folie des maîtres islamistes s’est propagée à tous.

– Djaout évoque la petite fille analphabète qui apprend l’alphabet, symbole d’espoir dans la transmission aux générations futures. Sansal décrit plutôt des adultes et vieillards résignés.

– Le personnage de la mère chez Djaout incarne la tradition algérienne vivante. Chez Sansal les parents sont soit absents soit collaborant avec l’ordre intégriste.

– Djaout décrit la langue arabe qui résiste à l’envahisseur intégriste. Sansal montre une langue corrompue par l’idéologie totalitaire.

– L’humour et l’amour subsistent chez Djaout. Le village de Sansal est décrit de manière plus monochrome, grise et austère.

Ce modeste exposé comparatif entre deux auteurs algériens, Djaout et Sansal nous montrent la matrice qui les travaillent en profondeur. L’oppression des personnages face à la rétractation de l’espace. Ce à quoi ils aspirent dans les différents espaces et lieux où ils meuvent est sans conteste la liberté.

Said Oukaci, Doctorant en sémiotique  

 

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