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Boualem Sansal VS Mohamed Lamine Belghit : un poids deux mesures qui interroge

Mohamed Lamine Belghit

Les déclarations de Boualam Sansal sur l’Ouest algérien sont des contre-vérités historiques qui résonnent plus comme une provocation qu’une démarche visant à accéder à notre passé.

La conjoncture géopolitique tendue a donné à ces propos une connotation qui pouvait prêter à diverses interprétations. Mais, parce qu’il y a toujours un mais, emprisonner Boualem Sansal ne participe-t-il pas d’une volonté d’intimider ou de terroriser encore plus les citoyens qui veulent faire valoir leur opinion dans leur pays en prenant le risque de mettre de l’huile sur le feu avec une autre conséquence immédiate : pousser davantage à l’isolement de l’Algérie sur la scène internationale ?

La question mérite d’être posée; d’autant que des propos similaires, voire plus graves, tenus à plusieurs reprises par d’autres personnes n’ont fait l’objet d’aucune poursuite. Et ce traitement judiciaire à la carte pose un sérieux problème.

Mohamed Lamine Belghit, grand amateur de l’histoire bricolée confinant au charlatanisme, est aussi porte-parole attitré de la badissiya-novembriya, héritière des Oulémas qui ont publiquement condamné l’insurrection du premier novembre. Une mouvance dont la dénomination est déjà un contresens politique et une supercherie intellectuelle. Il se distingue par plusieurs dérapages dont certains heurtent frontalement des dispositions constitutionnelles et les fondements symboliques de la nation algérienne.

Dans une émission diffusée sur la chaine Echourouk et postée le 1er novembre 2019 sur youtube, Mohamed Lamine Belghit s’attaque à l’une des constantes nationales : à savoir la composante amazighe de l’Algérie consacrée par la constitution. Ecoutons-le : «Cette amazighité est une création de l’académie berbère. Cette amazighité n’existe pas du tout. Le seul qui a parlé un peu de l’amazighité dans l’histoire c’est Ibn Khaldoun ». Le « un peu » d’Ibn Khaldoun sur l’amazighité représente son immense œuvre consacrée à « l’histoire des Berbères.» Cette déclaration constitue un viol caractérisé de la Constitution algérienne qui menace la cohésion nationale avec les risques potentiels de violences intercommunautaires que cela peut provoquer.

Dans une autre vidéo diffusée sur Youtube le 19 juin 2021, il développe une lecture sournoise et falsifiée de la reddition de l’émir Abdelkader. À la question du journaliste qui lui demandait si l’Emir Abdelkader a capitulé, Belghit répond : « Ce mot me dérange. Moi je le dis avec un langage plus clément. L’émir a capitulé devant le jugement de Dieu et son destin mais il a laissé le combat ouvert à tout Algérien musulman capable de prendre l’épée une autre fois pour défendre sa dignité ».

On relèvera ici l’incantation de la divinité de la part d’un expert censé rapporter des faits pour analyser scientifiquement les événements. Le journaliste le relance en lui indiquant « qu’il y a une logique peut-être simple qui te dit où se situe le problème. Au lieu de se rendre ou de capituler et accepter la domination française, il aurait pu aller vers le Sahara où n’importe quel autre lieu et continuer sa résistance jusqu’à ce qu’il tombe en martyr. »

C’est là que Belghit, personnalise la lecture de l’histoire et sans donner ses sources, déclare : « l’émir avait perdu la loyauté d’un ensemble de tribus dans le Sud Oranais, surtout la région de Saïda ».

Pour étayer ses allégations, il emprunte des propos qui auraient été tenus par l’émir Abdelkader et qui se serait justifié ainsi : « …si j’avais pris la destination du sud (Belghit indique, sans plus de précision, que par le sud, l’émir voulait dire, sans la citer nommément, Saïda) ils m’auraient livré au roi du Maroc » et ça sera sa fin, déduit le scénariste. Il conclut en estimant qu’il « a préféré rendre son épée au lieu d’entrer en guerre avec les Marocains où avec des tribus dans le sud-oranais qui ont prêté allégeance au Maroc … ».

Donc selon Belghit aussi, du vivant d’Abdelkader, le sud-ouest algérien serait marocain ! Un délire qui n’a soulevé aucune protestation.

Ces élucubrations appellent plusieurs remarques. Après sa reddition, l’émir Abdelkader n’a pas « ouvert le combat à tout Algérien musulman capable de prendre l’épée une autre fois. » Epuisé et déçu, il témoignera fidélité à la France qui saura la récompenser par une bourse conséquente.

Il avait d’ailleurs violemment condamné l’insurrection de 1871 et renié un de ses fils qui allait y prendre part. Mais pourquoi l’affabulateur Belghit s’autorise-t-il à interpréter les pensées de l’émir pour y trouver de supposées décisions coupables des tribus de Saida qu’il livre à la postérité comme des communautés habitées par la félonie ?

A ce jour, aucune réaction officielle n’a été enregistrée devant autant des propos délictueux d’un multirécidiviste de la manipulation de l’histoire. Dans une autre intervention, Belghit nous assomme par une humiliante tromperie qui contredit tous les témoignages et documents connus sur le déclenchement de la révolution du premier novembre.

Voici sa mystification : « Moi je dis que Abdenacer est celui qui a donné le feu vert pour la révolution à Ben Bella. » La révolution algérienne n’est inféodée ni à Moscou, ni au Caire ni à Londres ni à Washington avait déclaré Abane. Il est vrai que pour Belghit, ce ne sont pas les fils de novembre et de la Soummam qui ont fait la guerre mais les Oulémas qui l’ont condamnée dès le premier jour. L’indécence de l’imposteur ne connait ni limite ni sanction.

Un deux poids deux mesures qui fait de certains Algériens des acteurs qui échappent à une loi que l’on applique avec une rigueur extensive à d’autres. Il y aurait comme des citoyens du premier collège qui défient le droit et la morale.

Il serait intéressant de savoir qui sponsorise et protège cet homme sectaire, spéculateur de l’histoire de chambre et négationniste de l’identité amazighe. La justice ne devrait-elle pas s’auto-saisir dans ce cas, ou devrait-on encore introduire, comme dans le cas de Naima Salhi, une plainte pour qu’elle daigne enfin bouger ?

Yassine Aïssaoui,

Tribune publiée par l’auteur sur Facebook le 28 novembre 2024.

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