Site icon Le Matin d'Algérie

Bouteflika veut rééditer le stratagème de 2011 (II)

DECRYPTAGE

Bouteflika veut rééditer le stratagème de 2011 (II)

Bouteflika a toujours pensé qu’il n’a rien à craindre dans ce bas monde, tant que Dieu prête vie aux bonnes pommes. Et nous serions tous très bonnes pommes si nous venions à donner crédit à ses promesses, dont celle du 3 mars 2019 d’organiser des élections anticipées dans moins de deux ans, et d’engager des «réformes profondes».

Des « réformes profondes » ? Bouteflika a juste laissé dire les singes savants qui lui prêtaient la grandeur d’âme de vouloir «quitter le pouvoir en 2012 après en avoir fini avec l’Etat-DRS » ; il a laissé croire. Lui seul savait qu’il ne restituerait jamais le pouvoir. Ni aux généraux, ni au DRS, ni encore moins au peuple.  Bouteflika a magistralement joué de l’obsession anti-DRS. Il a fait croire. Il a fait dire.

Aux pires instants des émeutes d’Alger et du soulèvement de Tunis, Bouteflika a su faire preuve de virtù, mot toscan que l’on peut traduire par « mérite », « vaillance » ou encore « valeur » (de racine latine virtu, la force virile) et par lequel Machiavel désigne cette force capable d’infléchir le cours des événements, d’imposer sa loi envers et contre les circonstances les plus désespérées, l’aptitude à se jouer des esprits communs, à tromper, louvoyer, pour la seule finalité qui compte, conserver le pouvoir personnel, y compris dans les moments les plus désespérés. Le vrai Prince est celui qui ne baisse pas les bras dans un contexte écrasant et qui sait donc prévoir.

«La fortuna [la chance ndlr] ne change que pour ceux qui ne savent pas se conformer au temps», a dit le philosophe florentin. 

Une façon diabolique de faire cesser la protesta et de mettre fin aux manifestations de rues.  C’est ainsi qu’il a cassé le mouvement de protestation de 2011 et pu échapper au Printemps arabe. En faisant une belle promesse aux mécontents de 2011. Le temps de laisser passer l’orage arabe. Il a fait croire. « Gouverner, c’est faire croire », a dit Machiavel. Bouteflika ne l’a jamais oublié.

Fin janvier, il fait savoir que son départ livrerait l’Algérie aux « rapaces militaires », que lui, regardez bien, lui ce n’était pas Ben Ali, mais juste un patriote prêt à démocratiser l’Algérie d’ici 2012, s’il n’y avait les « autres » …Les généraux, le DRS…Il a les bras ligotés…  Il a fait dire à Louisa Hanoune qu’il était même disposé à installer une assemblée Constituante,  à tout bouleverser, s’il avait des soutiens…Il a juste besoin d’un an…Juste un an…Rien qu’une une année pour conduire des « réformes profondes » qui libéreraient enfin l’Algérie des griffes du DRS. 

Aussitôt, la dame du PT s’enflamma et se répandit dans Alger avec la nouvelle du jour « Bouteflika, partisan de la Constituante » et, bingo !, Abdelhamid Mehri se fendit aussitôt d’une lettre émouvante à « frère Bouteflika », une lettre absolutrice qui le blanchissait de tout et qui, miracle,  le proclamait « père de la nation », lui proposant, tel un nouveau Mandela, de superviser de sa stature une « transition démocratique » durant l’année qui séparait l’Algérie du 50e anniversaire de son indépendance. Devant tant d’émotion, Aït Ahmed versa quelques larmes et se mit à rêver tout haut d’un «  cinquantenaire de l’indépendance qui verrait de nouveau le peuple algérien, fier de son passé et rassuré sur son avenir …  Bouchachi et Mehri n’ont pas observé que Bouteflika n’était intéressé que par son maintien au pouvoir et le temps à gagner.

La force de Bouteflika, c’est la force des véritables créatures de pouvoir : l’amoralité. Comme tous les vrais personnages machiavéliens, Bouteflika n’est pas à proprement parler immoral. Il est amoral en ce sens qu’il est au-dessus de la morale ordinaire. Seule compte l’efficacité. Garder le pouvoir. Le grand principe de Machiavel. 

Au plus fort de la révolution du Jasmin, quand la rue d’Alger criait « Bouteflika dégage », quand le président était sous la menace de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), le chef de l’Etat a magistralement joué de l’obsession anti-DRS pour obtenir un répit, juste un répit face à la rue endiablée. D’une nouvelle réputation qui le distinguerait de Ben Ali, une nouvelle image, bref quelque chose qui le déculpabiliserait. Le temps de laisser passer l’orage arabe. Il a fait croire. « Gouverner, c’est faire croire », a dit Machiavel. Bouteflika ne l’a jamais oublié. Fin janvier, il fait savoir que son départ livrerait l’Algérie aux « rapaces militaires », que lui, regardez bien, lui ce n’était pas Ben Ali, mais juste un patriote prêt à démocratiser l’Algérie d’ici 2012, s’il n’y avait les « autres » …Les généraux, le

DRS…Il a les bras ligotés…  Il a fait dire à Louisa Hanoune qu’il était même disposé à installer une assemblée Constituante,  à tout bouleverser, s’il avait des soutiens…Il juste besoin d’un an…Juste un an…Rien qu’une une année pour conduire des « réformes profondes » qui libéreraient enfin l’Algérie des griffes du DRS.  Aussitôt, la dame du PT s’enflamma et se répandit dans Alger avec la nouvelle du jour « Bouteflika, partisan de la Constituante » et, bingo !, Abdelhamid Mehri se fendit aussitôt d’une lettre émouvante à « frère Bouteflika », une

lettre absolutrice qui le blanchissait de tout et qui, miracle,  le proclamait « père de la nation », lui proposant, tel un nouveau Mandela,de superviser de sa stature une « transition démocratique » durant l’année qui séparait l’Algérie du 50e anniversaire de son indépendance.

Devant tant d’émotion, Aït Ahmed versa  quelques larmes et se mit à rêver tout haut d’un «  cinquantenaire de l’indépendance qui verrait de nouveau le peuple algérien, fier de son passé et rassuré sur son avenir… » 

Ce que ni Mehri, ni Louisa Hanoune, ni Ait Ahmed ne percevaient alors que Bouteflika était prêt à promettre la lune à tous ceux qui lui épargneraient le sort de Ben Ali. La lune ou quelque chose de dément, comme dirait Caligula. La Constituante, la démocratie, l’alternance, le bonheur…Enfin, quelque chose qui le déculpabiliserait. Oui, le vieil avocat savait qu’à cette opposition là, Bouteflika s’était dit prêt à être Mandela,  Mirabeau, Barnave, Cazalès et même l’abbé Maury, pourvu qu’il reste un peu Louis XVI et plus du tout « Bouteflika l’indésirable », « Bouteflika dégage ! », quelle infamie !. Oui, laissait-il entendre, il laissera les représentants du peuple décider de l’avenir, il abolira les privilèges féodaux, il réhabilitera le tiers Etat, il supprimera tous les titres de noblesse, pourvu qu’il demeure roi. Le temps que se taise le vacarme d’une révolution qui avait déjà emporté trois dictateurs arabes. 

Le temps de casser la CNCD. 

Aït Ahmed avait réagi exactement comme l’avait prévu Bouteflika. 

A la mi-février 2011, il fait savoir qu’il n’est pas pour le départ de Bouteflika. Il donne l’ordre à Bouchachi de quitter cette CNCD qui persiste à prendre Bouteflika pour cible. La coordination explose Bouchachi tient le langage que souhaitait faire entendre Bouteflika .

« La démission  d’Abdelaziz Bouteflika n »est pas nécessaire…  Je pense qu’il faut être pragmatique : c’est un changement qui peut se faire avec le pouvoir. On peut envisager la mise en place d’un gouvernement de coalition nationale qui organise de vraies élections dans lesquelles tout le monde participera ». Mehri surenchérit : « Non, je ne demande pas le départ de Bouteflika. » 

 En pleine émeutes arabes, alors que la rue algérienne bouillonnait, Bouteflika trouvait des avocats à sa cause. Et des avocats crédibles pour l’opinion internationale et la Maison Blanche. A l’heure où les tyrans chutent face à la rue survoltée, quoi de plus salutaire qu’une gloriole dite par les plus anciens, les plus subtils, en tout cas les moins suspects de collusion avec le pouvoir ? « Voyez, même l’opposition me soutient » C’est cela, le but de la politique, pour Machiavel, ce n’est pas la morale mais la réussite. Obtenir et conserver le pouvoir ! Le prince n’a pas à être juste. Il suffit qu’il le paraisse. La politique est un art de la dissimulation au nom de l’efficacité. Et l’efficacité, ici, c’est s’assurer de sa propre succession pour 2014 ! 

Quelques jours avaient suffi pour enterrer les promesses, oublier l’Assemblée constituante, la démocratisation de la vie publique…On n’en était plus là… 

« Il avait pourtant promis… » disent, aujourd’hui, médusées, ses  dernières victimes, Louisa Hanoune,  Abdelhamid Mehri, Hocine Aït Ahmed, Mostefa Bouchachi, politiciens  pourtant pas nés de la dernière pluie mais qu’on a vu tomber des nues en entendant, le 15 avril, Bouteflika sonner le clairon ! Réveil pour tous ! Fini de rêver !  Il ne concèdera rien, surtout rien du pouvoir, rien de l’édifice totalitaire par lequel il exerce un pouvoir absolu, peut-être un peu de droits, juste un peu, enfin, on verra… 

M.B.

La CNCD est créée le 21 janvier 2011, lors d’une réunion à Alger, regroupant des syndicats autonomes (Snapap, CLA, Satef et CNES), des organisations de défense des droits de l’homme, parmi elles la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH avec Ali Yahia Abdennour, Mustapha Bouchachi), des associations estudiantines et de jeunes (Algérie Pacifique, le Collectif des étudiants), le collectif des chômeurs du sud (CNDDC), des associations (SOS Disparus, réseau Wassila, l’association de défense des droits des enfants), le mouvement des archs, le Collectif national pour la liberté de la presse (CNLP) autour de Rabah Abdallah, des journalistes comme Fodil Boumala, Mustapha Benfodil, Zoubir Khlaïfïa, Hassan Moali, Houari Barti, Ali Cherarak, Zouaimia El Hadj Larbi ou encore Amine Esseghir, des partis politiques (RCD, MDS,FFS,PLD), des députés indépendants (Tarek Mira, Ali Brahimi) et des citoyens avocats, enseignants, cadres actif ou en retraite et des comités de quartier2,3,1. Et le 25 janvier 2011 un Manifeste pour les droits et libertés est rédigé par certains membres et signé par de nombreuses personnalités.

Auteur
Mohamed Benchicou

 




Quitter la version mobile