Vendredi 25 juin 2021
Ça arrivera sous Tebboune…
En août 2017 j’ai publié une série d’articles pour défendre Tebboune qui venait d’être éjecté de manière humiliante du poste de Premier ministre par le clan Bouteflika-Ouyahia-Haddad qui, derrière les barreaux où ils se trouvent depuis deux ans, n’ont pas encore trouvé de réponse à leur lancinante interrogation sur le sens métaphysique de ce qu’il leur est arrivé.
Ils ne l’auraient pas imaginé même s’ils avaient vécu autant que Noé, soit 950 ans !
Lui-même ne s’était pas défendu alors que mes écrits de cette période m’avaient valu d’être publiquement menacé de poursuites par le Premier ministre, son parti, le président de l’Assemblée nationale et le vice-ministre de la Défense nationale, le général Gaïd Salah, notamment via la revue officielle de l’armée « El-Djeïch ».
Dans le feu de la bataille j’ai lancé un « Appel aux Algériens et Algériennes pour une révolution citoyenne pacifique » avec l’objectif d’empêcher le 5e mandat et de réaliser l’ »Alternance Historique » qui ouvrirait de nouvelles perspectives à l’Algérie.
Cet Appel en quatre séquences, et mes échanges houleux avec un pouvoir qui avait atteint le stade crapuleux, peuvent être consultés sur ma page Facebook et les médias qui les ont publiés ou commentés. Le plus curieux d’entre ces écrits est le dernier, paru en date du 16 août 2017 sous ce titre : « Tebboune : une affaire dont on ne sortira pas… ».
Le 22 février 2019 éclate une révolution populaire dans l’ensemble des villes du pays qui emporte Bouteflika et amène à la présidence de la République en décembre un certain… Tebboune.
Aujourd’hui, j’ai découvert qu’en fait le sens de cet article dépassait la crise de l’été 2017 et indiquait clairement qu’on n’en avait pas fini avec cet homme, sans savoir si c’était en bien ou en mal. En tout cas, mon titre annonçait une suite compliquée, des développements d’importance nationale à venir liés à Tebboune, avec une connotation légèrement négative.
Je crois qu’on y est. Le triplé de ratés majeurs déjà inscrits au passif de Tebboune (présidentielle, référendum et élections législatives) justifient largement les messages que j’ai lancés ponctuellement dans sa direction dans l’espoir qu’il redresse la barre de sa politique, de son destin et celui de l’Algérie afin que se referme le vortex qui s’était ouvert avec lui.
Je sais qu’autour de lui on n’aime pas les montreurs de lune auxquels on s’empresse de couper le doigt et qu’ils voudraient bien me voir en prison. Mais il y a plus surprenant qu’eux : les ennemis de Tebboune qui le vilipendent jour et nuit depuis Paris, Londres et le Maroc et qui se sont mis à se lamenter de ce que je n’aie pas été jeté en prison alors qu’ils se vantent d’être des militants des droits de l’Homme et de la liberté transpolitique et transidéologique. Allez comprendre quelque chose à la logique algérienne, que ce soit chez les gens du pouvoir ou chez les Qarmates-nihilistes maquillés en démocrates du XXIe siècle.
Voyons maintenant où nous en sommes avec la prédiction de 2017 :
En mai dernier, et en relation avec les élections législatives qui viennent d’être menées à la hussarde, les autorités ont déployé d’impressionnantes forces de l’ordre dans les grandes villes du pays pour mettre fin au « Hirak » qui persistait parce qu’il n’avait réalisé que l’un de ses objectifs, l’empêchement du cinquième mandat. Il restait le plus important, ce que j’avais appelé « l’Alternance Historique » et que le « Hirak » désigne dans son dégagisme radical par l’expression martiale : « Yetnahaw gâa ! ».
En apparence le « Hirak » s’est volatilisé, a disparu, en dehors de la Kabylie. Ce peut être l’impression d’un esprit sommaire qui ignore les mouvements impétueux de l’Histoire, la mécanique des fluides et l’intrication quantique. En fait il s’est éclipsé ailleurs, comme quand on entre en clandestinité, et reviendra inéluctablement sous d’autres formes, avec d’autres voies et moyens d’expression et d’action car il est impossible que les millions d’Algériens qui ont manifesté pacifiquement pendant 123 semaines pour changer le « système », retournent docilement à leur ancienne résignation une main devant, une main derrière.
Quelques semaines avant le vote, j’avais publié une alerte intitulée « L’Algérie sans la Kabylie » pour supplier le pouvoir de surseoir à ce scrutin qui fera exploser l’Algérie tôt ou tard, écrivant :
(Début de citation) : « Si le pouvoir est incapable de comprendre qu’il est en train de détacher en pointillés la Kabylie, qu’il va l’acculer à la sécession à long terme, il faut lui faire un dessin. Je répète donc : l’Algérie sans la Kabylie est apparue clairement à la vue avec sa non-participation à l’élection présidentielle, au référendum sur la Constitution et, bientôt, à l’élection législative. Quand viendra l’heure des élections communales et wilayales (départementales) auxquelles elle ne participera vraisemblablement pas, elle aura achevé sa sortie du système institutionnel algérien…
Que vont être obligés de penser les forces vives de la Kabylie, ses figures politiques, intellectuelles et artistiques, ses centaines d’associations actives dans la région, le reste du pays et la diaspora ? Quelle sera leur réaction collective quand ils seront tous gagnés par le sentiment d’avoir été chassés de la vie du pays parce qu’ils ont manifesté aux côtés de leurs concitoyens du « Hirak » ?… Ils se replieront sur eux-mêmes, chercheront à s’organiser avec leurs propres moyens, rêveront d’un autre avenir et voudront le construire comme alternative au sort que leur aura fait le pouvoir… » (Fin de citation).
Tout le monde sait que l’avenir se construit sur le passé. Cette semaine, une figure connue de la Kabylie a commencé par-là justement, en s’attaquant sans respect ni égard d’aucune sorte au passé commun des Algériens sur une chaîne de télévision connue pour exécuter les basses besognes que lui désigne le pouvoir.
Cet archiviste improvisé était tout content d’opposer des personnalités historiques éminentes du pays (l’Emir Abdelkader, Ben Badis, Messali Hadj et Boumediene), présentées comme des traîtres à la nation, à des personnalités historiques éminentes de la Kabylie. « Vous avez vos héros, nous avons les nôtres », semblait dire l’héraut au nom d’une Kabylie qu’il ne représente pas mais qui, dans le désarroi où l’a mise un pouvoir irresponsable, sera de plus en plus sensible à ce genre d’arguments.
Il y a une dizaine de jours, le « Conseil des sages » (tajmaat) d’un village de Kabylie a appliqué le droit coutumier dans le jugement d’un citoyen qu’il a condamné (à cause du scrutin législatif) au « bannissement », une peine qui n’existe pas dans le droit pénal algérien ni dans aucun pays au monde depuis au moins un siècle. La sentence a été rendue publique sur les réseaux sociaux et remise aux autorités publiques. C’est le premier acte solennel de sortie du droit algérien, et l’exemple peut très vite se généraliser. Rappelons-nous aussi de la « grève du cartable » de 1994 et du renvoi de la gendarmerie nationale de la Kabylie pendant plusieurs années d’affilée.
Ces quelques signes avant-coureurs de la mise en route du processus de désarrimage de la Kabylie du reste de l’Algérie en seulement quelques jours ne sont qu’un début. Qu’en sera-t-il dans les mois et les années à venir si le « Hirak », promesse d’un avenir meilleur pour l’Algérie réunie et rassemblée, ne remporte pas la partie ?
Trois scrutins, trois résultats décroissants et tendant vers zéro, trois loupés. Un incendie de forêt par-ci, une coupure d’eau de plusieurs jours consécutifs par-là, une plus grosse dévaluation subite du dinar et voilà la situation devenue intenable… Comment un pays pourra-t-il se redresser avec une infime minorité dans les institutions et la majorité des deux-tiers au moins dans la rue ? Où cela s’est-il vu en dehors de la « nouvelle Algérie » de Tebboune ?